Venu de la gauche, et même de l’extrême gauche, il a graduellement évolué vers la droite, au point de s’allier avec le Front (puis Rassemblement) national (RN), au point d’être perçu aujourd’hui comme un représentant de l’extrême droite, cette mouvance honnie et sans cesse vilipendée car réincarnant le fascisme, l’antisémitisme et le racisme. Il n’est pas sans intérêt de décrire cet itinéraire.
Issu d’une famille de colons d’Algérie, et fils d’un colonialiste issu du parti communiste
À vrai dire, le voisinage actuel de Ménard avec l’extrême droite se présente comme un retour aux origines. Robert Ménard est né en effet à Oran le 6 juillet 1953, au sein d’une famille partisane de l’expansion coloniale de la France, et très attachée à la terre d’Algérie, où elle s’était fixée en 1850. Son père fut successivement commerçant, imprimeur et éleveur de poules. À ses yeux, la France remplissait, dans son empire colonial, une mission civilisatrice, bénéfique tant pour elle que pour les indigènes, qu’elle tirait de leurs conditions d’existence archaïques. L’entreprise coloniale s’accordait, selon lui, avec l’idéal de l’émancipation de l’humanité et du progrès. Ceci explique que, quoique colonialiste, il ait été séduit par le communisme et ait milité en un syndicat communiste. Mais l’anticolonialisme du parti communiste détermina son évolution vers les défenseurs de la cause de l’Algérie française, de plus en plus majoritairement à droite au fur et à mesure que se prolongeait la guerre d’Algérie. Émile Ménard finit par adhérer à l’OAS, ce qui lui valut d’être emprisonné, comme son frère, devenu pilote d’avion au service de cette organisation.
Une éducation catholique et conservatrice, puis une jeunesse gauchiste
Robert Ménard était à la veille de son neuvième anniversaire quand l’indépendance de l’Algérie (5 juillet 1962) fut proclamée. Avec sa famille, il s’installa à Brusque, une localité aveyronnaise, puis à Béziers, dans le quartier, alors tout nouveau, de la Devèze. De par sa rupture avec la gauche et son soutien à l’OAS, la famille Ménard renoue avec son orientation conservatrice et nationaliste de tradition. Le jeune Robert effectuera ses études secondaires dans un collège religieux à Saint-Affrique. L’éducation qu’il y reçoit réussit tellement que, alors qu’il n’est qu’un adolescent, il se sent une authentique vocation ecclésiastique, contrariée avec succès par sa mère, peu encline à voir son fils entrer dans les ordres. Le jeune garçon change sans trop de difficultés. C’est le besoin altruiste de se dévouer pour son prochain qui sous-tendait sa vocation ecclésiastique. Mais, les années 1960 sont riches d’idéaux (les uns élevés, exigeants et nobles, les autres spécieux et frelatés, voire pervers et dangereux) propres à séduire des jeunes gens qui se cherchent une cause à embrasser et de nature à leur permettre de se construire et de donner un sens à leur vie. L’heure est à la contestation, à la révolte, à la révolution, au dénigrement de toutes les valeurs morales et culturelles, au refus de l’autorité et aux défis de toutes sortes lancés contre elle. La fièvre gauchiste gagne Robert comme d’innombrables garçons de son âge. En mai 1968, il participe activement à l’insurrection des élèves contre leurs maîtres, au point de faire fermer temporairement son collège. Il est tout de même reçu au baccalauréat. Il s’inscrit alors à l’université de Montpellier pour effectuer des études de philosophie. Il ne s’est pas assagi pour autant. Robert Ménard est, en effet, devenu un gauchiste convaincu. En 1973, alors qu’il est étudiant en première année de philosophie, il donne des cours dans les locaux du lycée Jean-Moulin, tenu par des lycéens opposés à la loi Debré ayant abrogé les sursis accordés aux étudiants devant effectuer le service militaire, afin que ces jeunes contestataires ne pâtissent pas trop du retard provoqué dans leur cursus par l’interruption de leur année scolaire. Il décrochera une licence, puis un diplôme d’études supérieures1 de philosophie.
