Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Comment ne pas aimer Bernanos ? C’est une Conscience. Il a pour lui de vitupérer sans cesse contre les lâches et les faibles. Certes, il le fait en exil, de loin, protégé de la guerre par la grande distance qu’il a mise entre elle et lui.
Mais il a honte, nous dit-il, pour bien nous faire comprendre que ses souffrances sont plus sublimes et plus terribles que celles de ceux qui se contentent de crever de faim, de froid, de coups ou de balles. Lui, il a la souffrance distinguée de l’intellectuel qui a choisi une fois pour toutes le parti de l’honneur ; et s’en est élu président, et veille soigneusement à n’accepter que de très rares partisans : c’est normal, il faut être du niveau de Bernanos pour y entrer, alors, vous pensez bien, ni Maurras, ni le Prince, ni De Gaulle n’en étaient dignes.
Surtout pas Maurras, qui a deux énormes défauts : il ne veut pas désespérer, ce qui est quand même un comble car comment rugir de beaux anathèmes, comme Bernanos, sans un peu de désespoir bien dosé ? et il ne veut considérer que la réalité, ce qui est quand même sordide et bien propre à décourager les esprits élevés comme Bernanos. Or donc, Bernanos est aujourd’hui célébré et Maurras vilipendé, et vilipendé en s’appuyant sur l’avis de Bernanos, l’autre Bernanos, le dernier Bernanos, celui qui décida de ne plus être maurrassien après avoir passionnément embrassé son maître et sa pensée.
Mais que vaut l’avis de Bernanos ? Comment s’est-il formé, est-il juste, est-il cohérent ? Les reproches que Bernanos fait à Maurras, les insultes dont il l’accable, les procès qu’il lui intente (lui reprochant par exemple d’avoir moins aimé la France que l’idéologie, d’avoir désarmé les esprits devant le nazisme, d’être responsable de la défaite de 40, etc.), tout cela a-t-il un peu de substance ? Ou ce combat acharné contre Maurras n’est-il pas celui d’un idéaliste qui préfère sa France rêvée à la France réelle, celui d’un déserteur qui veut justifier son exil, celui d’un ancien disciple qui se hait lui-même d’avoir, quelques années durant, mis les doigts dans la vraie politique au lieu de se consacrer à vaticiner, ce qui lui réussit mieux, commercialement au moins ? Axel Tisserand, qui a entre autres mérites celui d’avoir tout lu, ouvre le dossier et examine les pièces. Il fait surgir l’idéalisme de Bernanos, cette préférence de plus en plus marquée pour l’idée qu’il se fait des choses au mépris de l’examen des choses elles-mêmes, cette volonté farouche d’être seul sur son rocher à exhorter ou abominer la foule plutôt que d’être dans la bataille. Non seulement il fait litière des absurdes reproches adressés à Maurras mais il dresse le portrait d’un écrivain, Bernanos, prisonnier de Drumont, de sa pensée raciale, prisonnier de son pessimisme, prisonnier des amis démocrate-chrétiens qu’il s’était attiré malgré lui, talentueux mais égaré, vociférant mais peu écouté. Ce petit livre est rapide, dense et passionnant, et ce n’est pas son moindre mérite que, pour avoir voulu rétablir Maurras, son auteur n’ait pas voulu accabler outre mesure Bernanos, témoignant par là de la même magnanimité que Maurras lui-même, et Boutang.