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Deux tyrans

En 1939, le pacte germano-soviétique réunit deux ennemis. Il resta controversé, voire nié, des années durant.

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Deux tyrans

Tout le mérite de Roger Moorhouse est d’en raconter les péripéties, de sa difficile négociation à ses ultimes effets puisque, bien après la guerre, la carte de l’Europe demeurait celle voulue par les dictateurs, en tout cas côté soviétique. Rejetant évidemment les justifications staliniennes et soviétiques d’un pacte signé « pour gagner du temps », l’historien établit solidement que Staline voulait profiter d’Hitler pour affaiblir l’Occident et assurer sa propre emprise, quitte à laisser les Polonais être massacrés. Quatre autres accords suivirent d’ailleurs le pacte, prouvant qu’il s’agissait bien d’une alliance, odieuse, certes, tactique, sûrement, mais sans que Staline puisse apparaître à un quelconque moment comme autre chose qu’un opportuniste cynique. L’auteur suit une approche chronologique, efficace puisqu’il s’agit de décrire les horribles et immédiats effets du pacte pour les malheureux tombant respectivement sous les jougs hitlérien et stalinien. Le chapitre 3, « Partage des dépouilles », est assez éloquent sur ce point. Chaque page est nourrie de faits, de documents, d’archives, de correspondances, de témoignages qui permettent, d’ailleurs, non pas d’alléger les crimes d’Hitler mais d’alourdir ceux de Staline, commis au même moment, avec les mêmes moyens, et une même efficacité (n’en déplaisent aux quelques députés européens qui, en 2009, refusèrent de reconnaitre le 23 août comme Journée européenne de commémoration des victimes du stalinisme et du nazisme, scandalisés qu’on puisse associer les deux dictateurs comme eux-mêmes s’étaient associés, et reprochant aux Baltes, persécutés par les deux, d’oser en tirer, en connaisseurs, les conséquences). Méticuleux, retraçant tous les effets du pacte dans les pays alors en guerre, montrant comment l’Angleterre et la France furent touchées, l’auteur tire de sa connaissance exhaustive des documents quelques scènes réjouissantes où Allemands et Soviétiques fulminent les uns contre les autres, se hâtant lentement de rompre le pacte une fois les premières proies bien agrippées. Exhaustif, brillamment raconté, très à l’aise dans sa dénonciation du stalinisme, le livre est à la fois salutaire et passionnant.

 

Roger Moorhouse, Le Pacte des diables. Buchet-Chastel, 2020, 544 p., 26 €.

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