8ème édition de la Nuit des Témoins pour les chrétiens persécutés. Ils donnent leur vie pour le Christ, venez prier pour eux.
L’AED (Aide à l’Église en Détresse) est une fondation internationale catholique de droit pontifical qui aide les chrétiens menacés, persécutés, réfugiés ou dans le besoin. Fondée en 1947 par le père Werenfried van Straaten, elle soutient plus de 5 000 projets par an et intervient dans 145 pays, grâce aux dons récoltés (www.aed-france.org). Chaque année, l’association invite de grands témoins pour honorer les martyrs de la foi, prêtres, religieuses, religieux et laïcs engagés, ayant perdu la vie ces derniers mois par fidélité au Christ. Cette année, la première veillée a eu lieu dans la Cathédrale Notre Dame de Paris, elle a été reprise à la Basilique Saint-Epvre à Nancy avec Mgr Jean-Louis Papin, dans l’Eglise Saint-Paterne Orléans avec Mgr Jacques Blaquart, dans la Cathédrale Saint-Pierre de Rennes avec Mgr Pierre d’Ornellas et à Toulon, en l’Église Saint-Louis avec Mgr Dominique Rey.
Au soir du 29 janvier, sous les absides de Notre Dame, s’est levé un vent… de colère, et de miséricorde.
Des groupes se forment sur le parvis de Notre Dame et pénètrent par la porte Sainte Anne. Le flux s’accentue, les rangées se remplissent. A 20 h, la cathédrale est pleine, les travées sont prises et des centaines de personnes sont encore debout au fond de la Nef.
Les chants de la chorale s’élèvent, prières musicales qui résonnent sous les grandes arches de l’édifice.
Près du second pilier, à l’entrée du chœur à droite, face à la Porte Saint Etienne, là même où Paul Claudel se convertit, ébloui par la Grâce, un groupe étrange se forme. Prêtres et laïques sont réunis pour La Grande Veillée de la Huitième Edition de La Nuit des Témoins.
Le discours d’introduction est prononcé par Marc Fromager, directeur de L’AED. Spécialiste du Moyen Orient, il travaille depuis vingt-deux ans pour l’Église et n’hésite pas à se rendre dans tous les pays où les chrétiens sont en danger pour leur prêter assistance et réconfort. Il est l’auteur de Chrétiens en danger, Vingt raisons d’espérer (éditions des Béatitudes, 2013) et Guerres, Pétrole et Radicalisme -Les chrétiens d’Orient pris en étau (éditions Salvator, 2015).
Son exposé est nourri par un long martyrologe relatant tous les assassinats de religieux et laïcs par le monde, plus de 7 000 tués en 2015. Le triste bilan des atteintes à la liberté religieuse nous révèle que les victimes sont à 75 %, des chrétiens, qui seraient plus de 200 millions à être menacés. Marc Fromager dédie cette veillée à celles et ceux qui n’ont pas pu ou voulu rejoindre cette cérémonie de crainte de mettre en péril leurs familles et communautés, notamment en Chine et au Vietnam. Monseigneur Patrick Jacquin, recteur Archiprêtre de la cathédrale, accueille les participants, puis le Doyen du Chapitre, Patrick Chauvet, sous forme d’Homélie inspirée, nous prépare à cette grande rencontre. Alors entrent les prêtres et servants illuminés de leurs chandelles.
Un discours de paix mais aussi de vérité
Joseph Coutts est né en 1945 à Amritsar, en Inde. A 43 ans, il devient évêque d’Hyderabad, puis à Faisalabad. Il est à présent comme archevêque de Karachi. En 2013, il reçoit le Prix Paul VI de la Bonté pour son travail en faveur de la liberté religieuse.
Au visage de Roi Mage, Mgr Joseph Coutts nous relate la situation des chrétiens de son pays. Tout en reconnaissant la sollicitude de son Gouvernement, il souligne que, toutefois, la sécurité des églises est négligée notamment suite aux attentats visant des chrétiens de Lahore. Il prône la juste protestation mais de manière pacifique. Il est à l’origine d’une campagne internationale (en 2010) contre les lois anti-blasphème (peines de mort pour qui est accusé de profanation du Coran). Il suffit de dénoncer une famille ou une maison, pour que la situation devienne dramatique et que des foules fanatisées s’en prennent à la communauté chrétienne. L’affaire Asia Bibi en est exemple emblématique : condamnée à mort, elle est accusée de blasphème envers l’Islam. Mgr Joseph Coutts, garde toujours espoir ; les écoles et dispensaires construits par l’Eglise restent ouverts pour les démunis, et accueillent chrétiens et musulmans sans distinction.
