Recevez la lettre mensuelle de Politique Magazine

Fermer
Facebook Twitter Youtube

Article consultable sur https://politiquemagazine.fr

Chine-Jérusalem, une nouvelle route de l’Évangile

Depuis plusieurs décennies, on parle du réveil de la Chine ; on la compare à un tigre sortant d’un sommeil séculaire. Mais combien, en Occident, se doutent que cette métaphore s’applique au réveil spirituel de ce géant, et qu’en fait de fauve, la Chine est une nouvelle patrie du lion de Juda ?

Facebook Twitter Email Imprimer

Chine-Jérusalem, une nouvelle route de l’Évangile

Yves Chiron a raconté dans un ouvrage l’histoire millénaire de « la longue marche des catholiques de Chine ». Les catholiques d’Occident connaissent par bribes les démêlés du Vatican avec le PCC, et les souffrances des membres de l’Église chinoise clandestine. L’essor parallèle et prodigieux des « Églises domestiques » chinoises reste souvent mal connu, même s’il bénéficie du soutien des communautés protestantes de l’Ouest – souvent dépassées par ce christianisme d’autodidactes foisonnant de miracles, d’anges, de dévotions que même le catholicisme bon teint a oublié, de persécutions glorieusement endurées et d’une ferveur libre de tout matérialisme.

Ce christianisme (qui compte autour de 70 millions de fidèles, 110 millions pour la fourchette la plus haute) qui récolte une moisson surabondante dans les campagnes chinoises n’est pas du protestantisme : il n’en a ni les théologiens, ni les adaptations avec le monde ; il croit en ce que le protestantisme a rejeté ; il ferait passer le « dolorisme catholique » pour de la mièvrerie. Brother Yun raconte sa stupéfaction quand, arrivant dans une communauté protestante en Norvège, il découvrit que la tombe de Maria Monsen, grande figure de l’évangélisation luthérienne en Chine, était à l’abandon. Il exhorta les protestants locaux, ahuris, à rendre à cette femme les honneurs que la mort ne devait pas lui ravir, comme c’est souvent le cas chez les protestants, qui se défient de tout risque de « canonisation » des croyants défunts. « Dieu seul est saint », répètent-ils. Brother Yun, dans son livre, leur répond : « Mais Dieu habite en nous ! »

Par son enthousiasme et sa croissance spectaculaire, ce christianisme évoque le courant évangélique : mais la doctrine et la praxis de ces missionnaires et martyrs chinois s’opposent radicalement à certains éléments du discours évangélique : culte de la réussite financière et humaine, communautarisme et diabolisation des autres Églises.

« Seigneur, ouvre mes yeux à tes merveilles », demande le psaume. Lire le livre de Brother Yun, c’est voir les merveilles – les surprises, les prodiges, les splendeurs – de la foi sur la terre aujourd’hui – cet aujourd’hui que nous croyons, à l’Occident, si terne et rassis, loin des légendes dorées de nos saints qui dorment, désormais, dans des sarcophages oubliés au fond d’églises désertes.

Ces chrétiens « domestiques » s’efforcent de vivre fraternellement avec leurs compatriotes catholiques. Du fait de la répression, l’Église ne peut les atteindre ; alors Jésus vient lui-même. Par des rêves, par des chrétiens clandestins déposant des Bibles sous l’inspiration de l’Esprit-Saint devant les maisons où une famille avait supplié le Seigneur de lui apporter Sa parole ; à travers des guérisons, des évasions miraculeuses. Dès les années 1920, raconte Brother Yun, de petites communautés chrétiennes chinoises disséminées dans plusieurs régions de Chine, sous l’impulsion de visions, se mirent en route, à pied, pour Jérusalem, portant la Bonne Nouvelle de l’Evangile au long de leur route.

Cette Croisade des Pauvres rassembla à la fin des années 1940 des dizaines de milliers de Chinois. Certains étaient des mendiants, des aveugles, les éclopés des bords du chemin. Ils furent battus, méprisés, condamnés aux travaux forcés pendant des décennies : ils gardèrent la foi. Beaucoup venaient du Hebei, où eurent lieu en 1900 des apparitions de la Vierge Marie reconnues par l’Église catholique. Ce mouvement, qui continue d’inspirer les convertis chinois et connaît un nouveau succès depuis les années 2000, est appelé « Back to Jerusalem ». Leurs hymnes sont toujours chantées dans les églises domestiques chinoises :

Avec des larmes plein les yeux

Et du sang éclaboussé sur nos poitrines

Nous brandissons la bannière du Christ…

Le monde est submergé par le péché…

Avec espérance et foi nous marcherons

Consacrant nos familles et tout ce que nous avons

En embrassant nos lourdes croix

Marchons en avant vers Jérusalem !

Comme le rappelle la confirmation, l’Esprit-Saint, c’est une claque. Celle donnée par ce livre est salutaire.

 

Brother Yun avec Paul Hattaway, Citoyen du Ciel. Éditions des Béatitudes, 2023, 324 p., 23 €

Facebook Twitter Email Imprimer

Abonnez-vous Abonnement Faire un don

Articles liés

Civilisation

En finir avec les mythes

En finir avec les mythes

Par Christophe Boutin

Stéphane Giocanti a souhaité évoquer la Commune de Paris, non pas en historien, il s’en défend – même s’il a beaucoup lu sur le sujet et cite ses sources – mais plus en « historien de l’histoire », examinant les ouvrages savants sur le sujet pour voir comment on a construit avec cet épisode de notre histoire un mythe politique toujours d’actualité. Car si notre auteur assume parfaitement ne pas être neutre, il considère que nombre des historiens de la Commune ne le sont pas plus que lui, donnant de leurs parti-pris un certain nombre d’exemples.

Civilisation

Le trompe-l’œil du passé

Le trompe-l’œil du passé

Par Richard de Seze

En 1995, Michel Zink donne sa leçon inaugurale de la chaire de Littératures de la France médiévale du Collège de France : « La meilleure raison de poursuivre cet enseignement vieux de cent cinquante ans est que son objet n’existe peut-être pas » : toute la méthode de Zink est dans cette apparente désinvolture, dans cette réflexion sans cesse menée sur un objet littéraire forcément augmenté de tout l’appareil gigantesque du commentaire.