Trotskyste, puis socialiste
Simultanément, il fréquente avec assiduité les milieux anarchistes et trotskystes biterrois. Il adhère en 1973 à la Ligue communiste, fondée en 1969 par Alain Krivine, et recréée en décembre 1974 sous le nom de Ligue communiste révolutionnaire (LCR), après qu’elle eut été dissoute en juin 1973. Il se présente alors comme un de ces jeunes étudiants issus de la classe moyenne et de ces pépinières gauchistes que sont devenues, en ce temps-là, les universités françaises, et dans la tête desquels brinquebalent aspiration révolutionnaire, utopisme politique et social, mélange de trotskysme et d’anarchisme, freudo-marxisme issu de Fromm, Reich et Marcuse, apports contradictoires de l’Ecole de Francfort et de l’althussérisme. Sincèrement de gauche, désireux de voir se réaliser la transformation socialiste de la société pour laquelle il milite, il prend conscience de l’impuissance, de ce point de vue, de la LCR et autres organisations trotskystes. Il quitte alors la LCR et adhère au Centre d’Etudes, de Recherches et d’Education socialistes (CERES) de Jean-Pierre Chevènement, qui se présente comme l’aile gauche, marxiste, du parti socialiste (PS), et préconise une rupture avec le système capitaliste. Ménard devient donc à la fois un marxiste pur et dur (et non plus un trotskyste anarcho-marxiste tapageur) et un socialiste organisé et discipliné membre du PS. Le changement a son importance. Le jeune homme, l’étudiant en philo des seventies marquées par l’esprit soixante-huitard, représentant typique d’une époque folle de la jeunesse, s’est mué en un militant réfléchi et discipliné.
Pionnier des radios libres
Son expérience de militant socialiste va néanmoins lui valoir une sérieuse déconvenue. Il découvre l’arrivisme de nombreux cadres du PS, impatients d’accéder à des postes de pouvoir gratifiants. Cette crainte va se trouver justifiée lors de la victoire électorale de la gauche en mai-juin 1981, quand, à tous les niveaux de la politique et de la société, les caciques du PS se rueront sur ces postes, et se montreront arrogants, suffisants et intolérants. À la fin de 1981, alors que le PS gouverne depuis six mois seulement, Ménard quitte ce parti, refusant de s’intégrer à la nouvelle nomenklatura en voie de constitution. On ne se refait pas. Ménard n’a (alors) rien d’un carriériste. Son orientation professionnelle le prouve. Pourvu d’un DES de philosophie, il ne songe pas à préparer l’agrégation et à se lancer dans une carrière professorale et intellectuelle combinant sécurité de l’emploi et relative considération sociale. Il préfère se lancer dans l’aventure (c’en est une, à l’époque) des radios libres. En 1978, il lance, à Béziers, Radio Pomarède, qui brave les interdictions ministérielles. Président de l’association Consensus Liberté Radio, il est l’objet de poursuites judiciaires. D’autant plus qu’il attaque certaines puissances économiques, comme la société La Littorale, filiale d’Union Carbide, laquelle produit, à Béziers, un insecticide responsable d’une catastrophe sans précédent à Bhopal (en Inde), quand, en décembre 1984, l’explosion d’une usine provoqua la mort de plus de 25 000 personnes2.
En définitive, Robert Ménard, au milieu des années 1980, reste le gauchiste qu’il était depuis la fin des années 1960, émondé de ses anciennes tendances anarchistes et trotskystes puis socialistes. En 1979, il devient le directeur d’un journal gratuit d’informations et d’annonces, Le Petit Biterrois, fondé par la Régie Occitane de Publicité, grâce à l’appui de Paul Balmigère, maire communiste de Béziers. Diverses difficultés avec certains annonceurs le contraindront à arrêter cette publication dès 1980.
