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Pékin organise la réconciliation de l’Iran et de l’Arabie Saoudite

De même que Biden contribue à polariser le monde, en affirmant bien évidemment la prééminence et l’excellence des États-Unis, la Chine profite du rejet croissant de “l’Occident” pour fédérer les non-alignés, au point d’être reconnu comme un faiseur de paix, position plus aimable aux yeux du monde que celle de faiseur de démocraties.

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Pékin organise la réconciliation de l’Iran et de l’Arabie Saoudite

Les deux éternels rivaux du Proche-Orient ont décidé de rétablir leurs relations diplomatiques. L’affaire est d’importance car tout oppose depuis longtemps l’Iran, la grande puissance chiite, à l’Arabie Saoudite, phare mondial du sunnisme. Mais au-delà du symbole religieux, c’est toute la géopolitique du Proche-Orient qui semble amorcer un virage structurel.

C’est à Pékin que l’annonce a été faite, prenant tout le monde par surprise. Les pourparlers, secrets, duraient depuis plus de deux ans et l’accord doit se finaliser d’ici deux mois pour se traduire symboliquement par la réouverture des deux ambassades fermées depuis 2016. C’est cette année-là que l’Arabie Saoudite avait provoqué la fureur de l’Iran en exécutant le cheik Nimr al-Nimr, chef de la minorité chiite vivant en Arabie Saoudite, entraînant des émeutes à Téhéran devant l’ambassade de Riyad. Les relations diplomatiques entre les deux pays furent rompues dans la foulée.

La situation n’avait ensuite fait qu’empirer et connut même un pic de tension en septembre 2019 lorsque des missiles détruisirent une partie importante des installations d’Aramco, le géant pétrolier saoudien. Les rebelles houthis du Yémen revendiquèrent l’attaque mais chacun avait bien compris que l’Iran était derrière. L’absence de réaction américaine fut un signal pour Riyad : les temps étaient en train de changer et le nouveau dirigeant Mohamed Ben Salman, dit MBS, comprit que son pays ne pouvait plus se contenter de ne regarder que vers Washington.

Le « paria » s’émancipe

Ce changement de cap s’imposa plus encore après l’assassinat de Jamal Khashoggi dans les locaux du consulat saoudien d’Istanbul en octobre 2018. Khashoggi était un farouche opposant au régime de Riyad. Réfugié aux États-Unis, il tentait d’organiser une alternative à la succession promise à Mohamed Ben Salman, sans grand succès d’ailleurs. Si Trump ne fit pas grand cas de ce meurtre, il n’en fut pas de même de son successeur. Sanglé dans son costume moralisateur, Biden, convaincu par ses services que c’est MBS en personne qui avait donné l’ordre, promit d’en faire un « paria ». Riche idée !

Toute honte bue, il rendit ensuite visite à MBS pendant l’été 2022 en lui demandant d’avoir l’obligeance d’augmenter sa production de pétrole pour faire baisser les cours. La guerre en Ukraine était passée par là. Ce Canossa des sables ne servit à rien : MBS sourit beaucoup et ne promit rien. Quelques jours plus tard, Saoudiens et Russes annoncèrent ensemble une baisse de la production : le Prince héritier n’avait pas oublié l’affront et infligea ce camouflet à Biden. Les leçons de morale états-unienne lassent jusqu’à leurs plus anciens alliés. Il n’est pas certain en outre que les Américains aient compris la profondeur des changements que MBS compte impulser à son pays. Et cela passe nécessairement par un chemin géopolitique différent. La guerre en Ukraine n’a rien arrangé. La croisade démesurée dans laquelle s’est lancé l’occident indispose le reste du monde qui ne se sent guère concerné par ce conflit européen.

Pékin s’implante au Proche-Orient

Dans ce contexte, la Chine a une carte à jouer décisive. Xi a été reçu en grande pompe à Riyad il y a quelques semaines et a ensuite rencontré l’ensemble des dirigeants du Golfe. C’est un acheteur de gaz et de pétrole majeur bien évidemment mais c’est aussi, pour les pays du Golfe, la garantie de relations stables, sans interférence dans les affaires internes d’autrui. L’enjeu est d’autant plus important pour la Chine que MBS n’a pas dit non à de futures transactions libellées en yuan. La dédollarisation des échanges, en particulier énergétiques, fait partie de la stratégie chinoise. Pékin, ravi de cet accord signé sur ses terres, a souligné la « sagesse et la sincérité » des deux interlocuteurs. Le succès diplomatique est d’autant plus complet que la signature du document est tripartite, la Chine ajoutant la sienne. C’est bien elle la puissance médiatrice.

Les Américains, on s’en doute, n’ont guère apprécié ce coup de tonnerre. Sans oser condamner formellement (comment le pourraient-ils ?), ils ont esquissé une moue dubitative : « Il reste à voir si l’Iran remplira ses obligations liées à l’accord. Ce n’est pas un régime habitué à tenir sa parole » a indiqué un communiqué de la Maison-Blanche. Ça ou rien… Certes, il y a toujours autant de bases américaines au Proche-Orient et Washington continue de vendre des armes aux pays du Golfe, ce qui n’est pas encore le cas de la Chine. Mais les priorités de Biden, vaincre la Russie en Ukraine et faire reculer la Chine dans le monde, ne sont pas les mêmes que celles du reste du monde, Europe mise à part. Cela entraîne nécessairement des modifications géopolitiques majeures.

 

Illustration : Wang Yi, ministre des Affaires étrangères de la République populaire de Chine de mars 2013 à décembre 2022, et désormais directeur du bureau central des affaires étrangères du Parti communiste chinois, expliquait en mars 2014 : « il est vrai que la coopération sino-arabe de ces dernières années s’est principalement concentrée sur le domaine économique. […] Nous jouerons un rôle dans le domaine politique également. » C’est chose faite. Certains savent renoncer au tout économique comme seul ressort politique.

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