Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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De par son élection à la tête du Saint-Empire romain germanique en 1519, Charles Quint jouit d’un immense héritage : l’Espagne et son empire colonial, les dix-sept provinces des Pays-Bas, le Royaume de Naples et les possessions autrichiennes. Il est alors le monarque le plus puissant de la première moitié du XVIe siècle et le dernier, probablement, à être animé du désir de faire de son empire la tête de file de la chrétienté.
Ce rêve se trouva toutefois vite brisé, par la progression de l’Empire ottoman, dirigé alors par Soliman Ier, par l’opposition systématique des rois de France (François Ier puis Henri II) et par la montée de la Réforme protestante initiée par Martin Luther dès 1517.
Face au danger, Charles Quint convoqua sans tarder une Diète impériale en 1521, qui se tint du 28 janvier au 25 mai 1521 à Worms, lieu de sa résidence impériale. Les Diètes sont les assemblées générales des États de l’Empire au cours desquelles sont discutées les grandes réformes, et celle qui se tint en 1521 aborda de nombreux sujets, dont la réforme militaire et administrative nécessaire pour faire face à la menace turque, mais resta surtout célèbre pour avoir fait comparaître Martin Luther les 17 et 18 avril.
Martin Luther était déjà condamné par l’Église comme hérétique puis excommunié le 3 janvier 1521, mais avant d’être mis officiellement au ban du Saint-Empire romain germanique, Charles Quint avait tenu à l’entendre en plaidoyer. La question luthérienne n’est pas neutre, elle devient même un sujet essentiel car elle crée des émules, de farouches défenseurs de la cause, et en tant que point de rupture avec l’Église, elle fragilise ainsi l’équilibre précaire d’un empire qu’un rien peut enflammer.
Le livre de Rémi Delieutraz prend sa place dans la nuit du 17 au 18 avril 1521. Sous forme de pièce de théâtre, il met en scène Charles Quint et Luther, dans un face-à-face où se confrontent leurs certitudes, leurs angoisses et leurs aspirations : l’un veut à tout prix préserver son héritage, réformer l’Église certes mais la conserver, l’autre veut faire jaillir la Vérité dont il se croit dépositaire, en vue du salut des âmes.
Deux mondes irréconciliables s’opposent dans cette nuit où Charles Quint tente désespérément d’arriver à un compromis où le temporel se heurte au spirituel, mais c’est faire fi des liens inextricables qui unissent ces deux notions quand elles s’incarnent si étroitement dans un monde avant tout politique. Luther reproche à Charles Quint son immobilisme, ses compromissions, ses tentatives pour conserver un Empire et une Église qu’il juge corrompus. Charles Quint se voit comme gardien et protecteur d’un héritage qu’il a reçu, il veut composer, il devine les désastres qui découleront du radicalisme des réformés, il reproche à Luther d’avancer sans penser aux conséquences.
Martin Luther ne cédera pas : « Je ne puis ni ne veux rien rétracter, car il n’est ni sûr ni salutaire d’agir contre sa conscience ». La rupture avec Rome est consommée.
La forme théâtrale, choisie par Rémi Delieutraz, qui impose une narration épurée, limitée aux seuls dialogues, et la mise en scène de ces deux personnages font ressortir toute la gravité de l’instant. Tout semble se jouer dans ces quelques minutes où le temps est comme suspendu. Le lecteur averti connaît la chute, mais aimerait croire malgré tout que l’histoire aurait pu s’inverser.
Le talent de l’auteur est là : avoir pu nous communiquer en quelques lignes l’intensité de ces moments officieux qui révèlent les tourments secrets de ceux qui portent le monde dans leurs mains.