Recevez la lettre mensuelle de Politique Magazine

Fermer
Facebook Twitter Youtube

Article consultable sur https://politiquemagazine.fr

En marche vers la dictature

L’oriflamme de la Liberté sans cesse brandi cache la disparition des libertés. Valls déjà nous avait habitués à cette conception républicaine de la liberté qui consiste à opprimer les Français sous couvert de les protéger. Macron pousse loin l’exercice, mettant au pas le moindre manifestant et ne supportant pas que l’Assemblée puisse décider. L’extrême-centre est en train d’installer un autoritarisme inédit.

Facebook Twitter Email Imprimer

En marche vers la dictature

Nous assistons à l’avènement d’une dictature qui parachèvera celle, larvée, de la République. En cette dernière, les libertés sont toutes théoriques. Notre République ne connaît la liberté qu’au singulier, en majuscules et en majesté. Elle en grave le mot en capitales sur les frontons de tous ses édifices publics, fait d’elle un de ses principes fondateurs, la proclame dans sa constitution, mais elle la bafoue quotidiennement et en toutes circonstances. La vie du citoyen ordinaire est jalonnée d’interdictions, d’obligations, de prescriptions contraignantes, de réglementations et règlements, soit autant d’obstacles propres à rendre impossible l’usage de cette liberté si solennellement et perpétuellement proclamée. La révolution culturelle et sociétale qui se déroule depuis les trop fameuses sixties et seventies (et pas seulement en France) y a ajouté le jeunisme, la modernité tapageuse et tyrannique, le terrorisme intellectuel et moral, le politiquement correct et l’insinuation de la « pensée 68 », de l’individualisme débridé, de l’obsession révolutionnaire, de l’esprit systématique de contestation, avec le décapage de toutes les valeurs et traditions, et son corollaire, le relativisme moral. Néanmoins, subsistaient jusqu’à il y a peu quelques rares réduits de liberté, dans l’espace public, dans la presse, dans les livres et dans les médias ; nous disons bien « quelques rares réduits », car ils n’étaient ni nombreux, ni étendus, et ceux qui les animaient ne disposaient que de très pauvres moyens d’expression et d’audience. Pourtant, ces espaces existaient.

La destruction proclamée des libertés au nom de la morale politiquement correcte

Une nouvelle étape est actuellement sur le point d’être franchie, qui va parfaire l’œuvre de notre prétendue démocratie et en révéler sa véritable nature, totalitaire, en parfait accord, du reste, avec l’évolution générale du monde occidental depuis la fin du XXe siècle. La république française, jugée si souvent en porte-à-faux vis-à-vis de la démocratie occidentale en général, si souvent perçue en cela comme une exception, et comme ce qui la conteste en permanence, va se trouver, au bout du processus aujourd’hui en cours, en parfaite adéquation avec elle, au point de finir par apparaître comme son modèle le plus achevé.

Le trait le plus marquant de l’évolution présente est l’escamotage définitif de la liberté, déjà précédemment aussi malmenée que solennellement proclamée. Jusqu’à ces tous derniers temps, tout pouvoir bornait sa répression. Il respectait jusqu’à un certain point les libertés fondamentales de pensée, d’expression, de réunion et de manifestation, lors même qu’il souscrivait par ailleurs à tous les dogmes et tabous de la bien-pensance prétendument humaniste et universaliste. Tel n’est plus le cas aujourd’hui. Désormais, toute réunion publique, sous forme de conférences, de discussions et de comptes rendus écrits visant à contester les dogmes éthiques et politiques en vigueur est d’emblée frappée d’interdiction, comme le montre la mesure de la préfecture de police de Paris qui a interdit celle de l’institut Iliade ces dernières semaines. Immédiatement avant, d’autres manifestations nationalistes, pourtant pacifiques, ont été interdites au motif de possibles propos de « haine » (ah, ce mot chéri de la gauche et de tous les tenants du système pour fustiger leurs adversaires !), d’appel au racisme et autres formes de discrimination, tout cela contraire aux « valeurs de la République » et aux grands principes de notre constitution. Bien évidemment, tous les « démocrates » se réjouissent de ces mesures, lors même qu’elles émanent de Darmanin, que beaucoup d’entre eux n’aiment guère. Il ne vient pas à l’idée de ces fervents « républicains » qu’il s’agit là d’un début, et que d’autres interdictions suivront. Les menaces de trouble de l’ordre public pourront être invoquées à l’appui d’interdictions de manifestations de l’extrême gauche, donc de La France Insoumise (LFI), du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) et autres organisations : la dissolution des Soulèvement de la Terre étonne mais est logique. Il aura suffi d’invoquer la violence effective de certains manifestants de ces formations et la présence de casseurs parmi eux. Le pouvoir pourra aussi fonder ses mesures liberticides sur le caractère prétendument inadmissible de certaines actions de ces formations, comme le foulage aux pieds de la tête en plastique ou en caoutchouc d’Olivier Dussopt par les opposants à la réforme macronienne du régime des retraites.

