En Grèce antique, un symbolon était deux morceaux d’une pièce, souvent un tesson de poterie, qu’il fallait assembler afin de pouvoir identifier l’interlocuteur.
Il servait à prouver l’existence d’un contrat et sa liquidation, ce qui est bien loin du sens qu’il a pris en français avec le mot symbole. Pourtant, cette question d’assembler des pièces disparates illustre bellement ce dernier ouvrage de Stéphane Barsacq. Celui-ci est composé de deux parties qu’unissent « un portrait de femme » : la première partie, « Dominique », est la réédition d’un livre tiré à vingt exemplaires hors commerce en 2012 en l’honneur de Dominique Rollin, recueil des passages consacrés à cette dernière dans le journal intime de Stéphane Barsacq ; la deuxième est un rassemblement de textes divers autour de Philippe Sollers : préface inachevée, entretien, extraits du journal intime et in memoriam. Au-delà de la diversité de textes, c’est d’abord l’histoire d’un couple aimé des muses et dont l’union, ce symbole sensible, aura tourné vers la grâce. Il est des tessons de poterie plus fins et jolis que d’autres.
Toute la force de ce livre est qu’il nous fait entrer en familiarité avec ses sujets. Il paraît presque au lecteur qu’il entend parler de gens bien connus et de sa parentèle. Cependant cette familiarité ne vise point à faire ressortir quelques cadavres des placards ou à sombrer dans le voyeurisme, mais à retrouver cette chaleureuse intimité qui laisse deviner le fond des âmes sans jugements ni voiles. Évidemment, le fait que l’histoire de la famille Barsacq et la vie de Stéphane croisent à différentes reprises celle de Dominique Rollin et de Philippe Sollers n’est pas étranger à cette impression, mais révéler Dominique et démasquer Sollers, n’est-ce pas leur rendre le meilleur service ? Les âmes nues ne sont pas nécessairement des âmes tristes. En tout cas, il nous encourage à prendre le pari de l’avenir de l’épatante Dominique.
Stéphane Barsacq, Dominique suivi de Épectases de Sollers. Édition le clos Jouve, 2024, 116 p., 19 €