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René Clair ou une certaine idée cinéma français

Bienheureux Américains de trouver dans leur panthéon cinématographique des John Ford, des Raoul Walch, des King Vidor, des Anthony Mann et autres Cecil B. De Mille ou Robert Siodmack.

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René Clair ou une certaine idée cinéma français

De ce côté-ci de l’Atlantique, honorons-nous de rencontrer Julien Duvivier, Jean Grémillon, Jean Renoir, Marcel Carné, Henri-Georges Clouzot ou René Clair. Ce dernier a sans doute été quelque peu oublié, sauf peut-être en Amérique, pays gigantesque mais, contrairement à nous, possédant une mémoire bien plus longue – vraisemblablement pour compenser une histoire trop courte, trop récente, presque trop moderne. Là-bas, on se souvient encore de The Flame of New Orleans (La Belle Ensorceleuse, 1941 avec la vaporeuse Marlene Dietrich), I Married a Witch (Ma Femme est une sorcière, 1942 avec la sublime Veronica Lake), It Happened Tomorrow (C’est arrivé demain, 1944, avec Linda Darnell, que nous ne présentons plus), And Then There Were None (Dix petits Indiens, 1945). Autant de chefs-d’œuvre qui brillent au firmament d’un Septième art que nous autres Français n’avons pas peu contribué à inventer, jusqu’à rendre les armes et concéder loyalement qu’il ne s’est jamais aussi bien épanoui que chez le Grand Sam. Certes, la dette de ce dernier à l’égard de l’Europe reste incommensurable. Que serait le cinéma américain sans l’apport de tous ses génies d’exportation, qu’ils vinssent d’Allemagne (Fritz Lang, William Dieterle), d’Autriche (Joseph von Sternberg, Fred Zinnemann), d’Italie (Franck Capra), d’Angleterre (Charles Chaplin, Alfred Hitchcock), de Hongrie (Michael Curtiz, Ernst Lubitsch), de Russie (Rouben Mamoulian, Lewis Milestone) et, bien sûr, de France d’où Maurice et Jacques Tourneur et René Clair, notamment, partirent à la conquête d’Hollywood. La filmographie de René Clair mériterait un numéro entier. L’entièreté de ses films, depuis Paris qui dort (1923) jusqu’à même Les Fêtes galantes, aimable comédie légère que l’on regarde avec plaisir autant pour Jean-Pierre Cassel que pour la délicieuse Marie Dubois. Pour l’emploi de cette chronique, et parce qu’il faut bien choisir – nous mentionnerons, en guise de discret hommage à Gina Lollobrigida récemment disparue, Les Belles de nuit, onirique et charmante romance avec Gérard Philipe et l’irrésistible Martine Carol –, jetterons-nous notre dévolu sur À nous la liberté (1931) et Sous les toits de Paris, tourné un an avant. Avec 14 Juillet (1933), ils constituent, selon nous, une sorte de trilogie populiste au sens d’un Eugène Dabit ou d’un Henri Poulaille. À nous la liberté, second film sonore et parlant de René Clair, inspirera Les Temps modernes (1931) de Chaplin (au point qu’il sera accusé de plagiat par la Tobis, firme allemande ayant produit le film de Clair, passée, entre-temps, sous la coupe de Goebbels) et, tout comme lui, se présentera comme une satire expressionniste du machinisme industriel. Sous les toits de Paris est, quant à lui, un film au scénario relativement sommaire qui célèbre la vie des faubourgs de Paris et la sagesse du bon peuple. Un poème filmique à l’état pur, tout comme 14 Juillet (on relèvera la présence de Pola Illéry, actrice d’origine roumaine à la sensualité débordante, déjà aperçue dans Sous les toits de Paris) que d’aucuns considèreraient comme une gentille et désuète bluette, mais qui demeure non dénué de charme par le regard tendre que le cinéaste porte sur les amours sans artifices de ce peuple de Paris qu’il sublime dans son authentique et attachante simplicité. Nous aimons René Clair pour son style subtil et ironique, pour sa mélancolie douce comme pour son appréhension délicate et sans pathos de la nature humaine et son imaginaire parfois aux confins du fantastique. Il n’est que de voir, par exemple, Le Silence est d’or (1947), production aussi soignée que plaisante qui signe son grand retour en France après ses années hollywoodiennes. Le cinéaste y déploie son talent de mise en scène et sait transporter son public entre poésie et nostalgie, sans mièvrerie ni passéisme figé. Ce film, dont quelques années plus tard, Michel Hazanavicius se souviendra pour réaliser The Artist (2011), relate les débuts du cinéma muet avec un Maurice Chevalier, icône d’une certaine France d’avant-guerre, qui fait preuve, avec brio, d’un jeu habile et élégant dans l’autodérision.

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