Monde
« Nos dirigeants actuels invoquent souvent la révolution »
Un entretien avec Ludovic Greiling. Propos recueillis par courriel par Philippe Mesnard
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
À Solesmes, le 27 mai, à Saint-Jean-de-la-Motte, le 1er juin, et à Saint-Vincent-du-Lorouër, le 6 juin, des distributeurs automatiques de rillettes ont été pillés. Gérald Darmanin ne s’est pas déplacé mais ça ne saurait tarder.
On a installé des distributeurs de rillettes pour que les Sarthois puissent en acheter sur un coup de tête, ou parce que les boutiques sont fermées, car les rideaux tombent de plus en plus vite, dans “les territoires”, et certains ne se relèvent jamais. Et on pille les distributeurs de rillettes parce que c’est plus simple de les attaquer au marteau et au pied-de-biche que de les voler dans un supermarché, où les rillettes sont d’ailleurs moins bonnes (à Solesmes, elles viennent de la ferme de Jaluère, où les porcs sont transformés sur place). C’est ainsi, en France, en 2023, on siphonne les réservoirs d’essence, on vole les outils des jardins et on vandalise les distributeurs automatiques de rillettes comme un antifa ivre de vertu jette un pavé sur une banque : en ayant le sentiment que c’est bien normal de se servir. C’est parce que les Français sont pauvres, de plus en plus pauvres, dans des régions où les gendarmes et les services publics ressemblent à l’eau de la mer d’Aral : tout l’argent et tous les fonctionnaires vont dans les métropoles, le reste du pays est asséché.
On a bien le projet de l’irriguer avec des clochards et des immigrants, Paris projette de les projeter par milliers, jusqu’à Thionville, Rochefort, Digne et Fécamp, bienfaisante pluie diversitaire, substantifique manne subventionnée qui va couvrir le pays, et on va déguster ces délices macroniennes et franciliennes jusqu’à en être gavé puisque ni Macron ni l’Union européenne ne comptent jamais fermer les vannes. Le Grand Nappage couvrira “les territoires” d’ayants droit et on peut craindre que les gendarmes seront encore moins efficaces demain qu’ils ne le sont aujourd’hui : « s’agissant des vols sans violence contre des personnes, des cambriolages de logements et des vols liés aux véhicules enregistrés en 2021, les taux d’élucidation associés ne dépassent pas 8 % au bout d’un an », nous déclare, en avril 2023, Interstats, le service statistique ministériel de la sécurité intérieure. C’est clair, on s’en moque. Qu’importe aux forces de l’ordre que le petit propriétaire d’une voiture retrouve son véhicule abîmé, son logement, dépouillé, ou que l’artisan qui se lance dans la distribution de rillettes automatisées voit ses efforts ruinés ? Les forces de l’ordre ne font plus régner que l’ordre républicain, qui se caractérise par une grande attention portée aux banderoles moquant Macron, à ceux qui frappent des casseroles ou aux fils qui prétendaient aller voir leurs pères mourants pendant la coronavirose. Voilà les vrais délits, et on mesure l’efficacité de l’ordre républicain à la manière dont les délits sont sanctionnés avant même d’être commis : manifestations interdites, citoyens assignés à résidence, parquet expliquant avec une belle assurance que le fait d’utiliser une messagerie cryptée (comme le sont désormais l’immense majorité des messageries) est un signe de comportement terroriste.
Et pendant que Macron vante le “laboratoire” marseillais (il était allé y parader il y a deux ans, promettant 15 milliards pour le plan « Marseille en grand »), on apprend qu’à l’hôpital Laveran on soigne assez souvent des blessés par balles qui se sont fait « kalacher ». Ils sont assez jeunes pour demander, en sortant de la salle d’opération, leur « doudou pour dormir » (francetvinfo.com, 27 juin). C’est à Marseille que règnent les clans : ils découpent à la disqueuse ou à la tronçonneuse, ils brûlent vif, ils torturent, ils séquestrent, ils arrosent à la kalashnikov. Ce ne sont pas les seuls. Cela dure depuis des années. Macron se félicite donc des progrès accomplis (lesquels ?) et explique qu’on ne peut pas tout régler « du jour au lendemain » : n’est-il pas élu depuis six ans ? Et n’était-il pas au gouvernement, et à l’Élysée, auparavant ? Il s’en moque, il n’est pas là pour assurer la sécurité des Français, ni leur dire la vérité, il est là, nouveau Moïse, pour que l’exode des migrants cafouilleux et des Parisiens pouilleux puisse inonder “les territoires” dévastés, seule rosée supposée les vivifier. À Marseille, les policiers sont plantés devant les immeubles des cités pour que leurs habitants ne sortent pas vitupérer le président. Dans un an, aux JO, dans un Paris disneyisé, Macron paradera dans des rues vidées et contrôlées pour se féliciter d’avoir transformé la capitale en vitrine pour les Saoudiens. Et à Saint-Jean-de-la-Motte et Saint-Vincent-du-Lorouër, les habitants auront encore plus peur.