Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Alors même qu’on édite au Cerf le dialogue entre le théologien Erik Peterson et le juriste Carl Schmitt (qu’on pourrait résumer en se demandant si le christianisme n’a pas besoin du politique – position plus franciscanienne qu’il n’y paraît), Aristide Leucate fait paraître un ouvrage sur la réception de Carl Schmitt par la gauche radicale. Oui, de vertueux et contemporains marxistes s’abreuvèrent à la trouble source du théoricien compromis avec les nazis – ne serait-ce que parce que lui-même a été influencé par Sorel, Proudhon, Bakounine… Il est bon que le radicalisme du juriste allemand soit expliqué autant par sa fréquentation des contre-révolutionnaires que par les attraits du socialisme radical. Sa Théorie du partisan (combattant qui désigne seul l’ami et l’ennemi) doit beaucoup à l’étude du dictateur chinois. L’auteur construit chaque chapitre comme un exposé des thèses en vigueur, la densité des concepts ne venant pas obscurcir la clarté de l’exposé, même si une bonne culture philosophique paraît nécessaire pour apprécier pleinement son ouvrage. Pour le lecteur français d’aujourd’hui, le chapitre consacré à Schmitt et Mouffe (qui inspire La France Insoumise avec sa démocratie radicale qui consacre l’impossibilité du consensus) est très éclairant, en ce moment politique où les partis échouent à agir là où les antagonistes professionnels, féministes ou végans enragés, réussissent si bien à produire de nouvelles normes qui n’ont de sens que par les ennemis désignés. Car ces “démocrates” ne conçoivent le monde que comme des rapports de force et mêlent antilibéralisme, antiparlementarisme, étatisme et exaltation de la lutte – tous thèmes précisément schmittiens et délicieusement subversifs. L’analyse des gémissements contournés de la gauche détournant le regard en même temps qu’elle pille les concepts du maudit ajoute un certain sel à l’ouvrage.