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L’agonie du Haut-Karabagh

Rien n’est épargné aux habitants de l’Artsakh. À l’heure où j’écris ces lignes, le 26 septembre au soir, déjà plus de 28 000 ont rejoint l’Arménie pour fuir l’armée azérie.

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L’agonie du Haut-Karabagh

Ceux qu’on appelait autrefois les Tatars du Caucase ont mené une guerre revancharde, soutenue par leurs parrains turcs, et équipés notamment d’une pléthore d’armes qui n’auraient pas dû atterrir entre leurs mains, à l’image de drones israéliens. L’Occident pleure à grosses larmes sur l’exil historique de familles chassées de leurs terres, de leurs villages et de leurs monastères. Déjà, le cœur lourd, ils laissent les reporters capturer la dévastation de leur village, si voisine de celle qu’ils redoutent pour leur patrimoine. C’est l’exode au XXIe siècle, à grands fracas de commisérations policées à l’Ouest. Les uns, obscènes, utilisent la séquence pour acculer Moscou, les autres, plus réalistes, se souviennent de l’époque du groupe de Minsk, où Paris, Washington et le Kremlin se réunissaient pour parrainer la paix dans l’enclave arménienne. La guerre en Ukraine et ses fanatismes sont passés par là. Tout le monde veut être un acteur, et Erevan, certainement, aura trop cru aux fumeuses promesses d’une protection occidentale dont le précédent géorgien aurait dû lui apprendre qu’elle ne viendrait pas.

Il reste ces visages. Ceux des pauvres habitants de l’Artsakh, déjà affligés par un terrible blocus, lié à la fermeture du corridor de Latchine, pendant les mois qui précédèrent l’offensive, coupant les habitants arméniens de cette région disputée du lien avec leur mère Arménie. L’indignité poursuit ses effets pendant ce temps. La Commission européenne annonçait le 26 septembre une « augmentation drastique » de son aide humanitaire pour les presque 120 000 personnes qui fuiront la zone. Bruxelles promet 5 millions d’euros. C’est moins de la moitié du budget annuel de SOS chrétiens d’Orient. Et bien peu pour une institution qui n’a cessé, depuis le renouvèlement du conflit, de laisser faire Bakou, tout en adressant quelques embrassades polies à Erevan. Car dans le même temps, l’UE érigeait Bakou en partenaire fiable, louant son rôle actif dans la politique dite de Partenariat Oriental de la commission européenne. Cinq petits millions n’effaceront pas ça.

Des reconnaissances territoriales légales et parfaitement illégitimes

Au cœur de cet abandon, nul ne peut ignorer la splendide hypocrisie du moment au sujet des anciennes républiques soviétiques : peut on soutenir à la fois le droit des peuples à l’autodétermination, l’intégrité des frontières et les réalités historiques, comme celle de l’adjonction aberrante du Karabagh à l’Azerbaïdjan en 1920 contre toute réalité ethnico-religieuse ? Certainement pas. Il est des parts du droit international et des reconnaissances territoriales qui sont légales et parfaitement illégitimes. Les Arméniens d’Artsakh sont aussi les victimes de cet aveuglement, propice aux envolées grandiloquentes plutôt qu’aux avancée pratiques. Bakou ne s’en est pas embarrassé, préférant le vacarme des armes à celui des grands discours.

En attendant, les populations arméniennes vivent dans l’angoisse du génocide et de la précarité, eux qui rejoignent une Arménie où plus de 30 % de la population vit déjà sous le seuil de pauvreté. On continuera à se goinfrer en France pour afficher un soutien fugace et électoral à Erevan, sans jamais rappeler les faits les plus crus : le lexique bravache de la présidence de la République masque mal la cruauté de son bilan. Erdogan, membre de l’OTAN, se pavane pour se réjouir du malheur des Arméniens, le Conseil européen et la Commission européenne ont redoublé de duplicité, et la France n’a rien pu y faire.

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