L’essence du divertissement à la française
En 1927, le bassoniste Fernand Oubradous fonda le Trio d’anches de Paris et suscita nombre de commande auprès d’une génération de compositeurs imprégnés de l’esthétique prônée par Jean Cocteau dans Le Coq et l’Arlequin. Caractéristiques du style musical élégant et badin de l’entre-deux-guerres, les pages de Georges Auric, fleurant le cirque et le music-hall, Henri Tomasi, pastoral et populaire, Jacques Ibert, subtilement polytonal, et Darius Milhaud avec sa Suite d’après Corette, furent écrites entre 1935 et 1938. Plus stravinskien, Alexandre Tansman élabora son trio en 1949. La formation instrumentale autant que l’air du temps soude ces œuvres par une sorte de connivence bienvenue qui confère au programme une solide unité.
L’Ensemble Trielen réunit trois musiciens brestois attestant de l’excellence de l’école française de vents. Les interprètes déploient de belles qualités d’équilibre et de précision. Ils nous insufflent leur allégresse, nous enthousiasment par leur virtuosité et leur dynamisme nous entrainent dans un tourbillon de bonne humeur. C’est gouailleur, frais, léger, pétillant jusqu’à l’excès, cela ne s’appesantit jamais, même lorsque l’on souhaiterait un peu plus de profondeur, d’abandon ou de poésie dans certains mouvements lents (notamment chez Ibert). Une réjouissance antimorosité dont il ne faut guère se priver en ce moment.
Musique française pour trio d’anches par l’Ensemble Trielen, 1 CD Ad Vitam, AV150230, 50 mn, 16 €
Fleurons violonistiques de l’école belge
Instrumentistes confirmées, Elena Lavrenov et Aurélie Gilmard défendent avec beaucoup de chaleur, de charme et d’élégance la fine fleur de l’école belge de composition. Intelligemment conçu, leur récital rassemble des pièces de choix signées Franck (Andantino quietoso), Ysaÿe (sensible Rêve d’enfant), Vieuxtemps et Marsick (deux belles Rêveries), de Bériot (une entrainante Scène de Ballet). La dynamique première Sonate de Baiwir, cadet de cette prestigieuse lignée, s’ancre dans un néo-classicisme revendiqué. Si elle semble volontairement négliger les évolutions de la modernité, elle demeure pétrie de l’efficacité de la musique de film hollywoodienne. Ce programme stylistiquement cohérent s’achève par un Baiwir convainquant dans l’exercice de la variation (on se souvient de ses deux ébouriffants cahiers sur un motif de Paganini). Les Badineries sur un air de Grétry, hommage d’un Liégeois à un autre Liégeois, se révèlent un bijou de distinction virtuose saupoudré d’une pointe d’humour jazzy très bienvenue.
Elena Lavrenov, violon et Aurélie Gilmard, piano jouent Baiwir, de Bériot, Franck, Marsick, Massenet, Vieuxtemps, Ysaÿe, 1 CD Azur Classical, AZC 133