Un journaliste actif et ne manquant pas d’entregent ni de relations
En 1983, il entre comme journaliste à Radio-France Hérault, où il restera jusqu’en 1989. Le journalisme devient pour lui un sacerdoce. Il conçoit le journaliste comme un témoin de la vérité, un témoin au sens fort du terme, c’est-à-dire (pouvant devenir) un martyr, au sens étymologique de ce mot. « Sans une presse libre, aucun combat ne peut être entendu », telle est la devise de Robert Ménard, dont il va faire celle de l’association de défense des journalistes persécutés et/ou emprisonnés dans le monde, Reporters sans frontières (RSF), qu’il fonde officiellement à Montpellier le 25 juin 1985, avec trois de ses confrères, Rémy Loury, Jacques Molénat et Émilien Jubineau, et ce au nom de l’article 19 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme adoptée par l’ONU le 10 décembre 1948. Pour le lancement de cette association, Ménard et ses trois compagnons bénéficient du soutien actif de François Mitterrand, président de la République, Gérard Saumade, président du conseil général de l’Hérault, et de son chef de cabinet, Michel Du Plaa. Ces trois personnalités sont socialistes, ce qui montre que, malgré sa rupture avec le PS, Ménard y a conservé bien des relations, au plus haut niveau, et des plus utiles. À la tête de RSF, il réalise un grand nombre de reportages, en Afrique (notamment en Algérie, au Cameroun, au Burkina Faso, en Ouganda), en Bosnie Herzégovine, en Roumanie. S’il se fait de nombreux amis dans certains pays (notamment au Cameroun), il rencontre l’hostilité de divers gouvernements, et est interdit de séjour dans des pays aussi différents que Cuba, la Turquie, le Burkina Faso et l’Algérie. Étiqueté « de gauche », il sait se trouver des appuis financiers et même politiques auprès de sociétés comme Pathé, Suez, Areva ou Sanofi, et, grâce à ses relations, parvient à faire libérer des journalistes emprisonnés.
Un défenseur médiatique de la liberté dans le monde
La défense des journalistes n’est pas sa seule préoccupation. Il en a d’autres, plus élevées. Il crée un Observatoire de l’information pour enquêter sur la liberté de l’information. En mai 1989, RSF cesse ses reportages et se concentre sur la défense de la liberté d’expression. Il recevra le grade de chevalier de la Légion d’honneur le 23 mars 2008 sur proposition de Bernard Kouchner, alors ministre des Affaires étrangères. Certaines de ses actions sont restées dans les mémoires, comme son soutien au journal pacifiste et polyethnique Ostobodjenje en Bosnie, et à Florence Aubenas, enlevée comme otage (1994) ou, en 2008, sa participation aux perturbations du passage de la flamme olympique chinoise à Paris (mars), puis sa protestation contre l’invitation du président syrien Bachar el-Assad à la cérémonie du 14 Juillet. Contre l’organisation par la Chine des Jeux Olympiques de 2008, il grimpe sur la cathédrale de Notre-Dame de Paris afin d’y accrocher un drapeau représentant les anneaux olympiques sous l’aspect de menottes. Ces actions lui valent des interpellations. Mais elles assoient sa notoriété. En 2008, précisément, Ménard relate et justifie ses actions dans un livre, Des libertés et autres chinoiseries. De Reporters sans frontières aux JO de Pékin, publié par Laffont.
