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L’énigme de la Vénus de Milo

On s’est battu pour elle. Qui est-elle ? Qui l’a faite ? Où a-t-elle été réalisée ? Son mystère n’a d’égal que la fascination qu’elle exerce sur ceux qui la contemplent.

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L’énigme de la Vénus de Milo

Pourquoi le prince Constantin Mourousy écrit-il aujourd’hui sur la Vénus de Milo ? Parce qu’un de ses ancêtres, le prince phanariote[1] Nicolas Mourouzi, diplomate d’origine grecque sous l’empire ottoman, responsable (« grand drogman ») de la Marine et administrateur de l’archipel des îles grecques, s’était porté acquéreur de la statue contre les Français. Jeune, esthète, polyglotte, pourtant ami du Français Lodoïs de Marcellus, l’un des principaux acteurs de l’acquisition par la France de la Vénus, il voulait à tout prix conserver ses chefs-d’œuvre à la Grèce, sa patrie occupée, quitte à enrichir sa collection personnelle. Mais l’Histoire, sous la forme d’un vent violent, en a décidé autrement.

C’est en 1820 qu’un paysan grec met à jour par hasard à Milo une chambre souterraine où est cachée la statue, constituée de deux blocs de marbre. On doit à l’enseigne de vaisseau Olivier Voutier, effectuant des fouilles non loin de là, de saisir immédiatement et le premier la valeur inestimable de cette sculpture. Le paysan la vend cher, la France doit l’acquérir. Voutier commence des démarches qui passeront par Dumont d’Urville pour aller jusqu’à l’ambassadeur de France à Constantinople, le marquis de Rivière. C’est le vicomte de Marcellus qui est chargé par l’ambassadeur de rapporter la statue. Mais le temps s’est écoulé, et le prince Nicolas Mourouzi, prévenu lui aussi, a envoyé son homme de main : il s’ensuit une bagarre incroyable où la Vénus est traînée sur les cailloux, d’un bateau ancré à l’autre. Les Français ne doivent leur succès qu’au « meltem », ce vent du Nord qui a empêché le départ du bateau, et à l’entregent de Marcellus auprès des responsables locaux. Il s’en est fallu de très peu.

L’auteur de ce livre donne tous les détails de cette histoire rocambolesque. Il montre aussi pourquoi les bras de la Vénus demeurent un mystère. Le dessin d’Olivier Voutier au moment de la découverte et celui de l’archéologue allemand Furtwängler, qui offre une solution à l’énigme au XIXe siècle, sont intéressants à ce sujet. C’est le roi Louis XVIII lui-même qui a mis un terme au projet de reconstituer les membres supérieurs, assurant ainsi la préservation du chef-d’œuvre.

L’occasion est donnée en même temps au lecteur de comprendre le contexte géopolitique, en ces années 1820, de la région dominée alors par Constantinople, cette héritière de la Grèce et de la Rome antique devenue ottomane et despotique, quand la Grèce reconquérait son indépendance, proclamée en 1822. Que serait devenue la Vénus de Milo si elle était restée en Grèce sous dépendance turque ? Le prince Nicolas Mourouzi a été exécuté, comme « traître », par les Ottomans au cours de l’insurrection grecque, en ardent défenseur de son pays. On peut redouter, s’il en avait été le détenteur, ce qu’aurait alors été le sort, aux mains des Turcs, de la Vénus de Milo. Le Louvre n’est-il pas finalement le plus bel écrin qui soit pour la déesse, et pour la gloire de la sculpture grecque antique ?

[1] Habitant du quartier aristocratique du Phanar à Constantinople à l’époque.

L’énigme de la Vénus de Milo, Prince Constantin Mourousy, 206p. L’Archipel 18€

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