Les jours se suivent et apportent à chaque fois une goutte d’amertume, une poussière d’énervement, un soupçon de tristesse ; ou alors l’amertume se boit à pleines tasses, la poussière recouvre tout et la tristesse repeint toutes les pièces.
Un jour on apprend qu’un journaliste français est en prison depuis un an et que l’admirable diplomatie française a suggéré qu’on n’en dise rien tant elle est plus efficace dans le silence et la discrétion : le journaliste est toujours en taule ; le surlendemain ou l’avant-veille, on nous dit que Macron a appelé les Iraniens pour faire un grave point sur les graves sujets, et a aussi demandé qu’on libère immédiatement les otages français : « immédiatement », comme il l’a déjà réclamé plusieurs fois, avec le même immédiat résultat que les otages sont immédiatement restés en prison ; quatre jours auparavant et quatre jours après, on nous redit que le gouvernement cherche très activement à économiser 40 milliards d’euros tout en ayant promis à Trump d’en dépenser 200, ce qui signifie bien sûr que les Français vont devoir payer. Brochant sur le tout, la canicule obsède les esprits et la République nous admoneste avec la sévère tendresse qui est la sienne, tendresse relevée d’une pointe de militantisme patriotique : « Passons tous en mode canicule », nous enjoint-elle, avec de sobres messages qui défilent tour à tour sur les écrans numériques. « C’est la canicule. Nous sommes tous concernés. » Oui, même toi, jeune fille ou vieil homme qui crois que tu n’es pas concerné. La canicule s’impose à toi, le gouvernement l’exige, agis en fonction de la température et abandonne tout autre logique, la fraternité exige que tu te sentes concerné. « Buvons de l’eau avant d’avoir soif. » Et sans doute dépensons l’argent avant de l’avoir perçu ?
Un million de kilomètres parcourus depuis son élection
Entre deux discours débiles en Norvège ou en Inde (il a bien dû parcourir plus d’un million de kilomètres depuis son élection), Macron gouverne ainsi, commentant gravement l’actualité internationale sur le ton du maître d’hôtel qui annonce les plats auxquels il ne goûtera pas, et commentant avec une majesté énervée l’actualité française, sur le ton du vieux sage qu’on n’écoute pas. Puis il laisse ses ministres patauger dans les déficits, les canicules, les conclaves et les projets de loi, avec une « majorité » qui réussit à voter contre ses propres projets quand elle n’est pas en train d’expliquer que le Parlement républicain a tort, au nom de la démocratie et des valeurs républicaines, bien sûr, qui exigent par exemple que la Ministre de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques mente comme une arracheuse de dents sur les prétendus 40 000 morts dus aux particules fines ou que la ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire prétende être très surprise que le Mercosur soit bientôt mis en œuvre, au détriment de la France, par ceux que son parti a soutenus pendant qu’ils défendaient l’idée du Mercosur. Mais rassurez-vous, braves gens : désormais vous ne pourrez plus fumer sur les plages, et qui oserait prétendre que cette mesure, aussi urgente que nécessaire, ne va pas relever le pays autant que votre moral ? Dire que certains mauvais esprits mettent en cause ou en doute le bilan de Macron ! Passons tous en mode crédule !
Les gueux se secouent
Tout ceci, en fait, nous exaspère au plus haut point, nous n’en pouvons plus de l’homoncule qui nous ridiculise quand il ne nous déshonore pas – mais nous avons honte. Honte pour lui et pour la France. Il demeure donc un paradoxal espoir : du fond de notre détresse, nous croyons encore assez à la France, et à ce qu’elle représente dans le monde, et pour nous, Français, pour que la pustule Macron nous fasse honte. Notre France n’a donc pas encore perdu sa substance, elle est vivace. Les gueux se secouent, une poignée de députés RN a décidé de travailler, une poignée de députés UDR a décidé d’être courageuse, trois journalistes font honneur à la profession, les paysans et les pêcheurs se sont unis contre les gros syndicats et les gras investisseurs qui plantent à tour de bras les éoliennes avec la bénédiction pas désintéressée des experts macronistes et la complaisance servile et empressée des préfets, l’espoir renaît. À défaut de triompher dans les urnes, trompeuse victoire, nous allons peut-être réussir enfin à revivifier le pays réel et à faire reculer le pays légal, avant de le traiter comme il convient ; en mode férule.