Des soupçons et des accusations de connivences douteuses
Perçu le plus souvent comme un journaliste de gauche, il essuie pourtant des critiques, et se voit accusé par certains confrères, tels Jean-Claude Guillebaud, de chercher à se concilier les grands détenteurs des médias français en s’abstenant de les critiquer, et de se montrer partial dans ses prises de position sur l’étranger, se montrant, par exemple, excessivement anti-castriste ou anti-Chavez. Mélenchon l’accuse de connivence avec la droite républicaine américaine et de subventionnement indirect de RSF par la CIA. Par ailleurs, Rony Brauman, un des membres de la première heure de RSF dénonce l’autoritarisme de Ménard. Échaudé par les critiques dont il est l’objet au sein même de son association, Ménard abandonne la direction de celle-ci le 30 septembre 2008. Il faut dire qu’il a trouvé un poste de responsabilité tout aussi gratifiant. En effet, il s’est fait des relations avec le pouvoir politique du Qatar, qui passe alors pour résolument moderniste et soucieux de promouvoir les libertés publiques, le progrès économique et scientifique, et le bien-être social. Cette accointance avec la monarchie qatarie lui permet de devenir directeur du centre pour la liberté de l’information, créé à Doha par la princesse Moza bin Nasser al-Missned, membre de la famille émirale du Qatar, incitée à cette initiative par RSF en 20073. Il convient de remarquer ici qu’il a tout fait pour décider la princesse et le pouvoir qatari à lui confier ce poste. L’ambition y a donc une part déterminante. Et ce à tel point qu’elle a incité vraisemblablement incité Ménard – homme de gauche censément défenseur militant des libertés publiques et de la démocratie – à fermer les yeux sur la nature de la monarchie qatarie, moderniste mais autoritaire, non constitutionnelle et non démocratique, prompte à persécuter les opposants du pouvoir. On aura du mal à croire que la simple existence du centre pour la liberté de la presse, qu’il dirigeait, fondé par une princesse éclairée, occidentalisée et progressiste4, ait suffi à lui dissimuler le caractère fondamentalement oppresseur du pouvoir politique qatari, ainsi que sur la corruption qui le grève. Cependant, Ménard, en juin 2009, renoncera à diriger ce centre en raison des strictes limites mises, selon lui, à son activité.
Le journaliste vedette
Lorsque commence la deuxième décennie de ce siècle, l’image publique de Robert Ménard a évolué. Il ne représente plus, comme dans les années 1980 et 1990, la défense inconditionnelle de la liberté de l’information et des journalistes persécutés. Il fait figure de vedette des médias, arriviste, rompu à la culture des relations utiles et intéressées, habile dans les négociations de couloirs, non exempt d’hypocrisie, et politiquement ambivalent, voire versatile.
La passion du journalisme ne s’est pourtant pas éteinte en lui. Il reste un journaliste d’âme, de cœur et de tripes. Mais il a cessé de faire figure de héros pour devenir un pro, un ponte de la radio et de la télé, une de ces célébrités éphémères produites par notre monde de la communication, lesté de son lot de louanges et de critiques.
Réactionnaire parce que refusant le conformisme ambiant
Il a d’ailleurs politiquement évolué. En ce début des années 2010, il demeure, certes, fidèle à ses valeurs de jeunesse, et ne cesse pas de défendre les libertés de pensée, d’expression et d’information. Mais il a cessé de les ancrer à gauche tant cette dernière, au pouvoir et aux positions dominantes qu’elle occupe dans la société les a bafouées… en leur nom même, ce qui est le comble de l’ignominie et la preuve éclatante de ses inclinations naturelles terroristes. Il suffit de rappeler les montagnards terroristes de 1793-1794 qui guillotinaient (ou mitraillaient) à tour de bras tous ceux qui ne partageaient pas leurs idées et leur politique, ou étaient soupçonnés de la faire. De ce point de vue, il est inexact de considérer Robert Ménard comme un homme qui aurait renié ses idées humanistes et serait passé à la réaction. Pourtant, il va passer pour tel en raison de son refus de s’aligner, comme tant de bénis oui-oui, sur le conformisme ambiant, celui de l’establishment, dominé par la gauche et sa police de la pensée. Réagissant contre eux, il va faire figure (à juste titre, en somme) de réactionnaire. Et, de fait, il va le devenir. À double titre. D’abord parce qu’il réagit, nous venons de le dire, contre le suivisme spontané, l’imitation panurgique ou pavlovienne, le conditionnement idéologique, contre lequel se dressent les réactionnaires ; et, ensuite, parce que, bientôt honni de la classe politique « républicaine » et de l’intelligentsia, il ne trouvera de compréhension qu’auprès de la droite nationale.
