Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Philippe Pichot-Bravard est historien du droit. La matière est parfois sèche. Alors qu’à fréquenter les terres d’Anjou, à examiner les racines de notre pays, à scruter nos lois, comment ne pas avoir envie de faire sentir ce que c’était que d’être catholique, français et royaliste ? L’historien se fait alors romancier. À travers la figure imaginaire mais finement dessinée du comte de la Helgue, il raconte la grande épopée vendéenne, « pour Dieu, pour le Roi, pour les libertés, contre les missionnaires de la déesse Raison et les grands prêtres des Comités ». On voit que le conte a valeur de parabole ! Le comte a été de tous les coups, et il promène le lecteur, avec la sureté de celui qui a bonne mémoire, des bords du Rhin où il apprend que l’Ouest se révolte, à l’Anjou où il se jette dans l’insurrection. Il y croisera tous les géants, tels Bonchamps et Cotterau, et tous les maléfiques. Il vire à Galerne, échoue au Mans, rejoint Cadoudal et sans cesse le rêve s’éloigne. Le royaume n’existe plus que dans la mémoire et le cœur de ces derniers fidèles, où les paysans sont bien plus nombreux que les gentilshommes. Entre deux souvenirs vibrants ou amers, le comte, qui raconte en 1830 ses souvenir à la compagnie de ses amis, jette une anecdote savoureuse, comme cette madame du Buisson qui aida un maire, républicain zélé mais illettré, à dresser la liste des suspects – en lui faisant croire qu’il s’agit de remercier les bons citoyens. Le village fut ainsi dépeuplé de tous ses “patriotes” (les patauds !), le maire compris. Ceux qui quittèrent enfin la prison et revinrent manquèrent désormais de zèle. On le comprend, P. Pichot-Bravard raconte la grande histoire mais l’entrelarde de la petite, ayant judicieusement choisi un héros qui n’a rien de romantique ni de désespéré, qui se bat mais est lucide (le Comte d’Artois, immobile sur l’île d’Yeu, a beaucoup aidé à la lucidité des royalistes), et l’ayant flanqué de compagnons qui, chacun y allant de son propre récit, permettent de couvrir toute la période sans transformer La Helgue en centaure fabuleux, de parcourir tous les registres de l’émotion, d’évoquer toutes les dimensions de l’échec (les amis rejouent la partie à la toute fin du livre, et on rêve de cette uchronie où la victoire ne leur aurait pas échappé puisqu’évidemment il ne s’en était fallu que de peu), que La Helgue et ses comparses reculent le plus possible, se battant encore en 1799. On peut ne formuler qu’un regret : que l’auteur ne nous donne pas les sources de tous ces matériaux qu’il a si bien fondus et distillés.