Recevez la lettre mensuelle de Politique Magazine

Fermer
Facebook Twitter Youtube

Article consultable sur https://politiquemagazine.fr

Une écologie politique pervertie et rendue folle par sa dérive idéologique

La gauche s’est emparée de l’écologie par opportunisme électoral au point de l’amener à embrasser les causes les plus stupides et à abandonner le véritable combat environnemental. L’écologie mérite mieux que des combats vains pour l’avènement d’une société totalitaire…

Facebook Twitter Email Imprimer

Une écologie politique pervertie et rendue folle par sa dérive idéologique

L’écologie et la cause de la défense des animaux ont continûment progressé dans l’opinion publique et le débat politique depuis près de quarante ans. La chose ne semblait pourtant pas aller de soi au départ. À l’esprit du plus grand nombre, ces sujets ne présentaient pas le caractère sérieux et prioritaire de l’examen de la situation économique du pays, des conditions de vie et de travail, des rémunérations, des retraites et de la protection sociale. Ce qui est regrettable, c’est de savoir que l’irruption de l’écologisme sur la scène politique, à partir de 1974, n’a pas tant découlé d’une prise de conscience du caractère sérieux et préoccupant des problèmes environnementaux que du besoin de ceux qui en étaient à l’origine de se construire un idéal de substitution à celui qu’ils avaient défendu naguère, mais auquel ils ne croyaient plus désormais, l’évolution de notre société en ayant démontré la vanité. Les plus militants d’entre eux venaient en effet de l’extrême gauche marxiste ou anarchiste. Si René Dumont, candidat à l’élection présidentielle de 1974, était un agronome et un écologiste scientifique reconnu et sans grand antécédent militant, ceux qui, à sa suite, fondèrent, en novembre de la même année, le Mouvement écologique avaient souvent appartenu à des mouvements gauchistes ou d’extrême gauche libertaire, trotskyste, maoïste, ou classiquement communiste, et voyaient dans l’écologisme naissant un succédané à leurs engagements précédents, lesquels les avaient déçus pour diverses raisons.

Le choix par les Verts d’une société stationnaire adossée à une éthique et un mode de vie gauchistes

Quoique minoritaires au sein du parti écologiste auquel ils appartenaient (Les Verts, à partir de 1984), ils y apportaient leur sens de la stratégie politique et leur expérience de la pratique militante, ce qui leur assurait une prévalence sur les autres adhérents, écologistes scientifiques ou protecteurs de la nature, plutôt novices en ces domaines. Cet avantage, combiné aux complicités et connivences qu’ils trouvaient dans les médias (notamment dans le mensuel Actuel) et dans un PS qui, depuis 1984, s’était converti à l’économie de marché et à un néo-libéralisme mâtiné d’ouverture à l’écologie et aux courants sociétaux tels que le féminisme, la défense des minorités LGBT, la lutte contre le racisme, tout cela accroché aux « valeurs de la République », ancrage historique et mémoriel indispensable, leur permit de s’emparer de la direction des Verts en novembre 1995. Ayant, dès lors, renoncé à l’écologisme puriste d’Antoine Waechter et au refus de choisir entre la gauche et la droite, les Verts, pour parfaire leur entente avec le PS et donner une coloration plus « branchée » à leur projet, évoluèrent eux aussi en direction du sociétal, et se mirent à soutenir le féminisme extrémiste, les droits des homosexuels, les droits à l’avortement, à la PMA et à la GPA, la contre-culture, la libéralisation des drogues « douces ». Le PS et Les Verts convergeaient dans le projet d’édification d’une société post-consumériste, attentive aux questions environnementales, assise sur une croissance ralentie, libérale dans tous les domaines, sauf celui de l’écologie, et acceptant toutes les nouveautés sociétales et autres des trente dernières années du XXe siècle, puis du premier quart du XXIe. Une société en proie à une crise généralisée à laquelle les politiques ne trouvent aucun remède, économiquement régressive, ouverte sans limites à toutes les dérives sociétales, et écologiquement dogmatique et inquisitoriale. Une société du renoncement et du déclin sur fond de prétendue liberté de mœurs, de jeunisme et de « valeurs de la République », encore une fois.

Ce renoncement fataliste quant à la résolution des grands problèmes du pays et de ceux, très concrets, des citoyens, et conséquemment, cette fuite en avant dans un idéal politique et social frelaté fait d’une résignation hypocritement travestie en attitude « responsable » ou « citoyenne » et mal dissimulée par une morale frelatée prétendument libérale et évoluée, a mené l’écologisme vers les travers les plus délirants.