Il entre à I-Télé (qui deviendra C-News en 2017), où, de la fin de l’année 2009 à juillet 2010, il anime une émission intitulée Ménard sans interdit, en laquelle il reçoit un invité chaque jour à 11h05, avant d’y rejoindre l’équipe de Julian Bugier et Sonia Chironi, animateurs de l’émission L’Info sans interdit. Il est également chroniqueur et co-animateur de l’émission On refait le monde, à RTL. Il dirige les émissions matinales de Sud Radio en août 2011.
Une rencontre et une évolution décisives
En novembre 2000, Robert Ménard rencontre, lors du sommet de la francophonie de Bamako, une personne qui va exercer une grande influence sur lui, la journaliste Emmanuelle Duverger, qu’il épousera et dont il aura une fille5. De 15 ans sa cadette, cette femme à la forte personnalité ne va pas donner à Ménard des idées qu’il n’aurait pas eues auparavant, mais elle va le stimuler dans l’affirmation sans ambages de ses convictions. Surtout, elle va l’inciter à entreprendre une carrière politique.
Conjoints, les deux journalistes vont faire équipe. Emmanuelle Duverger associe son époux, Robert Ménard, à l’animation de sa revue trimestrielle Médias dont elle devra arrêter la publication en juin 2012, en raison d’une chute vertigineuse des recettes publicitaires, due au caractère politiquement très incorrect de son contenu6. En juillet de la même année, Ménard voit supprimée son émission Ménard sans interdit pour le même motif. Le 1er octobre 2012, les époux Ménard et Dominique Jamet lancent le site Boulevard Voltaire. Maints journalistes de droite, d’esprit indépendant, y collaboreront, tels André Bercoff, Jean Sévilla, Eric Brunet, Denis Tillinac ou Gilles-William Goldnagel.
L’aventure municipale biterroise
Son épouse le pousse à poser sa candidature comme tête de liste lors de l’élection municipale de Béziers, en mars 2014. À ce moment, Ménard s’est nettement rapproché de la droite national(ist)e, même s’il n’adhère à aucune des formations politiques la composant, et malgré son attachement persistant à la démocratie et aux libertés publiques. Il côtoie des militants et participe à des débats et rencontres de formations telles que la Restauration nationale (maurrassienne), le Rassemblement national, la Ligue du Sud, Troisième Voie, le Bloc identitaire, l’Union populaire républicaine, le Mouvement pour la France et Debout la France. Toutes ces formations lui apportent leur soutien en vue des municipales, à commencer par Marine Le Pen qu’il accueille à Montpellier et accompagne à Sète où elle tient un meeting le 17 janvier 2014. Robert Ménard, sans attache partisane, est à la tête d’une liste de 49 candidats. 6 appartiennent au Front national, un au Rassemblement bleu Marine, trois à Debout la République, un au Rassemblement pour la France, et de six à l’UMP, les autres étant des citoyens qui ont cessé de croire aux partis de gauche et de droite. Au premier tour (23 mars), la liste Ménard (« Choisir Béziers ») obtient 44,88% des voix, devançant la liste UMP (30,17%) et celle du PS (18,65%). Au second tour (une triangulaire), elle emportera la mairie par 46,99% des voix contre 34,63% à la liste UMP et 18,38% à la liste PS. Le succès sera à nouveau au rendez-vous pour Ménard aux municipales suivantes. En 2020, sa liste sera réélue au second tour avec 68,74% des voix. Sa position locale semble inexpugnable.
