Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Renaud Camus est surtout connu, depuis quelques années, comme auteur de la théorie controversée du « Grand Remplacement ». Cela occulte injustement une œuvre littéraire et philosophique abondante, notamment une réflexion menée de longue date sur l’évolution de la langue et de la culture. Cette réédition chez Pierre-Guillaume de Roux de textes initialement publiés entre 2005 et 2018 (qui ont certes le défaut de souvent se répéter) nous permet de redécouvrir la pensée de Renaud Camus dans toute sa richesse.
On comprend, pour commencer, que le fameux « Grand Remplacement » ne relève pas uniquement de considérations démographiques, mais s’inscrit dans une critique plus vaste de notre modernité technicienne, dans la lignée d’un Anders ou d’un Heidegger. Le changement de peuple n’est qu’un cas particulier, tragique, de ce que Camus appelle le « remplacisme global », qui « est d’abord économique et s’exerce sur les objets avant de s’appliquer à ceux qui les fabriquent et à ceux qui les consomment, aux individus, pris individuellement puis en masse, et finalement aux peuples, interchangeables à merci comme le veut l’idéal capitaliste post-taylorien ».
Ce remplacisme, économique et démographique, est lui-même rendu possible par un remplacisme culturel, une « Grande Déculturation » qu’il aggrave à son tour selon une sinistre dialectique. D’où le titre du recueil : « Le Petit Remplacement, c’est le changement de culture ; le Grand Remplacement, c’est le changement de civilisation. […] L’un facilite l’accomplissement et le parachèvement de l’autre ». Le déclin de la culture se traduit par une « dictature de la petite bourgeoisie », qui substitue le divertissement et l’autolâtrie (« le soi-mêmisme ») à l’art dans la hiérarchie des valeurs, tant dans la vie quotidienne qu’au sein de nos élites politico-médiatiques. Dictature qui se traduit par un appauvrissement du langage que l’auteur se plaît à décortiquer : oubli des formules de politesse au nom d’un prétendu naturel ; éclatement de la syntaxe, cet « autre dans la langue » ; disparition des noms de famille au profit des seuls prénoms. Autant de symptômes d’un individualisme triomphant qui refuse le caractère foncièrement inégalitaire et héréditaire de la culture. Le constat de Bourdieu était juste, mais Camus en tire la conclusion inverse : pour préserver la culture, il faut maintenir l’inégalité et l’hérédité. Il n’appelle pas à constituer une caste, mais plaide pour une « classe cultivée héréditaire », renouvelable à la marge, comme l’a été la noblesse ou une certaine bourgeoisie. Un impératif qui choquera évidemment notre sensibilité démocratique, ou « hyperdémocratique », laquelle exige l’égalité dans tous les domaines, non seulement politique mais économique et culturel. Pour lutter contre cet apparemment irrésistible fléau, il ne nous reste plus qu’à constituer des « sanctuaires » au milieu du déluge : « le modèle, la référence mythique, la seule forme actuellement concevable d’une lointaine et infime espérance, ce sont les couvents du haut Moyen Âge »…