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2025 : LA BOÎTE A SURPRISES !

La remise en cause mondiale des “équilibres” est la seule certitude. L’élection de D. Trump accélère une recomposition générale aux dynamiques complexes et aux possibilités largement ouvertes.

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2025 : LA BOÎTE A SURPRISES !

La seule chose sûre pour 2025, à vue humaine du moins, c’est que Donald Trump a été élu président des États-Unis. Mais personne ne peut prévoir l’évolution de la situation politique française au cours de l’année, avec la probabilité de nouvelles censures, la possibilité juridique d’une nouvelle dissolution à partir de juillet, et la perspective d’éventuels référendums. Le plus vraisemblable est que le blocage actuel se poursuive, sans majorité claire ; et donc sans véritable décision sur les questions de toute nature qui se posent, de plus en plus brûlantes, et ça dure depuis 2022… Même en cas de cataclysme, comme la démission du président de la République, il faudrait des mois avant que se recompose un paysage politique cohérent à partir du champ de ruines que nous connaissons.

L’Allemagne n’est qu’en apparence plus prévisible : elle va avoir des élections le 23 février et début janvier les sondages accordaient 19 % des voix à l’AfD, qui serait le principal, voire le seul, parti d’opposition. Les Libéraux et les deux partis d’extrême-gauche, Linke et BSW, n’atteindraient pas les 5 % nécessaires pour entrer au Bundestag. La majorité gouvernementale serait donc emmenée par la CDU (31 %), épaulée par la SPD (16 %) et les Verts (13 %).

Une telle majorité, la plus probable, serait divisée sur tous les sujets, encore plus que l’actuelle, de la guerre en Ukraine à la fiscalité en passant par l’immigration et l’énergie. Il est donc très difficile de prévoir ses orientations. On n’attend rien de fort ni d’exemplaire pour une Europe en grande difficulté. Le plus probable est une série de compromis à courte vue, imposant à l’Union européenne des orientations, de l’immigration au commerce international, aussi compatibles que possibles avec les intérêts allemands du moment, mais sans projet d’ensemble.

Canal de Panama, droits de douane : affrontements en vue

Mais les États-Unis eux-mêmes sont loin d’être totalement prévisibles. Certes, Donald Trump est décidé à prendre en mains les choses très vite, et le système américain permet de se débarrasser des équipes précédentes plus vite et plus complètement que le nôtre, surtout quand on dispose de la majorité au Congrès et à la Cour Suprême. Il existe malgré tout des viscosités, du Pentagone à la CIA ou au FBI, et tout ne sera pas mis au pas tout de suite. Sans parler d’un monde économique foncièrement indépendant du pouvoir politique. Et sans compter les divergences d’orientation qui apparaissent déjà chez les membres pressentis de la prochaine Administration, y compris dans le domaine de l’économie.

En outre, certaines des politiques annoncées, comme l’imposition de droits de douane sur certains produits chinois ou européens, ou encore la reprise de possession du Canal de Panama, ne manqueront pas de provoquer remous et réactions ! Attendons de voir le résultat final des affrontements à venir.

Mais le plus urgent concerne l’Ukraine. Certes, le plus probable est que Trump cherche effectivement à réaliser ce qu’il annonce depuis des mois : un arrêt de cet épouvantable conflit. Et qu’il y parvienne, car les belligérants sont épuisés, les Américains davantage préoccupés par le Moyen-Orient et surtout l’Asie, et donc pressés de régler le conflit, et les Européens de plus en plus hésitants. Néanmoins je doute que le nouveau président (qui, lors de sa première présidence, avait été en fait plus ferme face à Poutine que son prédécesseur Obama) accepte n’importe quoi : la tentative de paix peut donc échouer.

Ukraine, durcissement ou la paix ?