Robert Ménard relève bien, désormais, de ce que les médias appellent « l’extrême droite ». Nous avons cité les nombreuses formations politiques qu’il fréquente et qui lui apportent son soutien. Cependant, il n’adhère au projet politique précis d’aucune d’entre elles, et s’en tient, finalement, à ce qui constitue leurs dénominateur commun : la critique de l’establishment social, politique, intellectuel et médiatique, la lutte contre le conditionnement et le conformisme moral et politique, la contestation de la politique migratoire, la dénonciation des progrès de l’islamisation de la société, la préservation de l’identité nationale, la défense de la souveraineté nationale (malgré ses convictions européennes), la protection des entrepreneurs, des artisans et des agriculteurs. Son épouse, elle, présente un profil réactionnaire plus affirmé en raison de ses prises de position hostiles au mariage homosexuel, à l’insémination artificielle pour les femmes seules ou lesbiennes, à l’attribution officielle des droits parentaux pour les personnes homosexuelles en couple avec un ou une partenaire ayant un enfant de sa chair, et son attachement affirmé à la morale catholique.
Une proximité relative avec Marine Le Pen et le Rassemblement national
Après avoir voté Bayrou, puis Dupont-Aignan aux premiers tours respectifs des présidentielles de 2007 et 2012, et Sarkozy (« en se bouchant le nez », et pour espérer, en vain, éviter l’élection de Hollande), il se rapproche du Front national, qui prendra le nom de Rassemblement national (RN) le 1er juin 2018. Dès 2011, il se rapproche de ce parti. Cette année-là, il lui consacre un livre, Vive Le Pen !, et, à RTL, affirme comprendre les électeurs du FN, auxquels il ne se joint pourtant pas, défend la liberté d’existence et d’expression de ce parti, et déclare que Marine Le Pen pose de « vraies questions », apporte des réponses à prendre en considération, et « piétine une classe politique qui est dans l’incapacité totale de résoudre les problèmes ».
Malgré sa proximité avec les Le Pen et le RN (qui le soutient résolument à Béziers), Ménard se signale par une certaine ambiguïté. Il cautionne les préoccupations sociales et identitaires qui inspirent le programme du RN, mais se dit en désaccord avec l’orientation anti-européenne de ce parti. D’autre part, il se sent proche d’Éric Zemmour, le grand rival de Marine Le Pen, et plus économiquement libéral et socialement conservateur qu’elle. Et, lors de la présidentielle de 2022, il prend ses distances d’avec Marine Le Pen, souhaite une union des droites autour de Zemmour et Macron, et se prononce finalement en faveur de ce dernier afin de faire barrage à la gauche. En juin 2022, il approuve le projet de Macron de reculer l’âge du départ à la retraite à 65 ans.
Défenseur inconditionnel de la liberté d’expression
Robert Ménard apparaît, en définitive comme hostile au totalitarisme moral et politique que font peser la gauche, l’Ecole, l’intelligentsia, les médias, attaché à la défense sans réserve de la liberté d’expression et de l’identité française, proche des petits et moyens entrepreneurs et des agriculteurs, mais, à la différence de nombre de mouvements populistes, européen, fort libéral en économie, et plutôt conservateur au plan social. De ce point de vue, il est d’une sensibilité politique américaine. Il voue même une vénération au premier amendement de la constitution américaine qui protège la liberté de religion, la liberté d’expression, la liberté de la presse, le droit de pétition et le droit de réunion pacifique. Y aurait-il du Trump en Ménard ? Il défend ses idées et ses prises de position dans des livres, le plus souvent écrits en collaboration. Ces journalistes que l’on veut faire taire (avec Géraldine Faes, 2001), La censure des bien-pensants (avec Emmanuelle Duverger-Ménard, 2003), Les jeux de la honte (2008), Des libertés et autres chinoiseries (2008), Les Français sont-ils antisémites (avec Elisabeth Lévy et Léonard Vincent, 2009), Vive Le Pen !, déjà cité (avec Emmanuelle Duverger, 2011), Vive l’Algérie française (avec Thierry Rolando, 2012), Abécadaire de la France qui ne veut pas mourir (Pierre-Guillaume de Roux, 2016), Pour une droite du réel (Mordicus, 2018), Thérapie de choc : pour éviter le chaos ! (La Nouvelle Librairie, 2021). Il règle ses comptes avec le Qatar dans Mirages et cheikhs en blanc : enquête sur la face cachée du Qatar, le coffre-fort de la France (avec Thierry Steiner, 2010), et défend sa politique municipale dans Un maire ne devrait pas faire ça… (Mordicus, 2019). En 2008, il crée sa propre maison d’éditions, Mordicus, qui accueille des auteurs aussi impolitiquement corrects que Dieudonné, Bernard Lugan ou Alain Soral.
