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L’idiot à délivrer

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L’idiot à délivrer

Le narrateur d’Un Idiot dans la ville nous entraîne à sa suite dans une course curieuse depuis une chasse au mammouth jusqu’à Bernard Pivot en passant par Louis XIV et Napoléon. Il cherche son cerveau, ou plutôt ses morceaux épars, ses facultés, mémoire, intelligence et volonté. La volonté revient assez vite (précieuse pour lutter contre l’envie de suicide), l’intelligence aussi, assez en tout cas pour qu’il se rende compte que son accident vasculaire cérébral l’a changé : « J’étais intelligent pendant cinquante ans de ma vie. Je suis idiot depuis cinq ans. Dans dix ans, dans vingt ans, ma période “idiote” aura grandi en moi, en dépit de réels progrès qui peuvent exister. » La mémoire, elle, joue à cache-cache : se souvenir de Proust et Baudelaire, facile ! Louis XIV aussi. Mais le visage de sa mère ? L’adresse où il se rend ? Insondables abîmes.

Dans ce roman, vaste parabole sur le fait de recouvrir sa mémoire, ancienne et immédiate, chaque action est comme une pierre arrachée aux sables pour reconstruire l’édifice d’une personnalité, celle de l’auteur, qui se doute bien que ce qu’il est, aujourd’hui, n’est pas exactement ce qu’il était. Non pas qu’il veuille à tout prix n’être que ce qu’il était, mais il ne veut pas accepter d’être amoindri et de s’y trop facilement résigner, comme son corps l’y incite, qui choisit toujours la voie de moindre résistance et accepte, lui, des capacités diminuées, au point que le narrateur et le personnel médical luttent ensemble et contre lui-même dans cette reconquête héroïque et désordonnée de soi-même. La farce côtoie le tragique, car la mort qui rôde avec le déclin : Pierre de La Coste est le dernier descendant d’une famille antique. Lui qui était le réceptacle perfectionné d’une histoire précise, lui qui était un vecteur d’avenir, le voici bloqué, arrêté dans sa course, en tout cas ralenti. Chaque chapitre se conclue par un véritable rêve où l’on sent une puissance prisonnière qui cherche à se libérer, comme cette mémoire, mystérieusement présente, dispersée, cachée dans un corps, un cerveau, qui ne veulent pas la restituer, pas tout de suite, pas entièrement, pas facilement. Le livre est alerte, poignant parfois, fantaisiste, vagabondant avec plaisir dans l’onirisme et la caricature, navigant entre réalité (on comprend vite quelle est cette entreprise Lemon™ qui employait le héros) et fiction. On aimerait lire la suite, et que la quête de soi ne s’arrête pas là, que l’idiot se délivre enfin.

 

Pierre de La Coste, Un idiot dans la villeÉditions Persée, 2021, 208 p., 19,90 €.

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