La première partie est une manière de journal où l’auteur enchaîne de navrants et saisissants souvenirs malgaches (l’ethnologue apparaît discrètement) et tranches d’actualité hautement symboliques. La deuxième est une longue réflexion sur l’Algérie française et le combat de l’OAS, sur ce qui aurait pu advenir si… Si les rebelles avaient proclamé une République algérienne, par exemple, coupant court aux manœuvres de De Gaulle et profitant de la guerre gagée contre le FLN. Si les administrateurs francs-maçons n’avaient pas favorisé l’islam jusqu’à islamiser le Sénégal pour le pur plaisir d’emm… les missionnaires catholiques. Si De Gaulle (que l’auteur lamine à plaisir et à juste titre) avait un tant soit peu eu le souci de la France et l’once d’une véritable pensée géopolitique, au lieu d’être acharné à détruire ce qu’il ne comprenait pas et à rejeter toute idée de “Communauté française”. La lecture de cette partie, très nourrie en notes et informations précises, et parsemée de très brefs rappels des horreurs de l’indépendance, est une source continuelle d’interrogations fructueuses. Elle débouche sur quelques pages qui traitent de l’actualité récente, Israël et l’Arménie, entre autres, avec la stupéfaction de celui qui voit l’histoire se reproduire. La dernière partie, Femmes d’Oran, décontenance : entre fines notations sur la féminité, portraits rapides de femmes de toutes sortes et récits assez discrets de mœurs libres, on sent que l’auteur veut nous montrer qu’il est affranchi, sensible et intelligent : les deux autres parties sont plus convaincantes sous ce rapport. Mais cette Situation, avec l’esprit de résistance qu’elle propose, mérite d’être lue.

Francis Gandon, Situation de l’armée secrète. Les Provinciales, 2024, 172 p., 18 €