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Zohra K. : « Je n’éprouve plus de haine »

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Zohra K. : « Je n’éprouve plus de haine »

Née en France mais emmenée par ses parents à 16 ans en Algérie pour être mariée de force avec un cousin, Zohra K. a vécu l’horreur dans un petit village de Kabylie. Subissant brimades, coups et viols, elle finira par s’échapper au bout de vingt ans de captivité. Dans Jamais soumise, publié chez Ring, elle raconte sa tragique histoire.

De quelle manière vous êtes-vous retrouvée en Algérie ?
Ce sont mes parents – vivant et travaillant en France – qui m’ont emmenée là-bas. Il s’agissait de me punir de mon comportement – j’étais un peu une adolescente « rebelle », qu’ils ne jugeaient pas acceptable. Mais quand j’ai pris l’avion, je n’avais aucune idée de ce que m’y attendait. Ma mère me disait que nous partions pour quelques semaines. à aucun moment, je ne me suis dit que j’allais y rester vingt ans et être mariée de force.

Quel était ce village de Kabylie où vous êtes resté captive pendant vingt ans ?
Cinq familles y résidaient : nous étions tous cousins germains. Ce village était éloigné de tout et de tous. On vivait en autarcie.

Vous expliquez que vous pardonnez à vos « ravisseurs ». Un pardon, d’ailleurs, que vous semblez avoir transmis à vos filles…
Je les ai élevées avec ce souci. Je leur ai même demandé de garder des contacts avec leur père. Ce n’est pas à moi de les priver de toute relation avec lui. Elles n’ont pas à subir les conséquences de ma vie : elles n’ont pas choisi de naître, comme je n’ai pas choisi leur père. Je n’éprouve plus de haine.

Autre fait marquant dans votre livre : votre solitude sur place. Personne ne semblait en mesure de vous aider…
C’est ce qui était le plus dur. Tout le monde voyait ma détresse, mais personne n’y pouvait rien, même le médecin ! Alors que je cherchais à m’échapper, il me manquait une certaine somme pour le faire. J’ai sollicité un oncle qui avait des moyens et qui me soutenait moralement. Mais le jour où je lui ai demandé cette fameuse somme, il m’a répondu : « Je les ai et je peux te les prêter mais je ne le ferai pas. Tu es mariée à cette famille et je ne veux pas avoir affaire avec eux ».

Sont-ils capables de changer leur manière de penser ?
La famille à laquelle j’ai été intégré de force a greffé l’islam sur une tradition, sans forcément le pratiquer d’ailleurs. Les préceptes du Coran n’étaient pour eux qu’un prétexte. De toute manière, là-bas, ils ne font que reproduire indéfiniment les mêmes schémas. Les parents éduquent comme ils ont eux-mêmes été éduqués, les violeurs sont d’anciens violés… Bref, ils n’ont pas d’autre modèle d’éducation. Cela étant, ce que j’ai vécu est exceptionnel et n’est pas le quotidien de toutes les femmes de Kabylie. Il ne s’agit pas de s’en prendre à une religion ou à un pays en particulier. L’inceste, la pédophilie ou les violences contre les femmes sont des faits qui ont cours partout dans le monde.

En plus de l’écriture, vous avez une autre passion : la peinture…
Oui, je peins depuis toute petite. Après une pause – contrainte – pendant ma captivité, je m’y suis mise à nouveau, ce qui m’a permis d’éliminer la haine que je portais. Aujourd’hui, il s’agit de l’une de mes principales activités : j’expose et vends mes œuvres, toutes inspirées de mon histoire.

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