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Vies brèves dans la jungle

Leonard Woolf fut l’un des rouages de l’empire britannique, à Ceylan. Comme tous les gens lucides, il en tira beaucoup d’amertume, et comme certaines personnes de talent, un livre remarquable.

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Vies brèves dans la jungle

Le Village dans la jungle, paru en 1913, raconte comment Silindu, le chasseur un peu fou, fut pendu pour meurtre. On est à cent lieues de Kipling. « Car la loi de la jungle est d’abord la peur, et puis la faim et la soif. » Silindu vit misérablement dans un village misérable aux récoltes incertaines et vagabonde dans la forêt, oublieux de tout. « Toutes les bêtes de la jungle me parlent, sauf l’éléphant. L’éléphant est trop triste, même pour parler » lui confie un vieillard. Mais Silindu sait que les bêtes parlent de nourriture et de carnage. On croirait L’Étranger raconté par un indigène (le livre surabonde en tournures et mots cinghalais), et la justice occidentale est incapable de comprendre ce que les petits chefs des villages misérables peuvent avoir d’odieux. Et Silindu sera donc pendu et le lecteur, en deux cents pages, aura eu l’impression d’être immergé dans un monde radicalement différent, où l’indigène cinghalais du XXe siècle rejoint le serf anglais médiéval, celui des petites gens oubliées de la fortune et de l’histoire, dont personne ne raconte les vies misérables et la proximité avec la nature où errent des dieux médiocres aux formes animales. Sauf Leonard Woolf, qui rentra à Londres et devint secrétaire du Parti Travailliste, ce qui est une bien plus triste fin que celle de Silindu.

 

Leonard Woolf, Le Village dans la jungle. Les Belles Lettres, 2023, 232 p., 15 €

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