Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Savez-vous que les Romains appréciaient « la chair délicate des loirs gris », et que les lérots raffolent du fromage de Cantal ? Que les libellules ont trois cent vingt millions d’années, et leurs yeux trente mille facettes de couleurs différentes ? Que, selon une légende, les mantes religieuses montrent le chemin aux enfants perdus ?
En 2003, Dave Goulson acheta une ferme ancienne au milieu d’une prairie, dans le but de créer une réserve naturelle. Ce ne fut pas une idylle sans nuage ; et dans son livre publié aux éditions du Rouergue il raconte avec humilité, enthousiasme et humour son installation dans la ferme « tombant doucement en ruine » et sans confort moderne, sorte de Sylvain Tesson du Limousin : au lieu de chercher la sobriété et la nature sauvage au bord d’un lac de Sibérie, Dave Goulson consigna ses observations minutieuses et poétiques près d’une mare bordée de frênes et de prunelliers, où rêvent les tritons.
Ce professeur britannique note le charme que notre langue déploie pour nommer la faune et la flore. C’est une leçon d’écolier à travers bois et prés : le moro-sphynx, la mélitée du plantain, le citron, le myrtil, le tircis, l’aurore, la noctuelle du cucubale, l’azuré des nerpruns, qui sont des papillons ; le capricorne, la fourmi rousse des bois, la couleuvre d’Esculape ; les ophrys abeilles, qui sont des fleurs, comme le caille-lait, la quintefeuille cousine de la rose, la mélampyre des prés, le vulpin des prés, le séneçon de Jacob, le liondent, le silène, la luzerne lupuline ; la fauvette babillarde, le râle des genêts, le tarier pâtre qui pond dans les haies ses œufs bleu ciel… Patrimoine vivant mais aussi littéraire, linguistique, qui s’ébroue entre les pierres, dans la lumière estivale qui baigne le récit.
La chronique des tumultueuses relations de couple des papillons, des libellules ou même des fleurs et des champignons, nous rappelle que le paradis n’est pas terrestre. Les derniers chapitres abordent les insecticides et le rapport complexe que nous entretenons avec notre habitat, et avec cette vie opulente des prairies et forêts. Car la question de l’émission des gaz à effet de serre occulte souvent les autres enjeux de l’écologie ; comme si l’essentiel était de mener une vie numérique et citadine sur une terre élaguée, propre, « végétalisée » et morte. Battement d’ailes vert et bleu d’une libellule, qui scintille dans l’air un bref instant ; fragilité d’une langue, de la mémoire : l’or de la prairie est un trésor périssable.