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Justice immanente

« Et si quelqu’un a trahi les Français, ce n’est pas moi, c’est cette injustice invraisemblable à laquelle vous venez d’assister » déclarait Sarkozy en sortant du tribunal qui venait de le condamner. Sarkozy ira donc coucher en prison.

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Justice immanente

Sur ce procès, sur cette curieuse justice à poids faussés et horloges électoralisées, sur la manière dont présidents et ministres, depuis des siècles, utilisent la France pour s’enrichir personnellement et favoriser leurs partis, tout a été dit, en vain. Sur la culpabilité personnelle de Sarkozy, qui a pour seul défaut d’être vivant, quand Chirac, aussi coupable, a échappé par on ne sait quel calcul au procès et à la condamnation, chacun pourra avoir son avis, comme aussi sur la justice de la peine réclamée et sa mise à exécution.

Mais on ne pourra pas m’empêcher de saluer dans cette décision non pas l’expression parfaite d’une intelligente justice humaine, étant donné le spectacle lamentable que les juges donnent d’eux-mêmes dans la manière dont ils instruisent, délibèrent et jugent contre Sarkozy, mais l’effet d’une justice immanente qui envoie enfin Sarkozy en prison ; pour des faits sans intérêt réel, certes, comme Al Capone, assassin condamné pour fraude fiscale, mais en prison.

Là où la justice bien faite d’un pays souverain aurait dû l’envoyer il y a vingt ans quand ce traître a décidé de passer outre la volonté clairement exprimée du peuple prétendument souverain refusant d’être asservi à l’Union européenne. Quand ce président républicain et démocratique a commis une effroyable et républicaine forfaiture en s’essuyant les pieds sur le résultat du référendum qui ne correspondait pas à son idée de la France (rappelons qu’il défendit ce « traité établissant une Constitution pour l’Europe » aux côtés de François Bayrou et François Hollande). Oui, Sarkozy a trahi les Français et la France, quoi qu’il prétende, et cette justice en effet invraisemblable leur a invraisemblablement rendu justice, Sarkozy et la justice aussi inconscients l’un que l’autre du véritable jugement qui a été rendu.

Un voyou devenu président de la République

Aujourd’hui, Sarkozy prétend être innocent : c’est improbable. « Je dormirai en prison, mais la tête haute ! », a-t-il affirmé : qu’il la lève ou qu’il l’abaisse, elle sera en tout cas au bon endroit. « Ceux qui me haïssent à ce point pensent m’humilier. Ce qu’ils ont humilié, c’est la France. » Non. C’est lui qui a humilié la France et n’a jamais manqué une occasion de l’humilier non seulement par les décisions qu’il a prises mais encore par le soutien sans faille qu’il a apporté à tous ceux qui l’humilient encore aujourd’hui, au premier rang desquels il faut compter son successeur, ce président qui hait la France comme aucun homme politique français avant lui, Emmanuel Macron.

Quant à la justice française, elle prétend être le garant des institutions de la République : « Ces faits d’une gravité exceptionnelle de nature à altérer la confiance des citoyens dans les institutions mêmes de la République rendent nécessaire le prononcé d’un mandat de dépôt avec effet différé, assorti de l’exécution provisoire », a déclaré la présidente du tribunal correctionnel de Paris. Je crois bien, en effet, que cette justice, partisane, vindicative et acharnée, est le rempart de la République ; mais je suis certain que cette justice exceptionnelle est devenue d’une telle nature qu’elle altère tout aussi bien qu’un voyou devenu président la confiance des citoyens dans les institutions de la République, dont la justice.

Mais cela est bon aussi. Il est bon que le « citoyen », décalque hasardeux du Français, se rende compte que les puissants qui l’ont ignoré puissent être humiliés à leur tour, et que la justice qui prétend être rendue en son nom (comme ce président et ses semblables, comme tous ses « représentants ») puisse être partiale et injuste et draper dans de grands mots ses vengeances partisanes ; et il est bon que le peuple français puisse entendre les minables qui rampaient autour de Sarkozy lui japper quelques hommages qui ne leur coûtent rien, comme Wauquiez (secrétaire d’État et ministre lorsque Nicolas Sarkozy était président), dont on connaît le sens politique, inversement proportionnel à son sens moral, et qui tenait à « redire [son] soutien et [sa] reconnaissance envers l’homme d’État qui a tant donné à notre pays. » Enfin, il est bon que nous nous souvenions tous que Sarkozy a adoubé Lecornu, qui, avec son goût prononcé pour la traîtrise et les traîtres, est allé chercher cet adoubement, et que nous en tirions les justes conclusions sur l’intelligence politique de l’actuel Premier ministre et sa capacité à discerner le bien commun.

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