En novembre 1920, des navires débarquent les premiers contingents de l’Armée des Volontaires dans le port de la ville turque de Gallipoli, à Lemnos et à Bizerte. Pour Nicolas Ross, qui revient aux sources de l’émigration russe blanche» dans un ouvrage instructif et bien documenté, c’est l’acte fondateur des quatre-vingt-dix années d’existence des Russes blancs en exil. Cet exil est d’abord une fidélité : à Gallipoli, sous l’autorité du général Wrangel, se forge l’âme de l’émigration russe. Les blancs veillent à préserver intacte leur culture, la ferveur de leur vie religieuse et entretiennent l’espoir de retourner combattre le bolchevisme pour que leur «patrie redevienne la Russie». Mais au gré des retournements d’alliances des puissances occidentales, ce dernier objectif devient de plus en plus aléatoire. Les blancs émigrent bientôt vers les nations slaves et orthodoxes et surtout vers la France qui devient une terre d’accueil privilégiée. Commencé avec le récit des campagnes militaires dans le sud de la Russie et en Crimée, sous le commandement des généraux Denikine, Koutiepov ou Markov, le livre s’achève dans le petit cimetière de Sainte-Geneviève-des-Bois, non loin de Paris. C’est là, en 1961, que fut construit une réplique du monument aux morts de Gallipoli, détruit par un tremblement de terre en 1940. Signe que les temps ont changé, le monument de Gallipoli a été relevé en 2008 avec le soutien des autorités russes. Le combat et les sacrifices des blancs n’auront pas été vains : malgré tout ce qu’on peut penser de sa politique actuelle, la «Russie éternelle» s’est réconciliée avec elle-même.

Aux sources de l’immigration russe blanche, de Nicolas Ross, Éditions des Syrtes, 184 p., 15 euros