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Le clavier bien transcendé de Nimrod Borenstein

Le dernier CD du compositeur britannique célèbre l’instrument-roi avec panache et jubilation, depuis la suite pianistique jusqu’au concerto avec orchestre.

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Le clavier bien transcendé de Nimrod Borenstein

Fils du peintre Alec Borenstein, Nimrod naquit à Tel Aviv en 1969. Sa famille s’établit en France trois ans plus tard. Un jour, au cours d’une promenade champêtre, la prestation d’un orchestre de plein air le captiva : « Je me suis arrêté net et j’ai refusé de partir avant que le concert ne se terminât deux heures plus tard. Alors, j’ai dit à mes parents que je voulais apprendre le violon et être musicien. »

Ce fut à Paris qu’il débuta son éducation musicale. « J’ai écrit ma première pièce à six ans. J’aimais aussi les mathématiques, car les mathématiques et la musique ont en commun complexité et logique. » À huit ans, le voici qui imagine un système musical à douze tons. « J’étais très satisfait de moi-même, jusqu’à ce que l’on me dise qu’un certain Schoenberg l’avait déjà inventé. »

Chaque été, il retournait en Israël passer six semaines chez sa grand-mère. À l’âge de dix ans, il se mit à dévorer les livres de philosophie de la bibliothèque familiale : « J’ai toujours été attiré par la logique. » Plus tard, Nimrod entra au Royal College of Music afin de se perfectionner avec Itzhak Rashkovsky. Il obtint une bourse du Leverhulme Trust pour étudier la composition avec Paul Patterson à la Royal Academy, dont il est aujourd’hui membre associé.

Inside the Fairy World

Son catalogue comporte presque une centaine d’opus. Ses œuvres sont jouées dans de nombreux festivals européens comme It’s All About Piano de Londres, le Festival International de Musique de Burgos, le Cello Fest de Belgrade et le Festival George Enescu en Roumanie. De prestigieux orchestres et artistes les ont interprétées : le Philharmonia Orchestra, le BBC Philharmonic Orchestra, le Royal Philharmonic Orchestra, l’Oxford Philharmonic Orchestra, l’Israel Camerata, Ex Cathedra, le Quartetto di Cremona, Roberto Prosseda, Dmitry Sitkovetsky, Michel Supéra, Clélia Iruzun, etc.

Mais surtout, Nimrod bénéficia de l’inconditionnel soutien de Vladimir Ashkenazy. En 2013, le maestro dirigea The Big Bang and Creation of the Universe op. 52 avec le Philharmonia Orchestra au De Montfort Hall de Leicester, ainsi que la première audition d’If you will it, it is no dream op. 58. Une complicité qui se poursuivit avec la parution d’un remarquable album entièrement consacré à la musique de Nimrod en 2017 chez Chandos.

Depuis, la popularité des productions de Borenstein ne cessa de croitre. Ainsi son Shell Adagio op.17 a-t-il été déjà programmé par seize orchestres différents ! En janvier 2015, la création à Covent Garden de son ballet Suspended op.69, composé pour les jongleurs Gandini, enthousiasma la critique. The Arts Desk remarqua « une écriture des cordes transparente, athlétique et étonnamment conçue… Le sens de l’humour de Borenstein est contagieux. » Ce succès international totalisa plus de 200 représentations, du Festival International d’Edinbourg jusqu’au Taipei Arts Festival.

« Je crois fermement que le contraste est un des aspects les plus importants de l’art. »

Nimrod Borenstein use d’une tonalité élargie, privilégie une ligne mélodique toujours chantante, s’ingénie à clarifier les plans, à illuminer les textures. Décalages harmoniques, métamorphoses rythmiques et répétitions créent régulièrement une atmosphère cristalline et suspendue qui nous fascine, telles les anciennes boites à musique dont le compositeur semble avoir capté le pouvoir de consolation et d’envoûtement. Stravinsky considérait la composition comme une sculpture dont il importait de trouver la véritable structure. Cette synesthésie n’est pas étrangère à Borenstein, chez qui les contrastes sont consubstantiels au processus créateur.

Au cours de ses dernières années, il a développé un intérêt particulier pour le concerto, idoine aux alternances contrastées : Poème pour violon et orchestre à cordes (2013), Concerto pour violon (2014), deux Concertos pour violoncelle (2012 et 2017). Son Concerto pour saxophone alto, commande du français Michel Supéra, fut créé en 2016 par l’Orchestre de la Garde républicaine sous la baguette de François Boulanger. Toujours en 2016, son Concerto pour trompette, piano et orchestre à cordes fut révélé par Kenneth Woods à la tête de l’English Symphony Orchestra. L’Oiseau bleu pour harpe et orchestre à cordes (2020) précède le très attendu Concerto pour piano op.91 qui figure sur son dernier CD.

La force de ce concerto palpite d’emblée en des accents énergiques et bienfaisants. L’orchestration traite les pupitres (cordes, bois et cuivres) en entités souvent indépendantes. L’Adagio central irradie d’une mélancolie toute chopinienne avant un éblouissant Allegro final convoquant en sa coda les thèmes du premier mouvement.

Light and Darkness op.80 pour quintette avec piano, dont le titre provient du testamentaire Le Monde d’hier de Stefan Zweig, se déploie en un large mouvement d’une splendide et lyrique intensité. Mélodiste doué, coloriste raffiné, solide constructeur, ayant assimilé la densité expressive slave autant que la rutilance des orchestrateurs hollywoodiens, le compositeur atteint ici un idéal d’équilibre.

Dernières minutes dans le jardin féérique

Nimrod Borenstein, qui complète actuellement ses 24 études pour piano (en digne émule de Chopin), a livré avec Shirim op.94 l’un des recueils les plus réussis et les plus émouvants qui soient paru ces dernières années. Le titre est un mot hébreu signifiant poèmes ou chants. Ces dix-huit miniatures aux atmosphères variées lorgnent vers les Romances sans paroles de Mendelssohn mais exaltent avant tout la magie de l’enfance. Sans grandes difficultés techniques, elles sont accessibles aux amateurs éclairés. Quelle merveille d’inspiration et d’inventivité où prime un hédonisme délicat et ô combien séduisant !

 

  • Nimrod Borenstein, Concerto pour violon op.60, The Big Bang and Creation of the Universe op.52, If you will it, it is no dream op.58, Irmina Trynkos, Oxford Philharmonic Orchestra, dir. Vladimir Ashkenazy, 1 CD Chandos 5209
  • Nimrod Borenstein, Concerto pour piano, Light and Darkness op.80 pour quintette avec piano, Shirim op.94 pour piano, Clelia Iruzun, I Musicanti, Royal Philharmonic Orchestra, dir. Nimrod Borenstein, 1 CD SOMM Recordings 281

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