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L’ordre ou le désordre international après Trump : essai de perspective
Loin d’être un idéologue, Trump est un mercantiliste pragmatique, qui se méfie, justement, des idéologies qui ont prévalu jusqu’à présent dans la sphère occidentale.
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Dans les médias américains, on entend ou on lit des propos inquiets sur les conséquences qu’entraînerait le protectionnisme trumpien. Pour une fois, la droite libérale et la gauche, qui tout ensemble sont anti-trumpistes, se mettent d’accord pour dire que les droits de douane, en réduisant l’offre de biens importés, feront grimper les prix, donc produiront une inflation mortelle pour les Américains. Que peut-on en penser ? Oublions les débats idéologiques pour ne nous en tenir qu’à la science économique, pour autant que l’économie soit une science.
Commençons par rappeler l’enseignement de Milton Friedman, auteur d’une théorie quantitative de la monnaie demeurée célèbre : « L’inflation est toujours un phénomène monétaire, elle ne peut être générée que par une augmentation de la quantité de monnaie plus rapide que celle de la production ». Friedman écrit : « toujours », ce qui signifie qu’elle n’est jamais autre chose. Par exemple, l’enchérissement des produits importés.
D’abord, souvenons-nous que lors de son premier mandat, M. Trump avait déjà adopté certains droits de douane : pourtant, l’inflation était restée inférieure à l’objectif de 2 % fixé par la FED. Au contraire, pendant le mandat de Biden, les prix ont augmenté de plus de 20 %, sans que les salaires ne suivent.
Lors de sa conférence de presse, le 19 mars, contre la théorie d’une inflation automatique due aux droits de douane, le président de la FED, Jay Powell, a admis qu’il pouvait « être judicieux de faire abstraction de l’inflation si elle est vouée à disparaître rapidement sans intervention de notre part, si elle est transitoire. Et cela peut être le cas dans le cas de l’inflation due aux droits de douane ».
Car en effet, l’économiste John Carney rappelle que l’inflation et les variations de prix relatifs ne sont pas la même chose : « Lorsque les droits de douane augmentent le prix d’un produit, les consommateurs ont moins d’argent à dépenser pour d’autres biens, ce qui exerce une pression à la baisse sur les prix dans d’autres secteurs. Les droits de douane modifient les prix au sein de l’économie ; ils ne provoquent pas une hausse générale et soutenue des prix ».
De fait, les recherches sur les droits de douane effectuées pendant le premier mandat de Trump ont montré que les hausses de prix qui ont atteint les consommateurs ont été largement limitées aux articles ciblés par les droits de douane, les prix restant stables ou en baisse dans les autres secteurs. Ainsi, même les droits de douane généraux couvrant plusieurs pays et marchandises n’affectent qu’une fraction du panier de 80.000 articles qui constitue l’indice des prix à la consommation (IPC) aux Etats-Unis.
On a tendance à croire qu’une hausse des droits de douane produit ce qu’on appelle un « choc d’offre », qui fait diminuer ou augmenter l’offre, comme par exemple un embargo pétrolier. Mais en réalité, les droits de douane ne font que déplacer la demande des fournisseurs étrangers vers les producteurs nationaux ou d’autres partenaires commerciaux : ils ne détruisent pas, mais réorganisent la production et la consommation. On pourra penser ce qu’on voudra du protectionnisme, mais en tout état de cause, l’inflation n’a rien à voir avec lui, ce ne peut être qu’un phénomène monétaire.