La Nouvelle Revue Universelle
Numéro spécial Boutang de La Nouvelle Revue Universelle NRU- à commander ici !
Un numéro exceptionnel de La Nouvelle Revue Universelle entièrement consacré à Pierre Boutang
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La Kornish Al Nilea, longe la rive du fleuve sacré et borde le Temple de Louxor. Quelques mètres après l’entrée de la cathédrale pharaonique gardée par l’obélisque orphelin de son frère monolithe, exilé sur la place de la Concorde à Paris, se trouve une série de maisons anciennes dont une première résidence qui dut être luxueuse en son temps, malgré les lézardes et son aspect quelque peu décrépi. Deux sœurs, restées célibataires, de confession Copte, en était propriétaires. Appartenant à l’aristocratie de la cité, elles invitaient parfois pour prendre le thé, certaines personnes de l’happy few local, dont quelques archéologues. L’intérieur poussiéreux était meublé d’armoires gigantesques et de buffets deux–corps de l’époque ottomane. On s’asseyait dans des sofas rembourrés au siècle dernier ou sur de larges fauteuils aux pieds branlants. Des figurines antiques, statuettes d’Horus, Anubis et Isis, reposant sur des étagères brinquebalantes, semblaient vous toiser du haut de leur morgue divine. Un matin, le chef de la Police du Gouvernorat de Louxor, se présenta, accompagné de quelques sbires, pour une perquisition. Elle avait pour objet la visite des caves de la maison afin de découvrir un tunnel qui rejoindrait les sous–sols du temple et ainsi avoir accès à des pièces antiques enfouies, pour se les approprier ou au pire en faire commerce.
Après des récriminations, des hurlements de terreur et quelques crises de nerfs, nos deux dames bénéficièrent d’un délai d’une heure afin de pouvoir obtenir une communication téléphonique. Le laps de temps terminé, surgit une voiture officielle flanquée de quelques motards. Un géant d’allure martiale en sortit, c’était le Gouverneur en personne qui venait présenter ses excuses et annulait ipso facto cette visite inopportune.
Mais quel était l’interlocuteur qu’avait réussi à joindre les deux sœurs pour obtenir un tel renversement de situation ? Tout simplement le ministre d’État des Affaires étrangères qui, la même année, était devenu Vice-Premier ministre du pays. Le plus grand représentant laïque et civil des Coptes d’Egypte, était intervenu, et ce fidèle du Raïs Moubarak, ne plaisantait pas ! C’était l’Egypte, et il se nommait Boutros Boutros-Ghali !
L’intercesseur était né le 14 novembre 1922 au Caire. Il était issu d’une grande famille de la minorité chrétienne. Son grand-père avait été assassiné en 1910 alors qu’il était Premier Ministre du Roi et son oncle était Naguib Pacha Boutros-Ghali, ministre des Affaires étrangères de 1914 à 1922.
Après avoir fait une grande partie de ses études à Paris, il entama une carrière internationale en tant que spécialiste du Droit. Auteur, journaliste et directeur de revues, il était devenu un acteur incontournable du monde universitaire. Par la suite, il appartint durant quatorze ans au Gouvernement égyptien, en œuvrant pour la réalisation des accords égypto-israéliens de Camp David, signés en 1978, par Anouar el-Sadate et Menahem Begin, puis du traité de paix en 1979.
Nommé Secrétaire Général des Nations unies le 1er janvier 1992, il avait été le premier Africain à accéder à ce poste. Malgré sa ténacité il ne put résoudre pacifiquement tous les conflits de la planète et échoua malheureusement en Yougoslavie, au Rwanda et au Sahara occidental. A la fin de son mandat de cinq ans, il désira le renouveler mais fut mis en échec par un véto formulé par Madeleine Albright, dite la tête la plus pensante de la diplomatie américaine. Il fut nommé alors Secrétaire Général de la Francophonie de 1997 à 2002. Dans cette fonction, hautement diplomatique et culturelle, il aida notre pays à s’affirmer sur la scène internationale. L’arabe chrétien avait épousé, Leia Nadler, élevée dans une famille juive égyptienne d’Alexandrie, puis convertie au catholicisme romain. Il représentait ainsi la symbiose du Grand Livre et du Second.
Boutros Boutros-Ghali (en arabe : بطرس بطرس غالي), est mort le 16 février 2016 au Caire, à l’âge de 93 ans.
Ses funérailles ont été célébrées par le Patriarche, Tawadros II en la Cathédrale copte orthodoxe du Caire. Auparavant son cercueil, recouvert du drapeau national, avait été salué lors d’un hommage solennel rendu en présence du Président égyptien, Adel Fattah al Sisi, et du cheikh Ahmed al Tayyeb, grand imam de l’Université al-Azhar. C’est L’Egypte !
Le Pape François, dans son télégramme de condoléances au Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a écrit : « il s’est dépensée dans le généreux service de son pays et de la communauté internationale ».
De par son action et son rayonnement mondial, il a été et restera « Le Pharaon de la Paix ».
Son épitaphe pourrait être cette prière :
O Dieu Unique, semblable à nul autre,
Seul, Tu as créé le monde selon ton désir
Et tu donnes à chaque homme le nécessaire,
Tu calcules le temps de chaque vie
Et tu as créé les hommes différents
Par leur nature et leur couleur de peau.
Tu as créé un Nil dans les cieux pour les étrangers
Il arrose les champs, fructifie les graines,
Et renouvelle le limon des montagnes
O Seigneur d’éternité !
Tu as fait des millions de formes de toi-même
Tu as rempli mon cœur en lui donnant
La connaissance de ton savoir et de ta force.
Prière du dixième pharaon de la XVIIIème dynastie, (1355 à 1338 avant JC). Apôtre du monothéisme, il s’était autoproclamé Akhénaton, disciple et fils du Dieu unique, Aton, incarné dans le Soleil. L’extrait (expurgé) est gravé à Tell el-Armana, sa capitale. Elle est située en Moyenne-Égypte, dans l’actuelle province de Minya.