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Le boutefeu, prédicateur de paix incendiaires

Comment définir la diplomatie de Macron? C’est essentiellement et, pour ainsi dire, uniquement un discours. Sans aucun effet tangible. Discours où les intérêts de la France ne sont jamais concernés, pas même évoqués. De vastes considérations planétaires suivies d’une série d’impératifs catégoriques dont l’obligation morale ne s’appuie sur aucune réalité contraignante et ne vise qu’un idéal sans portée immédiate, comme une vue de l’esprit qui s’imposerait d’elle-même. Bref, un univers à la Kant, celui de la paix perpétuelle, dont il avait fait dans son discours au forum de Davos en 2018 – qui s’en souvient?

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Le boutefeu, prédicateur de paix incendiaires

Il est toujours sur le site de l’Élysée – le modèle de toute sa politique présente et future, lui qui venait de triompher en France de l’hydre nationaliste et qui se proposait de la poursuivre de sa même vindicte purificatrice partout en Europe et sur tous les continents, avec la même audace victorieuse pour en purger la terre. Tel un nouvel Hercule accomplissant ses travaux sous les yeux éblouis de la classe mondialisée qui l’avait choisi, vraiment élu – et par quels procédés! –, dont il était adoré au point que ce fils de Jupiter se hissait au rang de Jupiter lui-même, sans hésitation et sans vergogne aucune, sûr de son droit souverain non seulement sur cette France misérable et devenue presque nauséabonde qui était le théâtre, heureusement, de son premier exploit et ainsi sauvée de justesse, mais encore sur l’Europe entière qui l’attendait et pour qui il était destiné, et bientôt sur le monde qu’il désignait comme le champ futur de son action salvatrice. Ce discours grandiloquent est à relire; il fut décortiqué à l’époque dans ces colonnes : tout y est; c’est un résumé de la pensée macronienne, de sa religion – car c’en est une – qui tourne autour de lui-même et où il s’attribue avec la simplicité d’une parole généreuse un rôle messianique, une mission de compassion universelle dont l’exigence est contenue dans sa prédication. Ceux qui ont lu Soloviev et Benson reconnaîtront les signes distinctifs de celui qui se croit et se veut le Maître de la terre et qui fait de sa personne la figure d’un nouveau Christ, meilleur que celui qui a prétendu régner jadis, infiniment meilleur, car Lui dissout le Mal par sa parole et son seul aspect. Et le Mal, c’est la contrainte. Et la première de toutes, c’est la réalité. Dissoudre la réalité par le verbe, c’est proprement l’œuvre de Macron.

Toujours des discours

Ainsi l’homme a poursuivi son chemin. Et continûment dans le discours. A peu près le même discours, répété indéfiniment dans toutes les enceintes internationales et nationales. Depuis huit ans et plus. Tel, dans la suite des précédents, celui prononcé solennellement à l’ONU le lundi 22 septembre dernier, écouté par le monde entier, sauf par les méchants qui se qualifiaient ainsi, par le fait même, de méchants, sourds à ses sublimes objurgations. Discours tenu avec toute la modestie requise et toute la persuasion, éloquente en elle-même, qu’imprègne le devoir impérieux de satisfaire enfin au bien supérieur de l’humanité. Discours scandé avec l’anaphore évangélique «l’heure est venue…» et débité sous le regard approbateur de l’Arabie Saoudite, ce pays si riche en miséricordieuse mansuétude si largement et généreusement répandue, dont la France avec habileté et pertinence s’était assurée la coprésidence pour une telle séance où s’empressaient tant de représentants de tant de pays exemplaires à tout point de vue dans leur désir de paix et leur souci de concorde universelle, du Qatar à l’Indonésie, du Cameroun au Venezuela! C’est là, dans ces circonstances, que Macron dévoile toutes ses ressources et chacun ne peut que se féliciter d’un tel discours et d’une telle aura. C’est qu’il pulvérise toutes les normes, et celles précisément de la normalité. Ils sont là, représentant le monde entier pour mieux justifier le discours du champion et garantir son succès, dans un retentissement général de ce verbe à la fois si doux, si énergique, si transcendant par rapport à l’ordinaire de la vie et au quotidien du monde. Et c’est bien cet écho mondial qui est le but recherché. Oui, l’écho infiniment répercuté! Le reste… eh bien, c’est superfétatoire! Ce sera donné par surcroît. Il fallait voir le sourire de Macron en descendant de la tribune, devant les mains tendues et dans la rue de New York quand, coincé lui aussi par le passage du président Trump qui se rendait au même lieu, il se permit de l’appeler au téléphone avec cette désinvolture aussi charmante que majestueuse qui caractérise la hauteur de conception. Trump était à son niveau, voire en dessous, rivé à sa médiocrité vulgaire et habituelle.