Après ce message de paix, il récite le Notre Père dans sa langue d’origine.
Les chœurs reprennent, un enfant sort de la foule et lui offre un cierge qu’il va déposer devant l’autel. Ils s’inclinent tous deux devant les icônes des martyrs.
Une intervention pastorale, mais aussi un appel intransigeant aux politiques !
Jean-Clément Jeanbart, (né le 3 mars 1943 à Alep en Syrie) est un prélat catholique syrien de l’Église grecque-catholique melkite. Docteur en théologie, licencié en philosophie et en droit canonique, il parle l’arabe, le français, l’anglais et l’italien, il connaît le grec et le latin. Fondateur de l’Union Melkite Catholique Internationale, il a, durant son épiscopat, érigé de nombreuses églises, écoles, instituts, dispensaires et foyers pour les étudiants. Il a été nommé en 1995, archevêque d’Alep par le pape Jean-Paul II et consacré par le patriarche Maxime V Hakim. Aumônier général de la Jeunesse Étudiante Chrétienne (JEC), il a accompagné 280 Syriens aux Journées Mondiales de la Jeunesse de Paris, puis, en 2004, a organisé avec plus de 4 000 jeunes une version syrienne des JMJ à Alep.
L’orateur qui a quitté la Syrie, il y a quatre jours, raconte la tragédie que vit son pays, avec ses centaines de milliers de victimes. Les sanglots modulent sa voix de bronze. Délogé de son archevêché d’Alep, détruit pas les obus il se veut un rempart contre l’exode. « On cherche à nous détruire, nous cherchons à bâtir. On cherche à nous expatrier, nous luttons pour rester. Tout ce que nous attendons, c’est la paix ». Il affirme qu’au lieu d’accueillir avec des visas les migrants, il faut que les syriens restent sur leur terre pour la défendre et la reconstruire.
« Alep a 8 000 ans d’âge, elle était avant la guerre, une ville d’avant-garde et la seconde ville en termes de puissance économique après Constantinople. Aujourd’hui, elle est rasée.» Mais le tour de son discours devient plus offensif, notamment à l’encontre des journalistes occidentaux qui se sont faits manipulés en donnant une vision partiale et biaisée du conflit.
« L’OSDH diffuse une information favorable à ceux que vous appelez les rebelles. Al-Jazeera, par l’origine de ses financements, donne également une information systématiquement à charge contre le régime ». Le ton enfle, et la politique étrangère de la France est maintenant visée après s’être totalement trompée dans sa lecture du conflit syrien : «J’aime la France, c’est elle qui m’a éduqué, mais j’ai connu une autre France, une France qui défendait les valeurs de liberté, d’humanité, de laïcité et de respect. Pourquoi agit-elle aujourd’hui par intérêt politique ou financier?». Plus encore, l’attitude du Clergé français, semble l’avoir profondément blessé : « La conférence des évêques de France aurait dû nous faire confiance, elle aurait été mieux informée. Pourquoi est-ce que vos évêques se taisent sur une menace qui est aujourd’hui la vôtre également ? Parce que les évêques sont comme vous tous, élevés dans le politiquement correct. Mais Jésus n’a jamais été politiquement correct, il a été politiquement juste ! »
Se référant à une phrase surprenante du grand archéologue et spécialiste de la Mésopotamie, André Parrot, qui fut Conservateur en chef et premier directeur du Musée du Louvre, connu pour avoir dirigé de nombreuses fouilles dont celles de Larsa en Irak en 1933 où il découvrit le vase d’Ishtar, l’Archevêque déclare : « Tous les habitants de la terre devraient avoir la double nationalité, la sienne propre et la syrienne… » Il s’en explique : Saint Pierre évangélisait à Jérusalem. Un groupe de trois cent personnes originaires des alentours de Damas, se rendirent auprès de lui. A leur retour, ils fondèrent la première communauté chrétienne du monde, en Syrie. Elle existe depuis 18 siècles… Ne la faites pas disparaitre !
Tous les participants à cette cérémonie se lèvent, Notre Dame est debout et applaudit longuement le Patriarche.
Les chœurs reprennent, l’enfant devant l’assemblée lui offre un cierge qu’il va déposer devant l’autel. Ils s’inclinent tous deux devant les icônes des martyrs.
La Tragédie en prière incarnée par une religieuse
Sœur Lika Marooki est née en Irak, à Bagdad en 1978. Elle est la 5ème d’une fratrie de de sept enfants. Réfugiée, à l’âge de 10 ans à Qaraqosh, après avoir fui Bagdad en 1988, elle entre à l’âge de 19 ans chez les sœurs Dominicaines de Sainte Catherine de Sienne et prononce ses vœux perpétuels en 2005.
