Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
Les hommes politiques croient bon d’envahir émissions de radio et de télévision avec des livres censés anoblir leur statut aux yeux de l’opinion. Leurs chiffres de ventes font parfois très mal.
Parmi la panoplie de trucs dont dispose l’homo politicus pour faire valoir la légitimité suprême de sa petite personne, le livre est devenu un incontournable. En lui-même, son contenu n’a pas grande importance. Parodie hugolienne ébouriffée chez un Villepin, balbutiement de programme chez une Pécresse, laborieuse copie de khâgneux chez un Guaino ou dernièrement un Fillon, peu importe. L’essentiel est comme toujours de vendre une image. Des mots contre une image, voilà le deal. Voilà la seule ambition de ces livres que personne n’a envie de lire, cadeaux de hantise pour tous les pères de famille…
Le deal est des plus sommaires, mais l’homme politique s’y laisse prendre, s’émerveillant de son propre charme dans ce rôle pourtant grotesque de Chateaubriand des temps modernes, de chevalier prêt à défendre ses « convictions » sur tous les plateaux de télé qu’il rencontrera – grâce au plan de bataille bien vissé entre son éditeur, son dircom et les journalistes, bien entendu indépendants.
Le but est de nous faire croire que, lui, a du fond. Il a un projet, des idées. Il est victime de ce temps médiatique qui va trop vite et qu’il aimerait pouvoir arrêter. Alors il écrit un livre, pour se montrer tel qu’en lui-même. Assez de ces miroirs déformants ! Il y a de la révolte dans son geste… Pendant que la France batifolait sur les plages, un Juppé par exemple, s’est retiré tout l’été, comme faisait Cicéron, dans une thébaïde où il a pris du recul et mûri cet ouvrage qu’il vient humblement nous présenter… Allez Alain, on y croit !
Seulement « se vendre », même pour des gens qui en ont fait profession, n’est pas toujours simple. Les chiffres de ventes d’ouvrages écrits par des politiques qui tombent depuis quelques mois parlent d’eux-mêmes. Quoique très éloignés des résultats annoncés par les maisons d’édition, qui donnent volontiers le total des livres mis en rayon dans les librairies et non effectivement vendus, le trio gagnant affiche des scores honorables, en tenant compte des dates de sortie :
– Jean-Luc Mélenchon avec Le Hareng de Bismarck (Plon), paru le 7 mai 2015 : 37.323 exemplaires,
– François Fillon avec Faire (Albin Michel) paru le 16 septembre 2015 : 15.864 exemplaires,
– Alain Juppé avec Mes Chemins pour l’école (Lattès) paru le 26 août 2015 : 9.764 exemplaires.
Fillon l’emporte donc avec Faire, titre pourtant calamiteux, qui résonne comme un aveu d’impuissance pour un homme qui, précisément, a disposé de cinq ans pour « faire » et n’a pas su.
Ensuite, c’est la dégringolade, pour ne pas dire la catastrophe industrielle. Les titres sont parfois de vrais poèmes surréalistes, mention spéciale à Cécile Duflot qui s’est effectivement fait virer…
– Rama Yade avec Anthologie regrettable du machisme en politique (Editions du Moment): 989 exemplaires
– Cécile Duflot avec Le Grand Virage (Les Petits Matins) : 665 exemplaires
– Fin du fin, Jean-Christophe Cambadélis avec A gauche, les valeurs décident de tout (Plon): 326 exemplaires.
Un score particulièrement indigent pour le premier secrétaire du parti socialiste qui a bénéficié d’une large exposition médiatique avec, entre autres, un passage chez Ruquier…
La bérézina éditoriale continue de plus belle :
– Delphine Batho avec L’insoumise : 715 exemplaires,
– L’ineffable Michel Sapin avec L’écume et l’océan : 346 exemplaires. Chef-d’œuvre de ridicule, la couverture nous montre un Sapin conquérant, qui dans la tempête, ne craint pas de relever le col de sa veste toute neuve. Le sous-titre précise : Chronique d’un ministre du travail par gros temps…
– Claude Bartolone, Je ne me tairai plus : 268 exemplaires.
La palme revient tout de même à Christine Boutin avec Qu’est-ce que le parti chrétien démocrate ?, qui n’a écoulé que 38 exemplaires… Sa famille ?
Alors, qui intéressent-ils ? Qui entendent-ils représenter ? Le pire, c’est que la plupart campent à la télévision, enchaînent les matinales, persuadés de captiver les foules alors que les Français se moquent de leur avis, de leur baratin, de leurs effets de plume. Et bien sûr, on se gardera de mettre leurs chiffres en rapport avec ceux d’Eric Zemmour – près de 500 000 exemplaires vendus pour Le suicide Français-, de Michel Onfray, Laurent Obertone… Tous ennemis revendiqués du système.
Dernier exemple en date, et non des moindres : le livre de Philippe de Villiers Le moment est venu de dire ce que j’ai vu, dont Albin Michel a tiré plus de 71 000 exemplaires. Entre 5 000 et 7 000 copies s’écouleraient par jour depuis le 1er octobre selon l’éditeur, ce qui place l’ouvrage en tête du classement des meilleures ventes et, si l’engouement se prolonge, devant Eric Zemmour. L’œuvre est celle d’un politique d’un genre particulier, puisque le fondateur du MPF y exprime son dégoût progressif envers un système autocratique dont il n’a pas voulu devenir l’otage, dézinguant à tout va ceux qui ne gouvernent pas mais font du « consumérisme politique », par exemple, en essayant de vendre des livres…
Souverainiste, réactionnaire et gros vendeur… La nouvelle donne éditoriale ? De quoi donner des idées à Nadine Morano… Qui sait, peut-être engagerait-elle un nègre…