Alain Juppé piégé dans sa propre ville, conspué par des militants sarkozystes venus de toute l’Aquitaine. L’incident laissera des traces. La guerre pour la primaire de 2016 est déclarée à droite. Elle tourne à la confrontation publique entre deux hommes qui partagent la même ambition : l’élysée en 2017. Chouchou des sondages, l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac complaît aux médias qui font sa campagne auprès de l’opinion : favorable à un rapprochement avec les formations du centre, social-démocrate bon teint, il apparaît, sur à peu près tous les sujets, conforme à la doxa du politiquement correct. De son côté, l’ancien président de la République a les faveurs des militants qui réclament une droite forte, décomplexée, sûre de ses valeurs. Le premier veut une primaire ouverte à tous les sympathisants de la droite et du centre. Le second, qui tient l’appareil et espère en faire l’outil de sa reconquête du pouvoir, entend le mettre au service de sa réussite. D’où sa volonté de changer le nom du mouvement, ce qui permettrait également d’en changer les statuts… Position d’équilibriste !
A l’UMP, les couteaux sont tirés et la rupture semble inéluctable. Rupture, d’abord, entre les responsables du mouvement que la perspective des primaires rend fous. On voit mal, en effet, comment pourraient cohabiter longtemps, au sein d’un même parti, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon, Nathalie Kosciusko-Morizet ou Bruno Le Maire qui, lui aussi, a essuyé les sifflets des membres de Sens commun sur la question de la loi Taubira et du mariage homosexuel. Rupture, ensuite, avec les militants. Le hourvari déclenché par les propos d’Alain Juppé, sous le regard impassible de son adversaire, traduit une exaspération à la mesure des haines qui animent les dirigeants et que révèle le pitoyable spectacle de leurs querelles d’ego.
Où cela finira-t-il ? La droite, nous dit-on, a toujours surmonté ses dissensions internes. Elle a su gagner, dans le passé, malgré ses conflits de personnes. Souvenez-vous : Giscard, Balladur, Chirac ! L’intérêt électoral commun prévalait. Mais c’était avant la montée en puissance du Front national, premier parti de France aux dernières élections européennes. C’est à lire dans le dossier de Politique magazine : à deux ans de l’échéance présidentielle, tous les signaux sont au vert pour le mouvement de Marine Le Pen. Tranquillement reconduite à la tête de son parti, la présidente du Front national, candidate naturelle de son camp, croit en ses chances. Sur l’échiquier politique, elle avance dans un champ de ruines. La droite est défaite et divisée, au bord de l’implosion ; le pouvoir socialiste, discrédité, est rejeté par ses électeurs ; la gauche de la gauche, que le FN concurrence sur le terrain social, n’a jamais réellement émergé.
Tant et si bien que les enquêtes d’opinion prédisent que le Front national est bien placé pour arriver en tête du premier tour en 2017. Dans cette hypothèse, si les rapports de forces politiques restent en l’état, Marine Le Pen sera l’un des deux finalistes du second tour. A l’UMP, comme au PS, chacun rêve d’en être l’autre protagoniste. Quitte à faire exploser sa formation politique… Mais sans penser un seul instant que rien ne permet aujourd’hui de dire qu’elle sera forcément battue. Et, alors, que se passe-t-il ?