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Gender fluid

Vous reprendrez bien un peu de littérature dite « de genre (s) » ? Trois romans au menu de l’été, entre thriller, uchronie et petit noir à l’humour corrosif.

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Gender fluid

Fin de siècle est le douzième roman noir de Sébastien Gendron, l’occasion est belle de découvrir une écriture où se mêlent le sérieux – la fin du siècle et du monde tout de même – et l’humour. Un humour qui n’est pas sans rappeler la Série noire d’antan ou les films noirs avec Lino Ventura et Bernard Blier, un flingue et un silencieux. Cela faisait pof, on y croyait en rigolant. Cela s’explique par une construction en forme de film, avec distribution et générique, scène de départ qui plonge direct dans l’histoire (une femme riche est sauvagement assassinée, le thorax ouvert en deux comme un quartier de bœuf), rythme haletant, hommages divers et pay off, ou scène d’après le générique de fin. Si l’écriture de Gendron est drôle, l’histoire racontée dans Fin de siècle ne l’est pas. Les mégalodons, requins géants disparus, sont revenus du fond des abysses et, par leur nombre et leur violence, ont pris possession des océans et des littoraux. La Méditerranée est protégée par un système de herses, construit pour empêcher les bestioles d’entrer. Les riches vivent donc là, ils peuvent se payer la tranquillité. Jusqu’à ce que…

Sébastien Gendron, Fin de siècle, Gallimard, série noire, 2020, 231 p., 19 €.

 

Il n’y a pas le même humour dans le dernier opus de l’auteur de best-sellers américaine d’Atlanta Karin Slaughter, considérée comme l’un des écrivains les plus populaires du monde, traduite dans 33 langues, vendue à plus de 30 millions d’exemplaires, etc. Ce dernier ouvrage appartient à la série « Will Trent » dont les romans se lisent séparément. Le rythme est endiablé. La dernière veuve est un thriller qui se lit comme l’on regarde les épisodes successifs d’une excellente série télévisée dont on veut absolument connaître la suite. Et la fin. Ce n’est pourtant pas de la « petite littérature », malgré une couverture étonnante pour qui ne serait pas habitué à la culture livresque anglo-saxonne. La première partie du roman happe son lecteur justement du fait de l’écriture : Slaughter raconte, elle aussi, l’histoire de façon cinématographique, le lecteur découvrant de chapitre en chapitre les mêmes scènes mais selon le point de vue des différents personnages. Brillant de construction et de maîtrise. Puis, soudain, l’écriture bascule avec l’histoire, un événement violent survient, bombes contre les locaux d’une université, peu après l’enlèvement d’une épidémiologiste (lesbienne, c’est le monde anglo-saxon de la discrimination positive) sous les yeux de sa fille. Tout s’emballe et nous plonge dans une Amérique où agit un groupuscule suprémaciste soucieux de « rétablir un ordre blanc ». On pourrait croire que ce roman est purement de bien-pensance, ce n’est pas le cas, Slaughter jouant avec tout cela dans son écriture, y compris avec les actuelles obligations éditoriales américaines, et donne à lire un roman difficile à lâcher.

Karin Slaughter, La dernière veuve, Harper & Collins Noir, 2020, 585 p., 20,90 €.

 

 

L’écrivain né en 1959 en Ukraine, dans l’URSS d’alors, Jaroslav Melnik, dont les parents se sont rencontrés au goulag, offre une uchronie en forme de parabole sur des régimes politiques passés, l’Allemagne nazie et l’URSS, tout autant que sur aujourd’hui, cette mondialisation où le monde semble avaler ses propres enfants. Macha ou le IVe Reich se déroule en 3896 et tout semble indiquer que le Reich en question étend son pouvoir sur le monde entier. Nous prenons connaissance de ce monde en compagnie d’un fermier, Dima, par ailleurs journaliste à La Voix du Reich, journal quotidien que tout un chacun lit et que tout le monde croit. Simplement, sans se poser de questions. En apparence. Des articles sont d’ailleurs insérés dans le corps du roman, de très belle facture éditoriale, montrant que le journal est ouvert à des points de vue différents. Sauf si ces points de vue devaient remettre en question de fond en comble l’ordre social. La société, justement, est organisée en deux catégories principales : les humains et les stors, dont l’origine n’est pas très claire. Ils semblent humains, physiquement, mais sont des animaux, bêtes de somme, corvéables et surtout base de l’alimentation des hommes. Mais voilà, la tranquillité bascule, Macha est troublante, des voix s’élèvent, la communauté pastorale n’est pas aussi simple que cela et le roman devient thriller d’anticipation. Un des points essentiels du roman est que son lecteur ne peut jamais être sûr du point de vue de Melnik… le roman est d’évidence engagé mais… contre quoi ? Un roman étonnant.

Jaroslav Melnik, Macha ou le IVe Reich, Actes Sud, Exofictions, 2020, 283 p., 22 €

 

 

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