C’est d’outre-Atlantique que nous parvient un joyau discographique consacré à Marius Constant (1925-2004), trop absent de nos affiches de concerts.
Elève de Georges Enesco, Olivier Messiaen et Arthur Honegger, co-fondateur de France Musique, apprécié pour les partitions de ballets qu’il écrivit pour Roland Petit (Cyrano de Bergerac, Eloge de la folie, Nana, Paradis perdu) et Maurice Béjart (Haut-voltage), il dut sa notoriété mondiale au thème original de la série télévisée américaine The Twilight Zone (La Quatrième dimension) ! En 1992, il succéda à Olivier Messiaen à l’Académie des Beaux-arts. À l’instar d’Henri Dutilleux, il se classe parmi les indépendants qui surent résister à l’avant-garde radicale prônée par Pierre Boulez. Une imagination foisonnante secondée par une science accomplie de la combinaison des timbres confère à son œuvre orchestrale une force remarquable.
L’aspect tourmenté autant que le caractère élusif de l’art de William Turner lui inspirèrent une courte et saisissante suite symphonique. Les sections empruntent leur titre à trois toiles du peintre anglais : Pluie, vapeur et vitesse, Autoportrait et Windsor, opportunément reproduites dans le digipack. Que de raffinement et de splendeur dans ce dernier mouvement ! C’est la substance plus que la couleur que Constant transpose ici en musique.
« Le pari de Brevissima, explique le compositeur, était d’employer une sonorité massive et de la sculpter dans la grande forme sonate en un cadre temporel très restreint. » Condensé de symphonie en une dizaine de minutes, cette réussite absolue laisse pantois. Le titre du mouvement final ouvre sur un univers poétique insoupçonné : « Passacaglia funèbre énoncée par un lent martèlement grave qui culmine près d’un soleil brûlant. »
De forme plus traditionnelle, en quatre mouvements, le concerto pour violon 103 Regards dans l’eau trouve en Olivier Charlier un interprète très convaincant. La partition est constellée d’indications tirées d’Edgar Allan Poe, Stefan George, Gaston Bachelard, etc. guidant le travail expressif des musiciens tout au long de cette célébration aquatique hors du commun.
Le Riverside Symphony fut fondé à New-York en 1981 par le chef d’orchestre George Rothman et le compositeur Anthony Korf. L’une de ses missions est d’exhumer des œuvres orchestrales rarement programmées. L’engagement des instrumentistes et la direction de leur chef n’appellent ici que des éloges.
Marius Constant, Turner, Brevissima, 103 regards dans l’eau, Riverside Symphony, Olivier Charlier, violon, George Rothman, direction, 1 CD RSR