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Littérature politique

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Littérature politique

Les livres des hommes politiques occupent une place de plus en plus considérable dans les librairies. Pas une semaine sans que ne soit mis sur table tel ou tel ouvrage historique, anecdotique, académique, programmatique. C’est là le hic.

Pourquoi tant d’arbres sacrifiés pour l’édification des masses sur la situation et l’avenir du pays par ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ne sont pas étrangers à l’état dans lequel il se trouve ? Plusieurs réponses possibles.

1° Prouver qu’ils savent écrire. Improbable. Le style est généralement déplorable et l’usage de « plumes », dans ce genre littéraire, est très largement répandu. Rares sont ceux qui peuvent justifier avoir écrit eux-mêmes leurs ouvrages. A cette fin, certains conservent les manuscrits ou les fichiers horodatés sur leur ordinateur personnel, au cas où on leur les demanderait, mais – hélas – cela ne se produit jamais car les versions imprimées ne sont pas vendues.

2° Prouver qu’ils savent lire. Explication plus raisonnable même si un journaliste politique avouait récemment qu’il lui arrivait d’interviewer des auteurs qui ne s’étaient pas lus eux-mêmes. Ils se trouvaient fort étonnés des idées qu’on leur prêtait.

3° Prouver qu’ils savent se repentir. Souvent inutile : à peine commise, l’erreur était évidente pour le commun des mortels, c’est-à-dire les citoyens qui prennent les transports en commun, payent leurs factures sur leurs propres deniers, ne bénéficient pas de logements de fonction, etc. Bref, rien de semblable avec l’Homo Politicus à la française mais une capacité bien plus grande de discernement des bêtises.

4° Prouver qu’ils savent réfléchir. C’est important mais avouons-le, relativement facile quand on a sous les yeux des tonnes d’exemples de ce qu’il ne faut pas faire. Passer de l’idée à la promesse, et surtout de la promesse à l’action, voilà qui est plus complexe et ne se trouve pas dans les livres (ou alors les ouvrages de repentance évoqués plus haut, mais ça ne fait pas avancer le schmilblick*).

5° Prouver qu’ils peuvent envahir. Les médias, au minimum, les esprits et les cœurs si tout va bien. C’est bien sûr la clé de la motivation. Etre ou ne pas paraître, là est la question médiatique et politique. C’est le livre-prétexte aux émissions mêlant divertissement et politique : « Nous allons lire une anecdote désopilante extraite de votre livre, mon cher Maurice, puis entendre le dernier slam de Grand Corps Malade sur le cimetière de Saint-Denis et vous pourrez ensuite commenter les deux simultanément ».

6° Prouver qu’ils peuvent réussir. Les ventes deviennent un indicateur avancé des futurs scrutins. C’est le livre-tremplin : passera ou passera pas les 20 000 exemplaires ? 100 000 ? 200 000 ? (vendus, pas tirés, pas mis en place : la précision est quelquefois importante). Pour les éditeurs, c’est le livre-alibi : « Nous avons publié beaucoup d’essais cette année, c’est important pour notre rôle dans la cité ».

Le livre politique a de multiples fonctions mais, après Chateaubriand, Hugo et de Gaulle, il faut bien reconnaître que « littérature politique » n’est plus qu’un oxymore.

* Terme inventé par Pierre Dac dans les années 50 pour désigner un objet totalement inutile.

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