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Attention à la colère des paysans

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Attention à la colère des paysans

Grande manifestation des agriculteurs plongés dans un marasme sans précédent à Paris le 3 septembre.

Juchés sur près de 1500 tracteurs, des agriculteurs venus de la France entière ont convergé hier dans les rues de Paris jusqu’à la place de la Nation. Ils exprimaient l’exaspération d’une profession et, plus largement, d’un monde paysan rendu exsangue par les réglementations en tous genres et la baisse constante de ses revenus. Organisée par la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), premier syndicat du secteur, et les JA (Jeunes Agriculteurs), cette manifestation d’envergure a été le point d’orgue d’une mobilisation continue pendant l’été qui aura été marquée par plus de 500 actions « coups de poing » sur tout le territoire.

Leurs revendications ont-elles été entendues ? On pourrait le penser. A l’issue d’une réunion avec les représentants des syndicats agricoles, le Premier ministre a mis sur la table un plan estimé à 3 milliards d’euros : aides à l’investissement, « année blanche » pour les remboursements des traites bancaires des exploitations en difficulté, prise en charge des intérêts d’emprunt (à hauteur de 100 millions) et des cotisations sociales (à hauteur de 50 millions). Par ailleurs, Manuel Valls a promis que la France n’irait plus « au-delà » des contraintes européennes dans sa transposition des textes communautaires. Une nouvelle méthode de définition des normes, environnementales notamment, réclamée à cor et à cri par le monde agricole qui, de longue date, dénonce un « empilement administratif ».

Triomphant Manuel Valls. Ce plan est «un message d’amour », a-t-il osé lancer à l’intention des manifestants. Plus prosaïquement, force est de constater que ce « message d’amour » a sans doute été dicté par la crainte du gouvernement de voir émerger une « coagulation des mécontents » – hantise du pouvoir socialiste depuis la mandature Ayrault – qui verrait les agriculteurs rejoints par d’autres catégories de la population dans un rejet global des politiques. Plan d’urgence donc, qui laisse entrevoir l’impuissance de nos dirigeants en même temps que leur peur de voir la situation sociale leur échapper. Car rien n’a été dit sur les sujets qui fâchent vraiment.

Rien sur la guerre des prix entre les enseignes de la grande distribution, qui tire toute la chaîne de production vers le bas, et dont les conséquences pour les exploitations agricoles sont des prix de vente toujours plus faibles pour des coûts de production toujours plus importants. Rien sur la suppression, en avril dernier, des quotas laitiers qui régulaient la production européenne depuis trente ans et qui a contribué à faire flancher les prix. Enfin, rien sur l’embargo imposé par la Russie sur les produits européens. Limité à l’origine à la viande de porc – mais causant une crise majeure dans la filière – il a été élargi en août à l’ensemble des produits alimentaires. Ses conséquences catastrophiques sont directement imputables à Bruxelles : l’embargo est une réponse aux lourdes sanctions économiques décrétées par l’Europe en raison du rôle présumé de Moscou dans le conflit ukrainien…

Quand Xavier Beulin, président de la FNSEA, estimant avoir été entendu, s’est félicité du plan d’aide du gouvernement, il s’est fait huer par les agriculteurs place de la Nation. Pas dupes. Face à l’impéritie parfois flagrante des hommes qui nous gouvernent, la colère gronde. Attention à la colère des paysans.

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