Ce ne serait d’ailleurs pas vraiment un précédent. On se souvient, en effet, qu’en 2016, Manuel Valls, Premier ministre, avait pratiquement interdit une manifestation des opposants à la « Loi Travail » en en réduisant au maximum le trajet et la durée. Rappelons d’ailleurs qu’en 2013, le même Valls, alors ministre de l’Intérieur, avait voulu interdire la manifestation du « Printemps français », organisée par les opposants à l’institution du mariage homosexuel. Par ailleurs, quels reculs des libertés avons-nous connu au moment de l’épidémie de Covid 19 ! Un véritable régime d’exception fut alors institué, interdisant à tout citoyen de sortir de chez lui, sauf pour se rendre à son travail ou faire ses courses, et punissant les contrevenants d’amendes sévères, voire de peines de prison.

L’acceptation de l’abolition des libertés en raison des circonstances

Les circonstances étaient exceptionnelles, rétorquera-t-on. C’est oublier que l’instauration de toutes les dictatures procède de circonstances exceptionnelles qui la justifient aux yeux du plus grand nombre, et la font donc paraître comme normale, découlant de la sagesse et du simple bon sens. Et ce quelle que soit l’orientation de la dictature. Les Italiens se rallièrent à la dictature fasciste, au cours des étapes de son instauration (1922-1925), parce qu’elle leur semblait le seul recours contre le désordre, l’émeute et l’insurrection permanentes, l’impuissance des pouvoirs publics, et l’effondrement économique. Mussolini n’aurait jamais pu l’instituer et la faire accepter en des circonstances plus fastes, et s’il avait étayé son action sur ses simples préférences politiques. Des circonstances analogues ont permis à Hitler d’accéder à la chancellerie du Reich, puis d’asseoir sa propre dictature. En Russie, Lénine se concilia les masses paysannes grâce à ses slogans « La Paix » et « La terre à celui qui la travaille », en 1917. Entre 1945 et 1949, tous les Chinois se rangèrent peu à peu derrière Mao Zedong car ils voyaient en lui l’homme providentiel, même s’ils n’étaient pas tous communistes. Aujourd’hui, bien des Français, même hostiles à Emmanuel Macron et à ses réformes, voient en lui le seul homme politique doté de la trempe d’un homme d’État et capable de gouverner le pays, et perçoivent ses adversaires de gauche (LFI en particulier) et de droite (RN) comme incompétents, inaptes à l’exercice du pouvoir, et susceptibles d’aggraver sensiblement la situation de notre pays dans tous les domaines, à l’intérieur comme à l’étranger. Ainsi s’explique son élection de 2017 et, plus encore, sa réélection de 2022 face à une Marine Le Pen qui ne parvient décidément pas à convaincre de sa capacité à piloter le navire France sans le faire éventrer par des écueils. Les Français ont accepté sans trop de difficultés l’état d’exception et de suspension des libertés qui a marqué la période de la trop fameuse « crise sanitaire » pendant un an et demi environ. Ils ont fini par se résigner, la mort dans l’âme, à la réforme du régime des retraites et, du même coup, ont accepté, finalement sans se révolter ni trop s’émouvoir, la violation du principe démocratique (celui de la majorité) par un homme seul, Emmanuel Macron, qui a imposé sa volonté et ses décisions au mépris du vœu de l’immense majorité de la population (80 % estiment les instituts de sondages) et de la majorité des députés, représentants de la nation élus au suffrage universel direct. Il convient ici de rappeler que M. Macron n’a pu contourner cette double opposition que grâce au recours, par sa Première ministre, Élisabeth Borne, à l’article 49-3 (véritable pulsion de mort de la démocratie au sein de notre constitution) qui autorise légalement la suspension de l’application du principe fondamental de la démocratie, le principe majoritaire, et donc de la démocratie elle-même, dans son essence.

Nous assistons à l’institution progressive d’un régime autoritaire, voire personnel, en lequel les principes de la démocratie sont conservés, tandis que les pratiques de cette même démocratie ne subsistent que formellement, essentiellement sous la forme des élections. L’institution du quinquennat a réduit les élections législatives au rôle de confirmation de la présidentielle. L’Assemblée nationale n’est plus qu’une chambre d’enregistrement des décisions élyséennes, en cas de majorité absolue en faveur de l’exécutif ; et, dans le cas contraire, comme présentement, son éventuelle opposition est neutralisée – et ce le plus constitutionnellement du monde – comme nous venons de le rappeler.

