Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Rien de tel qu’un roman pour exposer une thèse.
Paul Bourget et Sartre étaient convaincus de la chose. Leurs personnages étaient moulés sur des types idéologiques, leurs intrigues avaient l’agilité du sens de l’histoire chez un marxiste de stricte obédience. Frédéric Rouvillois, point découragé par ces illustres devanciers, a trouvé une formule plus aimable : il a une thèse et mais ne l’expose qu’obliquement, à la faveur d’une intrigue policière. Le gros commissaire Lohmann et sa jolie acolyte, le capitaine Morin, enquête sur la mort d’un jeune prodige de l’art contemporain, qui peint avec ses fluides corporels (!) des œuvres évidemment radicales, subversives, bouleversantes et hors de prix. Entre secte mystico-sexuelle, grotesque parisien, spéculation financière, nababs russes ou africains et mercantis prétentieux, l’auteur nous entraîne dans une danse macabre et drôlatique, où l’horreur du mal affleure sous la farce. Un mal esthétique mais surtout moral, qui tient à la manière dont l’artiste contemporain prétend s’affranchir de la morale ordinaire puisqu’on lui a seriné que la subversion était la seule voie du beau. De tableaux immondes (décrits avec un pince-sans-rire réjouissant) en meurtres sordides, de marchands odieux en amateurs plus odieux encore, Frédéric Rouvillois nous dit tout le bien qu’il pense de l’art contemporain, avec son goût pour les excréments (au sens littéral autant que métaphorique), son hypocrisie consommée et consumériste, son éloge de la laideur et de la perversité, etc. On sent que l’auteur lit avec gourmandise tout ce que l’art conceptuel actuel vomit comme littérature satisfaite, qu’il contemple, narquois, toutes ces “œuvres” aberrantes célébrées avec révérence et qu’il épingle avec joie les mœurs douteuses des artistes célèbres dont on apprend la subversive pédophilie. Comme le commissaire Lohmann cherche moins à se convaincre des mérites des créations de l’assassiné que de retrouver son assassin, le roman nous épargne de longs aperçus sur l’art et nous divertit, entre deux descriptions amusées, par quelques poursuites bienvenues, un ou deux incendies et quelques morts supplémentaires. Féroce, juste et divertissant.