« Vous avez une demi-heure pour rassembler vos affaires et partir ! ». L’injonction tombe à 23h, le 6 août 2014, à quelques kilomètres la ville de Mossoul, qui avait été prise deux mois auparavant par l’État islamique et l’éviction des chrétiens. « Dès l’aube, nous avions été réveillés par le son des canons, ceux de l’affrontement entre Daech et les peshmergas. Cinq heures plus tard, nous avons eu trois morts, deux enfants et une jeune fille. Avec toutes les 72 sœurs, nous avions décidé de rester aux côtés des habitants. Mais nous avons dû nous résoudre à partir… » Elle passe deux mois à Erbil, en hébergement d’urgence et installe des caravanes pour les Dominicaines dans le jardin du couvent de la ville. En même temps, elle vient en aide à 250 émigrés, vivant parfois à 4 ou 5 familles dans une pièce de 4 m2 et travaille un an, sans relâche, dans une école de 12 classes, montée à la hâte. « Comme je suis spécialiste de musique sacrée, j’organise chorales, récitals et soirées de prière car, par le chant, on oublie ses soucis » affirme-t-elle. « Il faut leur redonner espoir. La majorité d’entre eux sont rongés par la colère. » En français, « lika » signifie « rencontre », un hasard ?
« Que vais-je faire si je ne peux pas revenir ? » On se sent oublié, mis de côté. Et si l’on peut, un jour, retourner dans nos villages, il sera très difficile de reprendre nos vies comme hier. Ceux qui partent le font parce qu’ils se sentent oubliés, c’est insupportable ! Ils savent que tous ceux qui les ont précédés sont souvent morts dans des conditions atroces, mais ils continuent d’affronter les dangers de la mer pour que leurs enfants trouvent une vie meilleure. Moi, je retournerai dans quelques jours là-bas pour être aux côtés de ceux qui ont choisi de rester. Pour incarner auprès d’eux l’espoir.»
Sœur Lika Marooki entonne le Je Vous Salue Marie, en araméen, langue du Christ, langue utilisée dans le village de son enfance.
Les chœurs reprennent, l’enfant lui tend un cierge qu’elle va déposer devant l’autel. Ils s’inclinent tous deux devant les icônes des martyrs.
« Sans autre armure que la miséricorde »
Père Antonio Aurelio Fernandez, né à Cordoue, Prêtre de l’Ordre des Trinitaires ou Mathurins. En 2001, il s’était implanté au Caire pour venir en aide aux 30 000 réfugiés de la guerre du Soudan venus en Egypte. Il dirige actuellement Solidarité internationale trinitaire, organisme qui a pour mission de soutenir les personnes persécutées dans le monde à cause de leur foi, notamment les enfants soudanais chrétiens vendus par des marchands d’esclaves islamiques. Voir : comcerfroid.blogspot.com
En 1194, les Français saint Jean de Matha et saint Félix de Valois, fondent l’Ordre de la Très Sainte Trinité et des captifs. Cet Ordre religieux a pour vocation le rachat des chrétiens captifs des Maures. On pourrait croire que cette initiative vieille de 800 ans appartient au Moyen Age, il n’en est rien ! Le Père Fernandez, au péril de sa vie, continue à rejoindre la ville de Rumbek pour rencontrer les passeurs et marchands d’esclaves. Ces esclaves qui sont des enfants ! Des enfants soudanais chrétiens ! Il faut après de nombreuses tractations les racheter, un par un, car au Nord-Soudan, la dictature islamique dicte sa loi, et ceux qui ne professent pas la religion d’Etat sont considérés comme des choses… Mais des choses qui ont un prix : un garçon peut coûter 300 euros, une fillette, 250 euros. «Beaucoup présentent des marques aux poignets car ils dorment assis, les bras attachés au tronc d’un arbre pour qu’ils ne s’enfuient pas. »
On ne peut sortit indemne à l’écoute de ce plaidoyer, sans concession, mais qui demande miséricorde pour le genre humain, si atroce soit– il. Ce n’est pas une prière qu’a demandé le Père à l’issue de son intervention, mais une minute de silence… les siècles n’y suffiraient pas.
Les chœurs reprennent, le Père Antonio Fernandez prend la main de l’enfant et tous deux s’en vont déposer la lumière d’espérance devant l’autel. Ils s’inclinent devant les icônes des martyrs.