Macron a donc obtenu son effet. Et apparemment puissamment. Du moins, à l’aune de l’applaudissement immédiat, il a parfaitement réussi. Cependant, comme toujours avec lui, après tous ses discours, rien n’est résolu, absolument rien. Tout s’est même compliqué; les morts continuent à s’entasser; aucun otage n’est libéré contrairement aux demandes; la guerre redouble; les attentats aussi; la paix s’éloigne; Israël s’empare de Gaza et met la main sur la Cisjordanie. Le Hamas, quoique constamment décapité, ne désarme pas, ne cède rien de ses convictions islamistes qui excluent Israël de tout plan de paix, revendique toute la place de seul interlocuteur du côté palestinien et, évidemment, ne pense pas un seul instant, comme le voudrait le discours macronien, démanteler quoi que ce soit de son système offensif et défensif. Au contraire!

Pas d’État palestinien

L’autorité palestinienne n’a rien d’un État. Elle est représentée par un vieillard de 89 ans, Mahmoud Abbas, dont l’organisation ne vit que de subventions et donc de corruptions. Elle n’a pas de territoire défini; son espace n’a aucune continuité véritable; sa souveraineté n’est pas établie; elle est contestée de l’extérieur et de l’intérieur. Son action ne dépasse pas les murs de Ramallah et du palais présidentiel. Sa force armée n’est qu’une police au service de ses chefs. Elle est incapable de défendre ses populations. La partie musulmane est prise pour cible par les Israéliens qui rêvent de l’exterminer et de la chasser de ses territoires. Sa partie chrétienne, jadis plus nombreuse et prospère, se réduit tous les jours, coincée entre deux fanatismes exclusifs. Le patriarcat latin n’y peut rien, heureux de conserver encore les Lieux saints dont la France était autrefois protectrice, mais qui, Macron aidant, se fait progressivement évincer et qui verra demain, sans doute, son consulat à Jérusalem proprement supprimé.

Car Israël ne bougera pas de sa ligne. Benjamin Netanyahou y a un intérêt politique et de surcroît, tout le monde le sait, personnel. Il est des lignes directrices pour l’État hébreu qui s’imposent, de toutes les façons, d’elles-mêmes. Il est vain dans l’état actuel des choses de vouloir les écarter ou les nier. Macron a beau invoquer la mémoire de Yitzhak Rabin, l’ancien premier ministre israélien qui cherchait à conclure une paix durable en signant les accords d’Oslo et qui fut assassiné par un jeune fanatique religieux juif, il est douteux que l’ancien vainqueur de la guerre des Six Jours aurait renoncé aux conditions d’existence de l’État d’Israël. Il concédait ce qu’il pouvait concéder à la partie arabe sur le plan international, mais pour mieux assurer la pérennité de l’État d’Israël qu’il considérait comme intangible. De toute façon. Et toute personne qui connaît l’histoire de la Palestine et d’Israël, et, en particulier, celle du retour et de l’installation des Juifs sur ce qu’ils considèrent comme leur terre, en comprend la raison. Et qui dépasse toutes les opinions et tous les points de vue. C’est ainsi. Qu’on le veuille ou non. Rien n’est plus redoutable que l’eschatologie, même en Amérique, chez les évangélistes.

À quoi sert de reprendre en chœur et régulièrement le refrain de la solution à deux États, depuis maintenant cinquante ans et plus, alors qu’à l’évidence il n’y en a qu’un seul? Avec ses limites, certes, mais aussi sa farouche détermination, même si elle est malmenée de l’extérieur et de l’intérieur, y compris par des Juifs. Les accords d’Abraham avaient au moins ce minimum de sagesse. D’autant plus qu’aucune puissance arabe n’a envie ni même le souci de prendre en main le destin de la Palestine et encore moins le sort des Palestiniens dont les réfugiés les submergent et les embarrassent.