Les dérives contagieuses du végétarisme
et de l’antispécisme

Et cela explique la montée, chez les écologistes, puis dans l’opinion publique, du végétarisme et de l’antispécisme. Ces deux courants étaient très minoritaires au sein de la population française jusqu’à la fin de la première décennie de ce siècle, et le second était même quasiment inconnu de nos compatriotes, le terme même d’antispécisme étant pour eux une énigme. De plus, la grande majorité des écologistes n’étaient pas végétariens, et encore moins animalistes et antispécistes. Les deux combats de l’écologisme et de l’antispécisme étaient distincts. Dans le petit livre collectif intitulé Luc Ferry ou le rétablissement de l’ordre (2002), Yves Bonnardel, militant actif de l’antispécisme, distingue expressément, et avec une insistance quelque peu agressive, ce dernier de l’écologisme dont il redoute les dérives vers une déification de la nature, voire une forme de panthéisme naturaliste et anthropomorphique. Au fil des années, la situation a complètement changé. Désormais, nombre d’écologistes ont opté pour une alimentation végétarienne, voire vegan (tels Marine Tondelier, actuelle porte-parole d’EELV), sont devenus des champions de la cause animale, et se sont même convertis à l’antispécisme. Naguère distincts et séparés par une méfiance réciproque, l’écologisme et l’antispécisme voguent de concert aujourd’hui. Mieux, ils rencontrent des sympathies affirmées dans les partis politiques opposés au leur : rappelons ici qu’en novembre 2022, le député LFI (donc non EELV) Aymeric Caron, vegan et antispéciste avoué, fut ouvertement soutenu, à l’Assemblée nationale, par Sylvain Maillard, vice-président du groupe Renaissance, et un bon nombre de députés macronistes, lorsqu’il présenta sa proposition de loi visant l’abolition de la corrida dans notre pays. L’opinion publique elle-même subit leur influence. Bien des gens, de nos jours, inclinent à admettre le bien-fondé éthique de l’antispécisme, donc le caractère criminel de l’abattage des bêtes de boucherie et de la consommation de toute chair animale, et optent en faveur d’un régime alimentaire végétarien ou vegan. Et ils se sentent confortés, en cela, par les problèmes de la pollution et du climat dont la résolution, selon certains, passe, entre bien d’autres mesures, par la réduction drastique de la consommation d’aliments de nature animale.

Un écologisme vegan et inclinant à l’antispécisme gagne ainsi les esprits au sein de la classe politique et de la population elle-même. Elle reste encore minoritaire, mais elle semble servie par la morale courante (la souffrance et la mise à mort des animaux apitoient facilement) et le caractère préoccupant de la situation environnementale et climatique actuelle. Ses adversaires ne savent que lui opposer des objections qui n’emportent pas la conviction, tant au plan moral qu’au niveau intellectuel. Ils défendent l’art de vivre à la française, les plaisirs de la table, la gastronomie, les traditions régionales ou nationales (culinaires, cynégétiques ou autres), et aussi la nécessité des expériences médicales sur les animaux. Au final, c’est un singulier écologisme qui prévaut. Un écologisme idéologique qui œuvre en faveur de l’avènement d’un monde aseptisé, vegan, antispéciste, stationnaire voire régressif, à bas niveau de vie, consacrant toutes les nouveautés sociales et toutes les « différences », et imposant, de manière peu ou prou tracassière, un parfait conformisme intellectuel, moral et politique. Bref, un Brave New World contrôlé par une manière de Big Brother. Et dont l’efficacité écologique reste à prouver. Doutons de sauver la planète en plongeant l’humanité dans le sous-développement.

Le danger tyrannique d’une écologie politique pervertie par sa dérive idéologique

Faute de comprendre et de pouvoir résoudre les problèmes environnementaux, et ayant fait le choix politique de s’allier avec une gauche (celle du PS surtout) convertie à un néolibéralisme moderne plus sensible au sociétal qu’au social, les écologistes, au lieu de chercher à amender le monde, se sont lancés à corps perdu dans la volonté d’édifier une utopie cauchemardesque et totalitaire. Ils vont toujours plus loin dans l’édification du monde de leurs rêves. Ainsi, plutôt que de chercher à promouvoir une politique de protection de l’environnement compatible avec l’économie de marché (ce qui, reconnaissons-le, était difficile, mais possible malgré tout), ils ont préféré bâtir une société de pénurie assumée voire organisée, de restrictions et de contraintes, et pousser jusqu’à leur dernière extrémité le respect de l’environnement, de la nature et de la gent animale de toutes espèces. Incapables de comprendre (et de vouloir comprendre) que l’application de principes jusqu’à leur dernière extrémité, au nom de la logique de l’idéologie, mène à des conséquences aussi fatales et perverses que tyranniques et mortifères.

