Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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Ariane Bilheran, normalienne, psychologue clinicienne, docteur en psychopathologie, est spécialisée dans l’étude de la manipulation, des déviances du pouvoir, de la perversion, de la paranoïa, du harcèlement et du totalitarisme, et a publié de nombreux ouvrages dans son domaine d’expertise.
Vivant actuellement en Colombie, elle fut l’une des premières à avoir souligné, dès mars 2020, au début du confinement lié à l’émergence du fameux Covid, que du point de vue de la philosophie politique, nous faisions face à une dérive totalitaire et, du point de vue psychopathologique, à un délire paranoïaque.
Tel un reporter de guerre, pour reprendre l’expression de son préfacier Slobodan Despot, elle a publié de nombreuses chroniques, donné plusieurs conférences, est intervenue comme experte au sein de différents symposiums, jurys, organisations, pour décortiquer et analyser les forces en jeu, et nous donner les clés de compréhension et de résistance face à ce qui fut une déferlante incompréhensible pour des esprits rationnels attachés à la liberté et à la vérité.
Certaines de ces chroniques et interventions sont regroupées dans cet ouvrage et, tel un journal de bord, elles viennent nous éclairer et nous rappeler, sous différents angles, quels ont été les mécanismes à l’œuvre conduisant à ce que des millions de personnes se soient retrouvées sous le joug d’injonctions paradoxales, harcelées ou transformées en petits chefaillons délateurs et policiers, au leitmotiv d’une idéologie dont la fin justifiait tous les moyens.
Le mot totalitaire fait peur et pousse au déni, car il renvoie à des périodes de l’histoire ou à d’autres lieux géographiques qui nous font occulter le présent, ou du moins en brouille les clés de lecture. Pourtant, tous les fondements du totalitarisme qui ont été analysés et décryptés notamment par Hannah Arendt, abondamment citée dans ces chroniques, ses effets, sa mise en œuvre, sont aisément et effroyablement applicables en la matière.
Ariane Bilheran n’a pas peur des mots et n’a eu de cesse de mettre en garde contre les conséquences tragiques pour l’humanité que de telles méthodes poussées à l’extrême pouvaient engendrer. Corruption du langage, distorsion du réel, désignation du bouc émissaire, destructions des liens familiaux, agitation permanente de la peur, utilisation du langage paradoxal, déshumanisation, stratégie de divisions, ingérence dans la vie quotidienne, harcèlement, traçage, conflits de loyauté, censures, mises au ban de la vie sociale, sont autant d’éléments auxquels les populations ont dû faire face et vis-à-vis desquels elles ont été, pour la très grande majorité, incapables de résister, tant le choc traumatique a été soudain et violent et les mécanismes de paranoïa collectives mis en œuvre avec une rapidité terrifiante.
Ce livre n’est pas un traité et n’a pas vocation à couvrir le tout de la question. Il a cependant l’immense mérite de faire œuvre de mémoire et d’analyser sous un angle politique et psychologique la perversion et la paranoïa qui sont souvent les corollaires de l’exercice du pouvoir et comment elles peuvent s’incarner si aisément dans des peuples qui, s’ils ont perdu toute profondeur émotionnelle, intellectuelle et transcendantale, toute quête de la vérité, sont bien incapables d’y résister, voire même contribuent à leur contagion.