Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Les Français ont foulé toutes les terres de la planète. Les Britanniques aussi, qui jouissent du décolonialisme quand nous connaissons la repentance.
Simplement, ces derniers ont davantage étudié leurs équipées au Levant, quand nous semblons comme sur la retenue. Denis Chevignard vient fort heureusement partiellement combler ces lacunes avec son Combattants français en Palestine : 1917-1918, chez Via Romana. Qui se souvenait en effet que le 11 décembre 1917, alors que le général britannique Edmund Allenby faisait son entrée en arme dans Jérusalem, il était flanqué du colonel Jean Philpin de Piépape, premier gaulois à faire son entrée en armes dans la ville depuis qu’elle avait chuté aux mains de Saladin le 2 octobre 1187 ?
Les tranchées étaient encore béantes quand Lyautey et Briand, vers Noël 1916, furent convaincus qu’il fallait s’élancer au Proche Orient afin de ne pas l’abandonner à Londres. Des troupes qui jouèrent un rôle essentiel pour soutenir la crédibilité de François Georges-Picot, nommé Haut-Commissaire en Palestine en avril 1917, et dont l’histoire a retenu l’amour des tracés. La France partait de loin, le traité des capitulations avait été dénoncé par la Sublime Porte le 9 septembre 1914 et Paris ne bénéficiait pas de la clarté stratégique anglaise dans la région : sionisme et pétrole. Pire, Guillaume II avait effectué un voyage retentissant vers l’Oronte en 1898. Les volontaires de SOS chrétiens d’Orient qui observent Héliopolis, l’imposante Baalbeck, s’arrêtent parfois dans l’exposition photographique qui clôt la visite et éparpille les clichés du Teuton, passablement fasciné par les lieux.
Denis Chevignard décrit malicieusement le caractère britannique : « Ce fut tout le jeu subtil de la diplomatie britannique de chercher par tous les moyens à atteindre ses seuls objectifs ; en s’attirant les bonnes grâces des différents alliés potentiels dans cette région, sans trop s’engager en leur laissant miroiter des contreparties parfois antagonistes, qui se révélèrent à posteriori des duperies. » On appelle cela le fair-play, outre-Manche.
Fidèle à ses usages, la France avait sabordé l’un de ses meilleurs atouts. La dissolution et l’expulsion des congrégations avaient évidemment abîmé une partie du lien ancestral avec les terres bibliques. Difficile de faire jeu égal avec le corps expéditionnaire britannique, d’ailleurs : ils furent 140 000 Britanniques pour à peine 2 000 Français. Le nom de nos troupes fut cependant glorieux. Qui ne rêve pas en entendant « Détachement français en Palestine » ? Parmi eux, nombre de chrétiens d’Orient : la légion arménienne, qui avait tant d’horreurs à venger, mais aussi des chrétiens syriaques de Turquie et d’Irak, et d’autres communautés encore. Ils obtinrent que Paris renforçât les troupes, atteignant les 7 000 hommes, en février 1918, quand la métropole sentit qu’il y avait quelque prestige à tirer du sacrifice des soldats débarqués à Port-Saïd une année plus tôt. Raid de Jaffa, suivant l’entrée dans Beyrouth le 20 octobre, obtention de la Cilicie et de la Syrie, après l’armistice avec les Turcs, l’héroïsme de cette troupe ouvrit une page d’histoire dont la mémoire et les conséquences dictent la vie orientale encore aujourd’hui. Les barbares de l’Organisation État islamique n’avaient-ils d’ailleurs pas scénarisé leur renversement de la ligne Sykes-Picot ?
Qui se souvient des hommes tombés aux côtés de la légion arménienne ? Qui se souvient des frères des martyrs des déportations ottomanes embrassant notre drapeau pour honorer leurs défunts ? Nous aurions bien tort de nous repentir d’avoir aimé ces gens-là…