Athos nous a quitté. Michel Duchaussoy est mort.

Les multiples adaptations cinématographiques du célèbre
roman d’Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires, ont fait appel à des acteurs de grand talent pour interpréter
d’Artagnan conformément à la description de l’auteur, Douglas Fairbanks, Gene
Kelly, Georges Marchal, Gérard Barray, Michael York, ou encore Philippe Noiret
dans le rôle du héros vieillissant du savoureux film de Bertrand Tavernier, La
fille de d’Artagnan. Le personnage
d’Aramis, chevalier élégant, altier, mais parfois empreint de duplicité, lui, a
été bien représenté par Jacques François, Jacques Toja et Richard Chamberlain.
Quant à Porthos, géant tour à tour débonnaire ou farouche, il fut bien croqué
par l’acteur idéal pour ce rôle, Gérard Depardieu, dans L’Homme au
masque de fer tourné en 1998 par Randall
Wallace.

Mais Athos, Comte de La Fère, grand seigneur, membre de
trois ordres de chevalerie, homme énigmatique qui porte le plus lourd des
secrets, tour à tour bretteur froid ou ami généreux et des plus fidèles, à la
sensibilité exacerbée, a été quant à lui interprété par des acteurs de talent
mais qui ne pouvaient prétendre au rôle à l’exception toutefois d’Henri Rollan
dans une version des Trois Mousquetaires 
d’Henri Diamant-Berger.

Mais qui pouvait donc incarner cet archétype de la noblesse
du cœur ?

Plus personne…

Michel Duchaussoy est allé rejoindre Molière dont il fut un
des meilleurs serviteurs.

Il partage avec Athos, le souvenir de la guerre qui l’a
emmené en Algérie. Revenu désabusé il entre au Conservatoire puis à la Comédie
Française où sa large palette d’acteur lui permet de saisir tous les rôles du
répertoire classique comme moderne allant du pédant Trissotin des Femmes
savantes de Molière, au Clarence de Richard
III de William Shakespeare. Il pouvait
aussi interpréter Chenneviette d’une façon désopilante dans Un fil à
la patte de Georges Feydeau, Ce spectacle
obtint un succès considérable avec 129 représentations. Qui aurait pu imaginer,
trente ans plus tard, la merveilleuse initiative de Patrice Chéreau pour le
distribuer dans le rôle de Théramène, personnage majeur de la pièce de Phèdre  son célèbre récit de la mort d’Hyppolite,
dit en toute intériorité, atteignait la perfection avec ce sens de la mesure et
de la retenue que mérite la tragédie.

Sa filmographie est des plus importante, 145 films et
télévisions, qui lui donnèrent pour la plupart de grands seconds rôles, avec le
regret  pour nous qu’il n’ait point
obtenu les premiers rôles auxquels il aurait pu prétendre. Sa première
apparition remarquée fut dans Jeu de massacre d’Alain Jessua, mais c’est Chabrol qui lui offre l’opportunité d’être
connu par le grand public avec le rôle de vengeur face à Jean Yanne dans Que
la bête meure. On pourrait aussi citer Fort
Saganne d’Alain Corneau, mais il faudrait
alors citer tous ses films sans omettre naturellement Milou en mai de Louis Malle qui lui vaudra sa Nomination au César
du meilleur acteur dans un second rôle. A ce palmarès il faut ajouter sa
participation vocale à la cinéscénie du Puy du Fou lorsqu’elle débuta.

Il ne restait pour lui qu’un rôle, celui d’Athos.
Qu’importe, il est en train de boire une coupe de vin de Touraine avec
Alexandre Dumas.