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Du temps de Tukumlti-Ninurta 1er

« Au mois de Dumuzi, un loup était couché dans le quartier de la rive ouest de l’Euphrate et on le tua. Au mois d’Ab, des médecins virent un blaireau à la porte d’Uras, devant la porte de l’administrateur du temple. Au mois de Tesrit, le 25e jour, une panthère vivante dériva sur le fleuve, derrière l’Égidri-kalama-sumu, on la tua et la hissa sur terre pour l’emporter. »

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Du temps de Tukumlti-Ninurta 1er

Ainsi parle la chronique religieuse rédigée en babylonien, quand régnait Simbar-Sipak. Ces chroniques mésopotamiennes, fragmentaires, où fulgure parfois une beauté au milieu d’énumérations fastidieuses et sacrées, ont un parfum biblique mais ne se laissent pas réduire aux épisodes que nous connaissons. Les noms des rois roulent des sonorités rocailleuses (Téglath-phalasar, Éa-gamil…), les scribes décrivent les règnes, les dynastes s’enchaînent et tout tend vers l’affirmation d’une double continuité, entre les dieux et les hommes et d’un roi à l’autre : la royauté se transmet, les scribes veillant à la couture d’un règne à l’autre et à la manière dont la puissance royale s’étend sur les villes conquises : « Ur fut défaite à la guerre. Sa royauté fut portée à Kis. […] Kis fut défaite à la guerre. Sa royauté fut portée à Hamazi. » Puis, Hamazi défaite à Uruk, et jusqu’à Mari, où régnait Anubu, et six rois régnèrent 136 ans avant que la royauté de Mari ne soit portée à Kis. Si les chroniques peuvent parfois être ardues à lire (car leur éditeur fait œuvre de savant, ne reconstitue pas ce qui manque, et les tablettes d’argiles sont fragiles), l’essai qui précède cette moisson de textes est d’abord un précis d’historiographie mésopotamienne (et, comme à chaque fois que le lecteur découvre une discipline méconnue, il est émerveillé par la science lentement accumulée et l’ingéniosité de ceux qui explorent les traces ténues de ces passés). L’auteur éclaire aussi les intentions de leurs auteurs, fait saisir l’importance de cycles terrestres ajustés aux célestes, d’une histoire exemplaire au sens où le passé doit sans cesse éclairer le présent, et le présent se référer sans cesse au passé. On peut alors se laisser prendre au charme étrange, qui n’est pas immédiat, de ces listes et de ces rares aventures : « Fais-toi construire une baraque de branchages, une maison du feu et de l’incendie. Entasse bitume, résine et parfums d’Arabie. Fais entrer tes fils, tes filles et tes médecins, qui t’ont fait agir avec arrogance. Quand tu verras un éclair au-dessus de toi, le feu te brûlera vif, en même temps que tes fils, tes filles et tes médecins qui t’ont fait agir avec arrogance. »

 

Chroniques mésopotamiennes, présentées et traduites par Jean-Jacques Glassner. Les Belles Lettres, 2023, 448 p., 29,90 €

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