Les discours du pape François et les théories de ses frères jésuites laissent songeur. Rien de tel que de lire une bonne biographie de saint Ignace pour se convaincre que la Compagnie de Jésus et son premier supérieur général roulent sur des routes différentes.
L’un des grands mérites de son auteur est de ne pas donner dans l’hagiographie : Ignace est remarquable, il n’en rajoute pas et s’attache, bien au contraire, à replacer le futur saint dans son siècle, dans l’univers intellectuel et ecclésial de l’époque, dans l’université et dans les débats mystiques. C’est à une lente éclosion que nous assistons, Ignace étant prudent, et son parcours spirituel en est, en fait, d’autant plus remarquable qu’il paraît vraiment exemplaire : on peut toujours attendre d’être illuminé et expliquer qu’on n’a rien bouleversé, pas même sa vie, faute d’une apparition, c’est plus difficile de justifier sa tiédeur une fois ses pas mis dans ceux du Basque, car il nous appartient alors de découvrir la volonté de Dieu, de discerner, sans attendre béatement le coup de projecteur mystique. Mine de rien, cette biographie documentée, rapide, précise, liant sans cesse son sujet à l’histoire de l’Église, se transforme en un discret traité spirituel.
Abbé Hervé Benoit, Maître Ignace, un cœur chaste et violent. Via Romana, 2023, 238 p., 20 €