En même temps, une éventuelle solution comporterait de multiples hypothèses ou modalités possibles. Une formule revient avec insistance : plus que d’une paix véritable, il s’agirait pour Washington dans l’immédiat d’un simple cessez-le-feu sur place (ce qui n’est pas en soi déraisonnable). Mais il serait garanti par une force européenne d’interposition, dans les 40 000 hommes. Et l’Ukraine ne serait pas admise dans l’OTAN. Les Européens auraient donc à leur charge sa sécurité, de toute évidence sa reconstruction, tandis que Washington ne leur garantirait en fait rien. Quant à nos soldats, en interposition entre les Russes et les Ukrainiens, ils regretteraient vite le Liban et la FINUL…

Mais même ce scénario peut échouer. Le conflit a pris ces dernières semaines un tournant de plus en plus « escalatoire ». Outre les bombardements répétés et croissants sur les infrastructures ukrainiennes on note les sabotages en Baltique de câbles divers ou les attaques contre des pétroliers russes en Méditerranée. Une escalade est toujours possible, qui mettrait en échec les tentatives diplomatiques prévues.

D’autre part Moscou aurait évidemment intérêt à un cessez-le-feu, à cause du coût économique et humain de la guerre, et une fois réalisés sur le terrain des objectifs appréciables (Crimée et Nouvelle Russie). Mais si les Ukrainiens continuent à subir des échecs, tout en voyant s’affaiblir le soutien américain, et devant la paralysie européenne, il n’est pas impossible que certains, à Moscou, ne souhaitent du coup poursuivre l’offensive jusqu’à border le Dniepr tout du long. Si les positions ukrainiennes actuelles devaient tomber, Kiev aurait en effet beaucoup de mal à les rétablir avant le grand fleuve, sur une immense plaine dépourvue de toute fortification. Même si on a du mal à l’imaginer, une poursuite du conflit au-delà de 2025 n’est pas totalement exclue.

Conflit en vue en Asie ?

Cependant Poutine lui-même pourrait d’ailleurs être lui aussi surpris, par exemple au Moyen-Orient, comme il l’a été lors de la chute soudaine de Bachar el-Assad. Ceci dit, les Occidentaux crient victoire trop tôt : il n’est pas encore certain que le nouveau régime syrien force effectivement les Russes à abandonner leurs bases dans ce pays. D’autre part certains signent paraissent indiquer que Moscou pourrait déplacer ses navires et avions de Tartous à la Libye. Une autre possibilité lui sera peut-être offerte par l’Algérie, avec laquelle la Russie entretient des relations militaires étroites depuis l’indépendance. Une base russe à Mers-el-Kébir serait pour les amateurs d’histoire un régal délicat…

Au Moyen-Orient, seuls le rôle incontournable de la Turquie et la poursuite du grignotage constant du terrain environnant par Israël, ainsi que le soutien américain à Tel Aviv, paraissent assurés. On considère trop rapidement l’Iran comme affaibli de façon décisive par les évènements de Syrie : c’est possible, mais il peut aussi vouloir réagir en accélérant encore son programme nucléaire et en jouant la carte anti-occidentale et anti-israélienne auprès de sociétés arabes, pas toujours vraiment contrôlées par des monarchies pétrolières en fait fragiles.

Certes, l’attention de l’Administration Trump (et c’est là en fait un consensus général aux États-Unis) se tournera d’abord vers l’Asie. Mais là aussi les incertitudes se multiplient : comment réagira Pékin aux mesures douanières annoncées par la nouvelle équipe ? Comment évoluera le conflit entre la Chine et Taïwan ? L’escalade des manœuvres aéronavales chinoises et des mesures de défense américaines dans tout l’Indopacifique ouvrent le champ des possibles, tandis que le Japon paraît depuis peu soucieux de se constituer un réseau d’alliances régionales ne reposant pas uniquement sur le soutien américain.

La Corée du Nord a également surpris les Occidentaux en s’engageant directement dans le conflit russo-ukrainien. Mais la Corée du Sud, que l’on nous présentait comme un roc de démocratie libérale pro-occidentale, est entrée dans une crise politique dont on ne voit pas encore l’issue, mais qui prouve en fait la minceur du vernis démocratique dont on a badigeonné bien des sociétés anciennes et complexes (cela vaut d’ailleurs un peu partout, pas simplement en Asie !). Une seule bonne nouvelle certaine donc : il n’y aura pas de chômage en 2025 pour les analystes et les historiens…

 

Illustration : Poutine et le président iranien Massoud Pezechkian en train de signer un partenariat stratégique qui, visiblement, resserre les liens entre leurs deux grands pays.

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