Recevez la lettre mensuelle de Politique Magazine

Fermer
Facebook Twitter Youtube

Article consultable sur https://politiquemagazine.fr

Une semaine en Allemagne

On se plaint, à juste titre, du naufrage français – de ses zones de non-droit, de son extrême-centrisme macroniste, de son wokisme institutionnel, de sa classe politique figée entre cynisme et incompétence. Mais il serait temps d’élargir le champ de vision : l’Allemagne, si souvent érigée en parangon de stabilité démocratique, s’enfonce aujourd’hui dans un marasme encore plus inquiétant.

Facebook Twitter Email Imprimer

Une semaine en Allemagne

En Allemagne, la répression des voix dissidentes atteint des sommets kafkaïens, la criminalité importée prospère à ciel ouvert, la propriété privée est ouvertement menacée au nom d’un collectivisme rampant, et la haine, pourvu qu’elle soit de gauche, bénéficie d’une totale impunité. Le plus tragique ? Tout cela ne choque plus grand monde. Pour prendre la mesure du désastre, nul besoin d’aller farfouiller dans les archives : les seuls événements des derniers jours de juin suffisent à dresser un tableau glaçant d’une démocratie en pleine décomposition.

Ainsi, mercredi 25 juin, à six heures du matin, la police allemande frappait aux portes. Pas chez des terroristes ou des réseaux mafieux, mais chez des citoyens ordinaires. Leur crime ? Avoir formulé une critique du gouvernement sur les réseaux sociaux. Dans le cadre d’une opération coordonnée par le Bundeskriminalamt et mettant en œuvre des milliers de policiers, plus de 180 perquisitions ont été menées en Allemagne, avec de nombreuses confiscations de matériel informatique. Motif : « discours de haine », « délégitimation de l’État », « insultes d’homme politique », donc autant de catégories floues, à la définition mouvante, mais redoutablement efficaces pour museler la dissidence, depuis les nouvelles réformes juridiques.

Jadis considérée comme le fondement de la liberté d’expression, la critique politique est désormais devenue subversive, car ce n’est plus la loi, mais le ressenti subjectif de procureurs ou d’ONG antifascistes – largement subventionnées par le contribuable et spécialisées dans la dénonciation de prétendus « crimes de haines » – qui définit la limite. Ce qui, hier encore, était considéré comme prise de position politique comme une autre est aujourd’hui passible de poursuites pour incitation à la haine ou délégitimation de l’État. Et ce qui, aujourd’hui, peut vous valoir une visite musclée de la police, la confiscation de votre smartphone et des amendes corsées, pourra, demain, vous amener en prison ou en centre de rééducation.

Le ministre de l’Intérieur de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, en tout cas, se félicite que désormais, « les incendiaires numériques ne puissent plus se cacher » et réfléchiront deux fois avant de poster des phrases « qu’ils n’oseraient prononcer en public ». Voilà une pure rhétorique d’État policier, enveloppée dans le vernis d’une prétendue civilité : on ne protège plus la démocratie par la confrontation d’idées, mais par la criminalisation de la pensée dissidente et une extension du sentiment d’insécurité verbale vers le virtuel, car en 2023, seuls 40 % des Allemands estimaient qu’ils pouvaient parler librement de politique en public (contre 78 % en 1990).

Quelques jours avant, le 18, le verdict tombait aussi pour Stefan Niehoff, retraité bavarois de 64 ans. Il vient d’être condamné à 825 euros d’amende pour avoir partagé une parodie de publicité appelant Robert Habeck « Schwachkopf », stupide. Ce simple fait divers a mobilisé neuf autorités, de la police criminelle au renseignement intérieur, et occupé toute la nation allemande, sans qu’il y ait eu la moindre forme de contestation. Car c’est l’ancien ministre lui-même qui a porté plainte contre le pauvre retraité, comme il l’a d’ailleurs fait plus de 1500 fois contre d’autres détracteurs, profitant d’une nouvelle juridiction allemande qui a réintroduit dans le code pénal le crime de lèse-majesté.

Judiciarisation aggravée

Ce cas loin d’être anecdotique révèle une logique plus vaste, car à l’origine de l’affaire se trouvait une des innombrables cellules de dénonciation créées ces dernières années et grassement financées par de l’argent public, Hessen gegen Hetze (la Hesse contre la Haine). Son site stipule ouvertement vouloir combattre toutes les formes de propos « haineux et extrémistes » qui ne reflèteraient pas « la majorité de la société ». En clair : sortir du consensus dominant est devenu juridiquement risqué.

Mais continuons. La Bavière, prétendument si conservatrice, vient, elle aussi, de franchir un cap. Mardi 24 juin, le ministère de l’Intérieur a ajouté officiellement l’AfD, le plus grand parti d’opposition avec actuellement 23 % des intentions de vote, au registre officiel des « organisations extrémistes », avec les Frères musulmans et Al-Qaïda.