Dans cette affaire, tout est tromperie, y compris le jeu des États ou pseudo-États de la région, y compris les positions alambiquées des grandes puissances. La malheureuse Palestine est devenue un prétexte international, et l’enjeu d’un terrorisme destructeur. Aussi bien sur place que dans le monde, et en France singulièrement où la guerre est importée au grand profit des partis de gauche qui s’en servent pour gagner un électorat et la transformer en stratégie de prise de pouvoir. Le pire du pire! Bravo le Macron! Une guerre civile inexpiable chez nous et dont personne ne peut entrevoir les conséquences tragiques. Des citoyens français juifs ne sont plus en sécurité chez eux. Des quartiers entiers ne relèvent plus de la souveraineté française. Alors que la France, jadis gardienne des Lieux saints, a perdu toute influence au Proche et Moyen-Orient, sauf à permettre à Macron, selon son habitude, de servir ses amis et bien sûr, en retour, de se servir lui-même. Il aurait fallu commencer par le commencement et rappeler le rôle historique de la France en déployant des moyens concrets de faire avancer une solution, voire des solutions, non pas théoriques, mais pratiques avec la force que donne une droite raison qui s’inscrit dans la longue durée. Tout le contraire des propos brouillons et dangereux de Macron et dont la France paiera le prix sans qu’aucun bien n’en sorte pour les populations concernées.

Mais Macron, après son discours, a triomphé, à son habitude. Sa parole tient lieu de grande diplomatie internationale, ce qui plaît à son goût de lui-même, pour lui-même. Il est salué, applaudi, au moins sur le moment; il est content. C’est ainsi depuis le début de sa présidence. En tout domaine, des discours. Comme ceux qu’il adresse aux ambassadeurs en forme de leçons de géostratégie aussi ridicules qu’amphigouriques. Cependant que rien n’est fait pratiquement nulle part. L’homme parle. Ça se répète à la moindre occasion. Il croit que sa parole est de l’action. Il est coup sur coup sur toutes les estrades du monde, dans toutes les capitales où il se rend. Et, en ce moment où il est isolé en France et où son crédit se réduit de jour en jour, il s’agite internationalement et, de coup de jet en coup de jet, il court la planète pour se donner l’illusion d’exister. Par des discours, toujours et uniquement des discours, en Bulgarie, en Moldavie, à Bruxelles, à Washington, en Allemagne, sans arrêt. Et ces discours ne correspondent jamais à aucune réalité. Ils sont flatteurs pour lui et portent suffisamment de démagogie pour tromper le public.

L’Europe d’un discours rêvé

L’Europe est sa marotte. Il se comporte et il parle comme si elle existait de plein droit, en totale souveraineté, en exercice de puissance indépendante et étatique. D’ailleurs, quand il parle de souveraineté, dans son esprit, c’est la souveraineté européenne dont il s’agit. La souveraineté française pour lui n’existe plus et peut lui chaut l’avenir du pays qu’il dirige. Il ne pense qu’à l’avenir de l’Europe auquel il identifie son propre avenir. Il marche hardiment sur les pas d’Ursula von der Leyen, qui se prend pour la dirigeante souveraine de l’Europe, décidant de tout impérialement, sa copine en prévarication et en prétention, qu’il aspire à remplacer à la fin de leurs mandats respectifs. Qu’elle s’arroge des pouvoirs que sa fonction ne lui attribue pas, comme par exemple de signer seule avec le Mercosur, ne dérange pas Macron. Il y voit le plein accomplissement de son propre rêve pour demain même si l’aujourd’hui fait signe de quelque réticence. L’Europe technocratique, bureaucratique, épouvantablement normative, livre les peuples à la concurrence internationale, avec son libéralisme échevelé, tout en renforçant le jacobinisme français, ajoutant règle sur règle, taxe sur taxe. Le discours macronien sur l’Europe vient justifier cette politique insensée, hors de toute réalité et qui bafoue les intérêts des nations. Pour Macron la nation historique qu’est la France n’existe déjà plus. L’Europe est le commencement et la fin de toute sa politique et la raison même de sa vie. Il l’a dit solennellement. Mais l’Europe rêvée de Macron n’a de réalité que dans ses discours. Qui se souvient de ceux qu’il a prononcés dans la Sorbonne en grand apparat, comme un maître ès arts en européisme? Chacun peut mesurer, quelques années après tant d’envolées lyriques, l’échec complet de tant de projets politiques, techniques, économiques, militaires, culturels, qui ne sont plus aujourd’hui que d’inutiles verbiages. Pas un seul n’a reçu le moindre commencement de réalisation, la France s’étant seulement désarmée – au profit principal de l’Allemagne, sauf que pour le SCAF, cette fois-ci, Dassault a dit non avec juste raison –, le reste n’étant qu’un kaléidoscope d’illusions sans consistance autre que l’imagination verbale de Macron dont le ton exalté d’alors n’en est que plus dérisoire aujourd’hui.

