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Les scandales du pays légal

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Les scandales du pays légal

Le journalisme d’investigation politique est souvent ingrat : il donne l’impression d’être affreux à l’instant où l’affaire éclate, mais bien vite tout s’affadit et à la fin on ne peut s’empêcher de penser que cela n’est pas grand’ chose et que partout il a été des hommes de pouvoir qui ont abusé. Le mérite du dernier livre de Gaetner est justement de ne pas laisser de place à l’indignation et de montrer que l’arrogance de nos puissants n’a rien à envier à la laideur morale des courtisans de la Boétie. Car on ne peut pas dire que l’entourage de Macron ait inventé de nouveaux genres de scandale, mais ses courtisans condensent les figures connues. Avouons-le sans scandale, la République n’est guère souvent exemplaire. Elle a su chérir ses errements, que cela soit Giscard avec ses diamants éternels ou Mitterrand et ses conceptions particulières de ministre de l’Intérieur.

Ainsi le livre de Gaetner est-il un long chemin de croix, plaisamment écrit en dépit de son sujet, qui est d’autant plus incisif que l’auteur n’a pas été un anti-macroniste pathologique. Son avant-dernier livre sur Les 100 premiers jours de Macron se voulait une analyse honnête de ses coups de poker et de ses fragilités. Cependant, quand le bluff révèle ne cacher que du vent, le retour au réel est rude, d’autant plus quand l’arrogance gonfle des grenouilles qui s’arrogent le droit de taper à coup de spatule sur l’ongle des bœufs [Ndlr. La métaphore est obscure mais nous saluons l’inventivité bantoue de l’auteur]. Une fois la sidération passée, une fois évacuée la fatigue devant tant d’infamies répétées, on peut se faire la remarque que le retour de la dichotomie pays réel/pays légal n’est peut-être pas étonnant. Au-delà de la valeur de vérité qu’elle a, il faut noter qu’elle est usée autant au sein du gouvernement avec Griveaux que chez ses opposants avec Clémentine Autain et Rufin. Ce qu’il faut surtout voir en elle, et qui explique son succès, c’est qu’elle ne pose pas la fracture du peuple et des élites sous l’angle de la moralité, comme peut le faire Juan Branco dans Crépuscule, mais sous celui des devoirs et de la justice. Rendons grâce alors à Gaetner d’avoir rendu justice à ces paltoquets qui encombrent les médias.

Gilles Gaetner, Les Arrogants. L’Artilleur, 2020, 240 p., 16 €

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