Monde
« Nos dirigeants actuels invoquent souvent la révolution »
Un entretien avec Ludovic Greiling. Propos recueillis par courriel par Philippe Mesnard
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
En ce mois de janvier 2024, je ne peux manquer à la tradition de présenter mes vœux de belle et sainte année aux lecteurs de Politique magazine. Durant ces quelques années de chroniques, un lien particulier a été forgé entre ce journal et les équipes de SOS chrétiens d’Orient. Pourquoi me persécutes-tu ?, paru à la fin du printemps de l’année 2023, est né de ces rendez-vous mensuels. Qui sait, d’autres ouvrages suivront peut-être.
C’est avec force tremblements que notre association envisage l’année 2024. La cohorte épouvantable des morts palestiniens comme le souvenir terrifiant de l’assaut du Hamas le 7 octobre dernier hanteront pour longtemps le destin de la région. Si l’activisme de la diplomatie américaine a certainement évité un embrasement régional historique, les jours s’égrènent avec les morts, les cadavres s’empilent sur les cadavres, et la spirale de l’horreur suit son interminable cours. Tout se passe comme si le Proche-Orient réglait l’addition d’abdications accumulées, les unes trahissant les accords d’Oslo et toutes les résolutions de l’Organisation des Nations Unies, les autres oubliant l’impératif pour les États d’annihiler l’emprise de l’anarcho-islamisme des Frères musulmans et de leurs disciples.
Importé sur notre sol, le conflit de Terre Sainte génère des positionnements insupportables. Certains sont convertis à la cause palestinienne par cynisme électoral, quand les autres abandonnent la raison pour embrasser les positions israéliennes les plus fanatiques au nom d’un patriotisme français bien mal servi. L’esprit de justice et d’équanimité est devenu aussi rare que la pratique catholique dans notre cher pays.
Ainsi, le 16 décembre dernier, au cœur de la paroisse de la Sainte Famille à Gaza, deux femmes, une mère et sa fille, ont été assassinées par un sniper de Tsahal. Plus tôt dans la journée, des roquettes de l’armée israélienne ont touché le couvent des Missionnaires de la Charité. Aucune loi des nécessités ne peut justifier les victimes civiles palestiniennes du conflit, encore moins quand elles sont réfugiées dans des paroisses ou qu’elles gisent sur les lits d’hôpitaux pour personnes handicapées. La loi du talion n’est pas la nôtre et le monde conservateur qui peine à exprimer une solidarité industrieuse avec les chrétiens de Terre Sainte et tous les innocents qui y meurent sera comptable de sa couardise.
Il y a d’ailleurs deux couardises coalisées devant ce conflit. Le premier vient d’une terreur sociale devant l’expression de toute fermeté à l’égard du gouvernement israélien. Bien sûr, le souvenir encore douloureux des travers antisémites d’une partie de la droite française y joue un rôle. Mais il n’y a pas que cela. Il existe aussi un rétrécissement aberrant de la liberté de l’esprit à l’égard des actions de Benjamin Netanyahou et de son gouvernement. Que personne n’ose dire à droite qu’une parole comme « Les Juifs ne seront jamais des colons en Judée-Samarie » (Meyer Habib, député LR) n’est pas la négation de tout avenir équilibré et pacifié au niveau régional, et la porte ouverte à l’accusation constante de double discours faite par le monde arabe à l’encontre des nations européennes est tristement révélatrice d’un appauvrissement des analyses internationales dans le monde conservateur.
L’autre couardise est plus insidieuse. Tous les jours, SOS chrétiens d’Orient subit un harcèlement permanent nous accusant de ne pas parler des victimes palestiniennes. Nous l’avons pourtant fait, et continuerons à le faire, sans jamais craindre d’être vilipendé pour cela. Il est néanmoins insupportable de lire quotidiennement un charabia brutal, issu de Français de fraîche date, soudainement intéressés au sort des chrétiens, recrutés comme dhimmis de l’importation hexagonale des guerres du Levant. Savoir dire à ces gens-là aussi qu’ils sont ignobles et qu’ils jouent d’une guerre dont ils ignorent les horreurs pour soigner leurs frustrations métropolitaines est plus que jamais nécessaire. Mais combien osent le faire ? Le monde n’a pas besoin de la France couarde. Il nous veut forts et clairs. Voilà notre résolution pour l’année 2024.