Malheureusement, la vacuité du discours n’empêche nullement l’Europe technocratique de se renforcer et de se durcir, rendant chimériques les tentatives de l’améliorer de l’intérieur. Seuls les Italiens, en raison de leur passé, peuvent caresser ce rêve : il leur est utile à tous points de vue, financiers d’abord, puis, pour le surplus, ils ne prennent que ce qu’ils veulent.

Il n’y a que la France – et la Belgique – à jouer le jeu de cet européisme mortel dont toutes les nations cherchent, qui plus, qui moins, à se dégager. Quant à l’Allemagne, qui s’est unifiée et fortifiée sous le signe de cette Europe, même malade, voire gravement malade, elle en sortira par l’affirmation constitutionnelle de la souveraineté inaliénable de son peuple : elle en a donné déjà des signes prémonitoires. Quant aux autres, si les peuples veulent périr, eh bien, ils périront. Mais partout, en Angleterre, en Espagne, en Europe du Nord et de l’Est, ils commencent à témoigner de leur instinct de survie. Trump a fait savoir ses exigences et il décide souverainement selon les intérêts des États-Unis.

Plus rien

Il en est de même à travers le monde : la Chine, l’Inde, la Russie qui ne s’embarrasse pas de considérations internationalistes, dût-on le regretter. Macron, d’ailleurs, n’est arrivé à rien sur ce terrain et son aide à l’Ukraine, si elle dépasse les limites du discours, deviendrait, par le fait même, dangereuse. C’est le risque d’un pacifisme qui se veut guerrier. Rien de plus stupide. Tout à fait significatif de l’esprit républicain à la française qui se complaît dans la rodomontade : 1792, 1870, 1939! …

Aujourd’hui, la France a perdu tous ses atouts. L’Afrique, pour nous, c’est fini. Le Mali, le Sénégal, le Tchad, la Côte d’Ivoire, tous les pays nous l’ont fait savoir. Un pays comme l’Azerbaïdjan se permet de chercher à nous évincer de nos territoires ultramarins. Et le Macron y consentirait à force de lâcheté!

En face de l’Algérie, c’est la capitulation permanente. Dans la suite non seulement de 1968, mais surtout et d’abord – pourquoi n’est-ce jamais rappelé? – des prétendus accords d’Évian de 1962 qui ne furent rien d’autre que la livraison à un pseudo-gouvernement terroriste de populations entières et de territoires sous souveraineté française. Toujours la même chose. Pas un mot de Macron pour les Pieds-noirs, pour les harkis massacrés, pour tout ce peuple algérien qui subit de tels gouvernants. Et pas un mot aujourd’hui pour Boualem Sansal. Le crime est là. La parole de Macron en réalité n’est pas libre. Même s’il ose se présenter en prophète, il n’est jamais qu’un faux prophète, typique, et qui ne parle que pour faire plaisir aux esprits faux et se faire approuver d’eux. En fait, il est tenu. Ne fut-il pas l’élu en 2017, simultanément, du FLN, de McKinsey, de General Electric Alstom et d’autres entités et conglomérats de même sorte, à qui il est allé quémander les soutiens nécessaires. À la fin de son second mandat, le risque est grand pour lui de laisser percevoir l’incurie et l’inanité de sa présidence et les causes véritables de son accession au pouvoir. Il pense encore que ses discours le couvriront. Rien ne pourra l’arrêter. Parler, parler encore, parler toujours! C’est une nécessité majeure pour lui. Sauf accident. Et tout peut survenir dans une France sans gouvernement ou au gouvernement aléatoire, déchirée, en quasi-guerre civile, où l’ordre est bafoué tous les jours, où plus aucune garantie, même pas économique et financière, n’est assurée aux citoyens. Résultat incontestable de la présidence Macron, aboutissement inéluctable de tant de discours, Vanitas vanitatum.

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