Conséquence : tout candidat au service public devra désormais justifier de son éventuelle appartenance à l’AfD. En théorie, cela ne signifie pas une exclusion automatique, mais le soupçon est suffisant pour bloquer un recrutement. Pire : les élus AfD pourraient désormais être légalement empêchés d’embaucher des collaborateurs venant de leur propre parti, car en tant que terroristes potentiels, ils seraient inéligibles pour recevoir des fonds publics.

L’AfD devient ainsi le laboratoire d’une démocratie qui ne combat plus par la parole, mais par l’exclusion administrative. L’État allemand prétend défendre la Constitution et se targue à qui mieux mieux d’avoir tiré les leçons de son passé sombre, mais en fait, il piétine journalièrement ses principes les plus élémentaires de l’État de droit.

Un glissement autoritaire

Pour la petite histoire : le 25 juin, Tuuli Reiss, figure éminente du Bundesverband Trans\*, vient d’affirmer publiquement sur Bluesky que le meurtre de personnes « riches » qui gèreraient leur argent de manière irresponsable était non seulement « éthiquement justifiable », mais même nécessaire. Conséquence : aucune. Pourtant, l’organisme où elle officie en tant « spécialiste de la prévention de la violence » est financé par le programme fédéral « Demokratie leben ! », censé lutter contre la radicalisation politique. Alors que l’AfD est mise sur la liste des groupes terroristes, il va de soi que l’État fasse la sourde oreille quand la haine vient de la gauche LGBT. Car Reiss, en plus de ses appels au meurtre, milite activement pour l’endoctrinement précoce des enfants dans les questions transgenres. L’impunité n’est donc pas un accident : elle révèle un système qui distingue les bons extrémistes des mauvais, les mots qu’il faut traquer et ceux qu’il faut financer.

Et à propos de financement, l’Allemagne bouge de manière de plus en plus claire vers un genre d’économie autoritaire planifiée. En effet, le 23 juin le Land de Berlin s’est apprêté à légaliser ce que le marxisme appelait autrefois la « socialisation des moyens de production ». La CDU et le SPD ont annoncé un projet de loi-cadre sur la Vergesellschaftung de la propriété privée, ce qui veut dire en clair que le Land pourra désormais nationaliser toute entreprise qui, selon des critères politiques très subjectives, « agit mal ». Pas besoin de faillite ou d’illégalité : il suffira qu’une société n’investisse pas assez ses capitaux, ne respecte pas les objectifs climatiques, ou tire trop de profit. Les promoteurs eux-mêmes reconnaissent que la loi pourrait être anticonstitutionnelle, d’où son entrée en vigueur différée, prévue en 2027, le temps de consulter la Cour constitutionnelle.

Derrière le vocabulaire lénifiant mis en avant par les deux partis centristes – « économie communautaire », « responsabilisation », « protection du climat » – se profile donc une économie planifiée à la chinoise, où la propriété privée n’est tolérée qu’à condition de s’aligner sur les valeurs politiques en vigueur. Le marché devient une concession révocable, le capitalisme, un privilège conditionnel.

En conclusion, une simple semaine quelconque en Allemagne suffit donc à documenter les symptômes avancés d’un glissement autoritaire inexorable vers la gauche. L’Allemagne de 2025 n’est plus le pays que beaucoup espéraient. Loin d’être un sanctuaire de liberté, elle devient un laboratoire de l’orthodoxie idéologique, où les droits fondamentaux sont soumis à condition, la justice à géométrie variable et l’État en guerre contre sa propre population.

Poursuites juridiques pour diffusions d’images satiriques, perquisitions massives pour tweets moqueurs, criminalisation outrancière d’un parti d’opposition, nationalisation de la propriété privée pour raisons politiques, subvention publique de personnes appelant au meurtre des riches – le tout au nom du progrès, de la diversité et de la démocratie. Bien évidemment, ce n’est plus de démocratie qu’il s’agit ici : c’est un nouveau régime qui a mis au pas les structures politiques les plus importantes afin de maintenir l’illusion d’un partage des pouvoir ; un régime où le pluralisme est suspect, la satire risquée, l’opposition ciblée, la propriété privée conditionnelle et la violence excusable… quand elle vient du bon camp, donc celui de la gauche. Et si rien ne change, ce que l’Allemagne vit aujourd’hui pourrait bien n’être qu’un avant-goût de ce que d’autres vivront demain.

 

Illustration : Karin Prien, CDU, ministre fédéral de l’éducation, de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse, regrette les 475 000 euros versés à l’association trans.

Facebook Twitter Email Imprimer

Abonnez-vous Abonnement Faire un don

Articles liés