Le peuple, et même ses députés, sont actuellement dépossédés de leur pouvoir de décider de la politique de la nation, laquelle n’est désormais plus que l’affaire du seul président de la République , dont, nous l’avons vu, le ministre de l’Intérieur et ses préfets peuvent interdire les manifestations hostiles à eux, parmi lesquelles celles de l’« extrême droite » ne sont que les premières ; celles de la gauche radicale et des syndicats suivront dans un délai plus court que beaucoup ne l’imaginent. Et nos compatriotes avaliseront cette évolution tyrannique.

Ils se sentiront obligés de le faire car les motifs avancés en faveur de leur soumission ne manqueront pas. La lutte contre la pollution des terres, des mers et des cours d’eaux, contre le réchauffement climatique, la sécheresse et autres calamités, les contraindront à accepter des restrictions, interdictions et réglementations de toutes sortes soutenues par une propagande permanente, ainsi qu’un net recul de leur niveau de vie et une sérieuse amputation de leur système de protection sociale et de leurs revenus, en raison de la situation économique qui ne s’améliorera pas, tout au contraire, dans les décennies à venir. Les politiques mises en œuvre seront toujours plus drastiques et autoritaires, et les oppositions, de gauche comme de droite, seront de moins en moins tolérées, et leurs manifestations interdites.

Un régime autoritaire inédit fondé sur le terrorisme moral et intellectuel

Cela ne signifie pas, cependant que le pouvoir évoluera vers une forme de fascisme ou de communisme tyrannique fondé sur la pénurie ou l’oppression policière (comme ce fut les cas, naguère en URSS et dans les anciennes républiques « populaires » d’Europe de l’Est). Le pouvoir ne cessera pas de se vouloir et de se prétendre « républicain » et démocratique. Il maintiendra, consacrera et, parfois, gravera dans le marbre constitutionnel tous les acquis sociétaux du dernier tiers du XXe siècle et du premier quart du XXIe , élèvera en droit imprescriptible et sacré, après l’IVG, la PMA et bientôt la GPA, défendra bec et ongles les causes des minorités LGBTQIA+, criminalisera leurs adversaires réels ou supposés, encensera les formes les plus grossières et les plus délétères de la « culture » et de la « contre-culture », et continuera à promouvoir l’hédonisme en le faisant rentrer dans les cadres du politiquement correct et de l’écologisme (ce qui amènera peut-être la disparition des sapins et des crèches de Noël, des concours de beauté féminin et, qui sait ? du Tour de France). Rectifiée suivant les nécessités (ou prétendues telles) du temps, ou « déconstruite » façon Sandrine Rousseau, la société de consommation surgie durant les sixties et les seventies deviendra végane, écolo-responsable, écolo-citoyenne, et conjuguera avec bonheur (?) individualisme hédoniste et conformisme éthique et politique, civilisation des loisirs (de masse, bien entendu, et de plus en plus nuls) et mode de vie spartiate. Le monde qui s’annonce mêlera de manière aussi originale qu’imprévue, les caractères de l’univers de Big Brother et ceux de Brave New World. Voilà une perspective bien réjouissante, en vérité. Peut-être est-ce le « nouveau monde » cher à notre président. Une seule certitude : nous vivons les derniers jours de la démocratie libérale fondée sur le pluralisme et l’alternance et le caractère décisif du suffrage universel.

Vers un nouveau front républicain, lui aussi inédit

Il reste à se demander quelles « forces » politiques instaureront cette dictature aussi larvée et hypocrite qu’implacable. La réponse est prévisible : nous assisterons bientôt à une alliance entre Renaissance (et ses satellites, Horizons, MoDem et autres centristes), Les Républicains et le Parti socialiste alors dégagé de la NUPES. Rien de fondamental ne sépare, au niveau de la vision du monde et de la société, ces trois forces politiques qui, par ailleurs, se verront contraintes à l’union si elles veulent éviter le raz-de-marée des oppositions de gauche et de droite en 2027 et constitueront une sorte de « Front républicain » combattant à la fois la gauche radicale (LFI, parti communiste, EELV) et le Rassemblement national. Unies, elles peuvent l’emporter, les Français hésitant à porter la NUPES (avec LFI, le PCF et les Verts) ou le RN au pouvoir.

 

Illustration : Les forces de l’ordre républicain prêtes à faire face aux hordes déchaînées des extrémistes, armés de haines et de casseroles.

Facebook Twitter Email Imprimer

Abonnez-vous Abonnement Faire un don

Articles liés