Civilisation
De nouveaux types de dictature qui attestent le retour de la prévalence de la Realpolitik
Le caractère révolu des dictatures fascistes et communistes.
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Christopher Gérard a tout lu mais surtout il a bien lu. Il a lu les auteurs qu’on connaît et ceux qu’on aurait dû connaître, les auteurs oubliés et ceux qui doivent être découverts, les poètes et les romanciers, les mémorialistes et les essayistes – sans jamais sacrifier à la mode car l’idée d’être contemporain ne l’a jamais effleuré.
Il lit et rassemble ici, dans une galerie d’écrivains, ceux dont la compagnie lui plaît, nobles voyageurs avec qui il chemine de concert. Il écoute sonner la langue. Si ça sonne juste, c’est beau, et alors sans doute vrai, la sûreté du goût mène à la morale. La méthode n’est pas si simple. Elle exige une langue admirable, le refus de la laideur, la capacité métaphysique – bref, d’être en retrait, ce qui ne signifie pas être seul. Ce journal de lectures est l’occasion de convoquer autour de l’auteur tous les éveilleurs qui l’ont enchanté, tous ceux qu’il a reconnus pour tels, contre-modernes, réfractaires (quand il dit « clandestin », on sent que c’est l’éloge ultime, le chevalier doit mener seul sa quête), dandys ascétiques et cultivés, vénérant la langue. Mais l’auteur ne réduit pas la compagnie à un seul type d’auteur : les aphorismes de Barsacq côtoient les envolées de Juan Asensio, ce qui prouve la largeur de vue de Christopher Gérard qui, dans ses notices qui tiennent à la fois de la courte biographie, de la recension rapide et de l’essai distillé (il excelle à donner son avis sur un livre tout en caractérisant le style de l’écrivain et, racontant une intrigue, il dresse le portrait de son auteur), a plus de retenue que le furieux bernanosien. Il lui arrive de laisser courir longuement sa plume, sur Gabriel Matzneff, à qui il consacre un petit essai, ou, plus surprenant, sur Jérôme Leroy. On sent que l’amitié a sa part dans le sacerdoce littéraire et que rencontres, promenades communes et lentes dérives dans les villes et les livres ont rapproché des sensibilités, forgé de petites chaînes à l’intérieur de cette grande “bande à part” qui avance en ordre dispersé dans les siècles, Épicure flanquant Bernard de Fallois, Makine, Maeterlinck, et Venner, Verhaeren. Il est évident que ces lectures sont de droite, non pas tant que les auteurs lus le soient (et d’ailleurs, de quelle droite parlerions-nous) ; mais ce goût sans cesse en alerte pour le refus du contemporain facile en même temps que cette exigence d’être dans son temps à défaut d’être de ce temps signalent la vigie attentive à ne rien laisser perdre quels que soient les efforts des mauvais littérateurs. Vous aimerez vous aventurer dans la forêt dressée par Christopher Gérard, car ses halliers recèlent des merveilles.