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Imposteurs et fraudeurs

Cela n’engage que moi, mais je me réjouis toujours d’ouvrir un livre de Bouflet. Il est toujours d’un jugement sûr et pondéré, jugement fondé sur les critères traditionnels non sans faire sa part aux avancées modernes en matières de psychologie.

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Imposteurs et fraudeurs

Dans son dernier ouvrage, il nous entraîne une fois encore sur les sentiers escarpés et semés d’embûches de la mystique ou plutôt de sa contrefaçon. Déjà, avec Les Faussaires de Dieu, l’auteur avait abordé ce sujet dans le contexte des apparitions mariales alléguées. Ici la perspective est un peu plus large même si l’apparition mariale reste un des éléments indispensables de l’imposture mystique. En faisant explicitement référence au cas Marthe Robin, récemment mis sous les feux crus et cruels de l’opinion, à l’occasion de la parution posthume du livre, très argumenté du carme Conrad de Meester, Joachim Bouflet commence par faire la différence entre « fraude » et « simulation », deux formes que peut prendre l’imposture. La première est une volonté positive de tromper et de se faire passer pour ce que l’on n’est pas. La seconde peut relever d’une part inconsciente du sujet : la fraude est à la simulation « ce que l’assassinat est au meurtre ». Les choses se corsent quand les deux aspects se conjugent. L’on peut, en effet, simultanément ou successivement, frauder et simuler en toute bonne foi. Le cas Marthe Robin, ou d’autres, illustrent parfaitement cette position. Les cas d’imposture mystique sont donc, bien souvent, difficile à discerner et d’autant plus quand, depuis quelque temps, et grâce à René Laurentin, on met en avant, dans ce genre de phénomènes, les « fruits spirituels ». Lesdits fruits peuvent, et Bouflet mentionne quelques cas, se manifester alors même qu’il y a démasquage ou aveux de l’imposture…

Des dossiers peut connus de l’opinion, même catholique

Après un rappel de quelques affaires historiques, parfois cocasses, l’auteur livre une galerie de portraits, souvent tristes, et rouvre des dossiers peut connus de l’opinion, même catholique, ce qui est, avouons-le, plutôt bon signe. Deux éléments semblent devoir faire partie désormais de la phénoménologie de l’imposture mystique : l’apparition mariale, cela a été dit, et la stigmatisation, la dernière venant mettre un sceau sur la première. Le tout se présente la plupart du temps comme une nouvelle révélation qui soit complète la Révélation canonique, soit s’y ajoute, soit la remplace sans l’avouer. Ainsi en est-il de Maria Valtorta et de Poème de l’Homme-Dieu, des frasques dorées et pontificales de Palmar de Troya, des élucubrations hérétiques de Marie-Paule Giguère et de son Armée de Marie, sans oublier les prétendues apparitions de Medjugorje et leurs turbulents protagonistes.

Si l’on passe sur la qualité de l’édition qui laisse à désirer, le livre de Bouflet n’est pas systématique, autrement dit il ne propose pas une synthèse en conclusion qui permettrait de clarifier les critères de discernement ou simplement l’attitude à tenir face à ces « affaires » plus délirantes les unes que les autres. Le lecteur trouvera là une source documentée mais le laissera un peu sur sa faim s’il attend une analyse plus globale. Pour tempérer ce que je viens de dire, il est vrai que ce n’est pas obligatoirement le travail de l’historien. Reste que Joachim Bouflet a le mérite constant de constituer des catalogues de faits, annotés, qui peuvent être le début d’une enquête future et d’une étude plus analytique de ce genre de phénomènes.

 Joachim Bouflet, Impostures mystiques. Le Cerf, 2023, 392 p., 25€.

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