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Sans Dieu ?

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Sans Dieu ?

« Paris-Marseille en un quart d’heure, c’est formidable ! » Car vos fils et vos filles peuvent crever : le grand problème à résoudre sera toujours de transporter vos viandes à la vitesse de l’éclair. Que fuyez-vous donc ainsi, imbéciles ? Hélas ! C’est vous que vous fuyez, vous-mêmes – chacun de vous se fuit soi-même, comme s’il espérait courir assez vite pour sortir enfin de sa gaine de peau … On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure.

Georges Bernanos, La France contre les robots.

 

Dans Matrix, les hommes sont réduits à n’être que des larves productrices d’énergie, ils vivent confinés dans des poches amniotiques, alimentés et purgés par des flexibles fixés sur le corps ; actif, leur cerveau est innervé par une télévision totale qui simule le réel disparu. Pas de doute, ils sont vivants.

La pandémie actuelle et la mutation instantanée de nos sociétés qu’elle engendre augurent de la tyrannie biologique qui régnera en place de l’Esprit et de l’Espérance. Cette tyrannie est celle des fourmilières et des ruches dont tout libre arbitre est exclu. Son seul principe : le maintien en vie des fonctions vitales. Sa seule règle : l’obéissance au nécessaire. Et pourtant. L’homme, l’homme seul n’existe pas. Respirant, mâchant, mammifère, ce corps vivant n’est pas un homme. Ajoutez-y le désir, la foi, l’espérance et vous le verrez apparaître. L’âme, oui, voilà peut-être ce qui fait la différence d’avec le robot ou la fourmi.

La pandémie permet de remettre les choses en place : nos recteurs laïques déterminent ce qui est nécessaire et ce qui ne l’est pas. Médecins, infirmiers, croque-morts (?) ont définitivement pris la place des pêcheurs d’âmes. Le fils ne peut dire adieu à son père, mais il y a des sacs pour les corps…

Plus de sacrements ni de miséricorde désormais remplacés par la « distanciation sociale » et la « Nation apprenante ». Dans le monde désert, saturé du bruit de fond de la connerie électronique, les hordes du moi-je sont fermées au courage et mithridatisées contre toutes communions. Le moderne sans Dieu ne sait que faire de la mort. Elle menace son équation matérialiste, elle en dévoile le non-sens. Oui, la mort est l’intruse, l’ennemie et les flâneurs sans masque ses séides. Rentrez chez vous ! (et non rentrons chez nous…) Diastole, systole ; en vie, pas mort ; on profite d’un épisode épidémiologique pour entériner une existence humaine réduite à la santé d’un unicellulaire sans affects ni représentations.

À l’abri des miasmes, terrés, catatoniques, dispersés, isolés pour notre bien, nous vivrons, jusqu’à l’asphyxie, la vie matérielle tout en contribuant à l’euphorie statistique des courbes qui s’aplatissent. Une vie réduite à la seule santé inhibe en l’homme l’appropriation de son destin, la disposition à la résistance, à l’édification comme le choix du sacrifice qui fondent l’histoire humaine. Les entreprises des jeunes gens sont frappées de plein fouet, les investissements périclitent, les fruits récoltés pourrissent ? Peu importe ! On entend les oiseaux ! La pollution baisse ! Les païens, eux, se réjouissent, sans l’homme qui en est la peste, Gaïa va mieux ! n

J’ai vécu toute ma vie sous un régime communiste, et je peux vous dire qu’une société sans référent légal objectif est particulièrement terrible. Mais une société basée sur la lettre de la loi, et n’allant pas plus loin, échoue à déployer à son avantage le large champ des possibilités humaines. La lettre de la loi est trop froide et formelle pour avoir une influence bénéfique sur la société. Quand la vie est tout entière tissée de relations légalistes, il s’en dégage une atmosphère de médiocrité spirituelle qui paralyse les élans les plus nobles de l’homme.

Alexandre Soljenitsyne. Le déclin du courage, Harvard, 8 juin 1978

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