Robert Ménard s’est signalé par ses déclarations contre la loi Gayssot (réprimant la contestation de la réalité ou de l’ampleur des crimes nazis contre l’humanité), contre toutes les mesures tendant à retreindre la liberté d’expression, contre le mariage homosexuel, la PMA sans conditions, et a exprimé ses craintes quant aux risques d’altération de l’identité nationale par les progrès de l’islam (même s’il ne trouve rien à redire sur l’égalité juridique de traitement de toutes les religions). Il a aussi affirmé son opposition à l’abolition de la peine de mort.
Une activité municipale très controversée
Maire de Béziers, Ménard renforce les pouvoirs de la police municipale, faisant de la sécurité un objectif majeur de son programme. Il institue un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans de 23 heures à 6 heures en période estivale, dans l’hypercentre-ville de Béziers et la Devèze, quartier sensible de la ville. Bien que des mesures similaires aient été prises précédemment dans plusieurs villes françaises, son arrêté suscite des contestations juridiques. Saisi par la Ligue des droits de l’homme, le tribunal administratif invalide la mesure, qui sera cependant validée par la Cour administrative d’appel… avant d’être annulée par le Conseil d’État en juin 2018. La preuve (une de plus) qu’en France, désormais, la gauche gouverne les esprits et les institutions, à commencer par la justice, et que rien ne peut être entrepris pour assurer l’ordre, la sécurité et la tranquillité publics.
Il prend également des mesures de salubrité et d’hygiène publiques qui ne sont contestées que parce qu’elles éméaent d’un maire jugé proche de « l’extrême droite » et du FN (qui n’est alors pas encore devenu RN). À la suite des attentats islamistes du 15 novembre 2015, il tente d’imposer aux mosquées de Béziers la signature d’un charte destinée à mettre au clair leurs activités (deux seulement, sur cinq existantes, la signeront). En septembre 2014, il crée une mutuelle d’aides sociales pour les biterrois. Il mène une politique culturelle visant à la promotion des patrimoines biterrois et languedocien. En 2014, il commémore le massacre d’Oran du 5 juillet 1962. En 2015, il change le nom de la rue du 19 mai 1962 qui devient la rue du commandant Denoix de Saint-Marc.
En mai 2016, il fonde le mouvement « Oz ta droite », qui a vocation à présenter des propositions aux candidats de droite pour l’élection présidentielle de 2017.Celui-ci rassemble entre 1 500 et 2 000 personnes à Béziers à la fin du mois, dont de nombreuses personnalités allant de la droite radicale à l’extrême droite, et produit une cinquantaine de propositions. Robert Ménard ne porte assurément pas l’espérance d’une renaissance florissante de la droite nationale. Peut-être trop indépendant, assez souvent trop déconcertant pour cela, il bénéficie de soutiens trop disparates pour permettre l’élaboration d’un projet politique cohérent, non indispensable pour conquérir une ville et susciter l’intérêt des médias, mais nécessaire pour parvenir au pouvoir, ou, au moins infléchir sérieusement celui-ci. Il aura tout de même eu le mérite de donner une voix à des millions de nos compatriotes déboussolés par une classe politique qui, pour se prétendre « républicaine », « démocratique » et humaniste (ou, plus exactement, « droits-de-l’hommiste ») ne peut ni ne veut répondre à leurs aspirations profondes, étrangères à l’idéologie totalitaire et gauchiste dont elle se réclame et dont les médias, l’Ecole et l’intelligentsia assurent la diffusion permanente.