Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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De 1515 à nos jours, Robert Muchembled examine l’évolution de la séduction française. On passe en gros du séducteur actif à la séductrice active, si on se borne aux représentations – et comment un historien peut-il aller outre ce qui est dit, écrit et montré ?
Le voyage est mené avec vivacité, d’autant plus que Muchembled se livre lui-même, dans un dernier chapitre, « le je de la séduction », sur la place des femmes dans sa vie de fils de mineur né en 1944 : elles l’ont littéralement arraché à lui-même. Tout le livre est construit autour de l’idée de l’émancipation progressive des femmes, de l’adaptation constante de la civilité pour prendre en compte cette émancipation, fortement remise en cause par la Révolution et le XIXe siècle bourgeois. J’aurais tendance à croire que le Moyen-Âge (hors champ de cette étude) avait assuré aux femmes, avec les règles de l’amour courtois et un corpus juridique important, une place qui ne nécessitait pas qu’elles s’émancipassent. L’auteur établit d’ailleurs, entre Renaissance, Révolution et XXe siècle, la sinusoïdale du statut symbolique des femmes, avec les figures de la mère, de l’amante, de la séductrice, de l’amazone, etc., toutes définies grâce à une multitude de faits, de citations – et toutes rapportées au regard masculin, car « le mythe fondateur de la séduction française postule qu’elle découle entièrement du mâle dominant exceptionnel, quasi divin, placé à la tête d’un peuple appelé à apporter son génie de la civilisation au reste de l’humanité ». On voit bien que cet essai traite moins de la réalité du jeu de la séduction que de sa théorisation et de sa réception par les élites. Muchembled voit dans Louis XIV le modèle de la chose : avec sa définition, c’est plutôt Napoléon, De Gaulle ou Macron qui sont les parangons du modèle, surtout dans un monde déchristianisé où l’homme providentiel se pare de toutes les troubles vertus du guerrier et, surtout, est obsédé par la concentration humaine des pouvoirs. Si Muchembeld fait une lecture très progressiste de l’histoire de la séduction, avec les limites d’une histoire orientée a posteriori, son essai n’en demeure pas moins passionnant.