Les contradictions d’une logique extrémiste
du respect de la nature révèlent le caractère insensé d’un écologisme intégriste

Et aussi, à des contradictions impossibles à assumer. Telle celle posée par la question de la vie végétale. Depuis déjà quelques années, une question taraude les esprits curieux de la nature et de sensibilité écologique et animaliste : et si les végétaux, eux aussi, dont nul ne conteste le caractère d’êtres vivants, étaient doués de sensibilité, d’une aptitude à communiquer, voire même d’une forme d’instinct ou d’intelligence ? Émoi chez les végétariens, les vegans, les antispécistes et maints écologistes. Car, de cette question, découlent d’autres : leur vie ne mériterait-elle pas, dès lors, le respect que d’aucuns accordent sans balancer aux animaux ? Et ne faudrait-il pas s’interdire de les consommer ? Oui, mais alors, de quoi nous nourrirons-nous ? De produits végétaux artificiels, comme il existe déjà de la viande fabriquée in vitro (un régal, on peut en être sûr, au seul regard) ? Ou sinon, si on continue à se nourrir de plantes, ces êtres vivants, pourquoi ne pas aussi continuer à consommer de la chair animale ? Il n’y a pas de raison de s’imposer un régime sans viande, ni poissons, ni crustacés ou autres fruits de mer. La justification morale du végétarisme et du veganisme se trouve, par là même, relativisée ; et l’antispécisme devrait être étendu, logiquement, aux végétaux. Les antispécistes distinguent des « animaux humains » (notre espèce, donc) et des animaux non-humains, soient les animaux au sens courant du terme. Ils devraient, dès lors, distinguer plutôt des « êtres vivants humains » et des « êtres vivants non-humains », lesquels se subdiviseraient en animaux et en végétaux. Qui ne perçoit le caractère insolite, incongru et cocasse, voire absurde, d’une telle classification ? Alfred Jarry n’est pas loin.

La nécessité d’un retour au réel et au bon sens

Par cette extrapolation sur la question de la vie végétale, nous voulons simplement montrer que l’écologie politique s’égare et se pervertit en s’abandonnant à une dérive idéologique extrémiste et antispéciste, et qu’il est temps qu’elle fasse un retour sur elle-même. L’écologie politique n’est pas et ne doit pas devenir une idéologie. Et elle ne doit pas tenir lieu d’alibi, de justification et de préparation morale à une société de régression régie par une éthique et une politique totalitaires.

En octobre 1991, le magazine Actuel, mensuel post soixante-huitard reconverti dans le néolibéralisme branché, libertaire, hédoniste, européen à tous crins, et ouvert à la contre-culture et à toutes les innovations sociétales du dernier tiers du XXe siècle, vouait aux gémonies l’intégrisme écologiste de ceux qu’il appelait les « Khmers verts », dans un article intitulé « Les écolos fachos » (avec pour sous-titre : « Attention ! Les Khmers verts sont en France »), brûlot qui visait à provoquer, au sein des Verts, une crise devant aboutir à l’éviction de la direction écologiste « puriste » groupée autour d’Antoine Waechter et à son remplacement par l’aile gauche du parti, favorable à une gauchisation du mouvement et à une alliance avec le PS, ce qui se produisit. Et ce qui amena la fuite en avant des écologistes dans le social-libéralisme et le sociétal. Aujourd’hui, il serait temps, pour l’écologie politique, d’en finir avec cette orientation délétère, totalitarisante, suicidaire pour l’économie et la société, et d’une efficacité plus que douteuse en matière environnementale, et de renouer avec une politique réaliste, raisonnable et pragmatique tendant à la préservation de la nature et du climat dans l’intérêt de l’homme, autrement dit compatible avec une bonne santé économique et des conditions de vie décentes, et non spartiates et impitoyablement réglementées.

 

Illustration : « La consommation de viande est une des causes de ce qui se passe en Algérie, Espagne, Grèce, Chine, Arizona et partout. Se prendre en photo, tout sourire, avec un morceau de viande, aujourd’hui, c’est cracher à la figure de celles et ceux qui fuient, brûlent, meurent de chaleur. » Sandrine Rousseau,
25 juillet 2023.

Facebook Twitter Email Imprimer

Abonnez-vous Abonnement Faire un don

Articles liés